Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Syndicat Polynésien des énergies renouvelables (SPER) a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie Française d'annuler l'arrêté n° 972 CM du 23 juillet 2015 relatif au prix du fioul ou MDO dont la teneur en soufre est inférieure à 2 % destiné à la SA Electricité de Tahiti (EDT) et acheminé en Polynésie française par le pétrolier James Cook lors de son voyage n° 58.
Par un jugement n° 1500442 du 8 mars 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 juin 2016, et des mémoires enregistrés le 8 septembre 2016 et 3 mars 2017, le SPER, représenté par Me B..., demande la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 mars 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie Française ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 972 CM du 23 juillet 2015 ;
3°) de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 360 000 F CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- son avocat a qualité pour agir ;
- il a intérêt à agir dès lors que ses intérêts sont lésés, le système du FPPH venant subventionner les énergies fossiles ;
- l'arrêté attaqué est illégal en ce qu'il est rétroactif puisqu'il est daté du 23 juillet 2015 et porte sur le prix du fioul transporté par un navire dont la date d'arrivée est fixée au 16 juillet ;
- la fixation du prix du fioul par le FRPH donne un avantage concurrentiel à la SA EDT et entraîne une distorsion de concurrence ;
- cette subvention renforce l'opacité des coûts et n'est pas suffisamment répercutée sur les usagers ;
- EDT en tant qu'intervenant n'est pas recevable à présenter des conclusions.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2016, la Polynésie française, représentée par Me D...conclut au rejet de la requête d'appel et à la confirmation du jugement attaqué ou, à défaut, au rejet de la demande de première instance et conclut à la condamnation du SPER à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par deux mémoires enregistrés le 25 juillet 2016 et 17 janvier 2017, la SA Electricité de Tahiti (EDT), représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation du SPER à lui verser une somme de 500 000 FCP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004,
- l'arrêté n° 293 CM du 28 décembre 2004,
- l'arrêté n° 972 CM du 23 juillet 2015,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeA...,
- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le Syndicat Polynésien des énergies renouvelables (SPER) relève appel du jugement du 8 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 972 CM du 23 juillet 2015 relatif au prix du fioul ou MDO dont la teneur en soufre est inférieure à 2 % destiné à la société Electricité de Tahiti (EDT) et acheminé en Polynésie française par le pétrolier James Cook lors de son voyage n° 58.
Sur la recevabilité des conclusions présentées par la SA EDT :
2. La SA EDT, qui est bénéficiaire de la décision critiquée, et a été appelée à présenter ses observations en première instance, est, contrairement à ce que soutient le SPER, recevable à présenter des observations en défense.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Pour rejeter comme irrecevable la requête du SPER, le tribunal administratif a considéré que ses statuts ne permettaient pas d'identifier les intérêts susceptibles d'être lésés par l'arrêté contesté et que, par suite, le syndicat ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir.
4. L'article 3 des statuts du SPER dispose que : " Le syndicat a exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels des personnes visées par leurs statuts, notamment pour : resserrer les liens professionnels entre les membres qui y adhèrent, défendre les intérêts moraux et professionnels de ce secteur d'activité, faciliter toute étude d'ordre général et économique concernant le secteur professionnel concerné, acquérir à titre gratuit ou onéreux, des biens, meubles ou immeubles, sachant que les biens, immeubles et objets nécessaires à leur réunion sont insaisissables, assurer la promotion des énergies renouvelables, informer les membres du syndicat et répondre aux questions professionnelles qui lui seraient posées, de façon générale, d'user de toutes prérogatives conférées par les dispositions légales ou réglementaires aux syndicats professionnels ". Aux termes de l'article 9 : " peuvent faire partie du syndicat les personnes physiques ou les entreprises dûment enregistrées au tribunal de commerce (...), dans la mesure où leur activité professionnelle, d'une manière ou d'une autre, entre dans l'objet du syndicat ".
5. Ainsi, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il ressort clairement des statuts du SPER, dont l'objet est la défense des intérêts des professionnels qui interviennent dans le secteur des énergies renouvelables et la promotion de celles-ci, que ce syndicat a, nonobstant la diversité professionnelle de ses adhérents, un intérêt à demander l'annulation de l'arrêté fixant les tarifs d'achat du fioul transporté par le pétrolier James Cook dont la cargaison était destiné à la SA EDT, concessionnaire de la production et de la distribution électrique, dès lors qu'il n'est pas contesté que lesdits tarifs, répercutés sur le prix de l'électricité distribuée, ont un impact sur le développement des énergies renouvelables. Par suite, c'est à tort que le tribunal a regardé les conclusions du SPER comme irrecevables. Il y a lieu, dès lors, pour la Cour d'annuler le jugement attaqué et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par le SPER devant le Tribunal administratif de la Polynésie Française.
Sur la demande présentée par le SPER devant le Tribunal administratif :
6. En premier lieu, le SPER soutient que l'arrêté litigieux prévoit une application antérieure à son adoption, contrairement au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. Toutefois, la circonstance que cet arrêté du 23 juillet 2015, publié le 31 juillet 2015, fixe les tarifs du fioul transporté par le pétrolier James Cook arrivé en Polynésie française le 16 juillet 2015, n'a pas pour effet de rendre ces tarifs rétroactifs. Le moyen manque donc en fait.
7. Le SPER soutient, en second lieu, que l'arrêté litigieux est contraire aux règles du droit de la concurrence en entraînant une distorsion de concurrence au détriment des producteurs d'énergies renouvelables et fait notamment valoir que la fixation des prix du fioul et du montant de stabilisation par l'arrêté en cause, est assimilable à une subvention pour la production d'électricité créant un avantage concurrentiel au bénéfice de la SA EDT. Toutefois, un tel moyen est inopérant à l'encontre de l'arrêté critiqué, lequel se borne à faire application des règles déterminées par arrêté n° 293 CM du 28 décembre 2004 fixant le cadre général du prix de vente de fioul destiné à la SA EDT.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le SPER n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté n° 972 CM du 23 juillet 2015. Ses conclusions aux fins de remboursement des dépens de l'instance ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que, la Polynésie française qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse au SPER la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la Polynésie française et la SA EDT.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500442 du 8 mars 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie Française est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le SPER devant le Tribunal administratif de la Polynésie Française est rejetée.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat Polynésien des énergies renouvelables, à la Polynésie française et à la SA Electricité de Tahiti.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- MmeA..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 10 juillet 2018.
La rapporteure,
M. A...Le président,
J. LAPOUZADE La greffière,
C. POVSELa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01856