Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2017 par lequel le préfet de police l'a transféré aux autorités bulgares pour l'examen de sa demande de protection internationale et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet de Police l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1711582 du 20 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2017, M.A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés des 12 et 17 juillet 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, dans un délai de cinq jours à compter de la notification du présent arrêt, d'enregistrer sa demande et de saisir l'Office de protection des réfugiés et apatrides et, à défaut, dans ce même délai, de procéder au réexamen de sa situation.
M. A...soutient que :
- le jugement attaqué et irrégulier dès lors que, contrairement aux dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'a pas été convoqué à l'audience ;
- l'arrêté du 12 juillet 2017, qui n'a pas reproduit les mentions prévues par l'article L. 742-3 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entaché d'un vice de forme ;
- le préfet de police a méconnu les dispositions du paragraphe 2 du 2. de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet de police, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté du 12 juillet 2017 sur sa situation personnelle ;
- l'arrêté du 17 juillet 2017 est illégal par voie de conséquence de l'illégalité entachant l'arrêté du 12 juillet 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 9 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- et les observations de Me B...pour M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité afghane, entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 5 février 2017, s'est ensuite présenté devant les services de la préfecture de police le 17 mai 2017 pour solliciter son admission provisoire au séjour afin de saisir l'Office de protection des réfugiés et apatrides d'une demande de protection internationale. Par des arrêtés des 12 et 17 juillet 2017, le préfet de police a respectivement décidé de transférer l'intéressé aux autorités bulgares pour l'examen de cette demande et de l'assigner à résidence. M. A...relève appel du jugement du 20 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés des
12 et 17 juillet 2017.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. En vertu de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui demande l'annulation d'une décision de transfert peut notamment demander au président du tribunal administratif le concours d'un interprète et la désignation d'office d'un conseil pour l'assister au cours d'une audience publique à laquelle il est " dûment convoqué ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par une télécopie transmise au greffe du tribunal le 19 juillet 2017 à 16h21, M.A..., d'une part, a certifié avoir reçu sa convocation à l'audience du 20 juillet 2017 et, d'autre part, a demandé l'assistance d'un avocat et d'un interprète en langue patchou. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance des dispositions analysées au point 2.
En ce qui concerne le bien fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. / Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend ".
5. Si les mentions incomplètes ou erronées figurant dans la notification d'une décision administrative sont susceptibles, le cas échéant, de rendre inopposables les voies et délais de recours contentieux, elles restent en revanche, par elles-mêmes, sans incidence sur sa légalité. Dès lors, M. A...ne peut pas utilement soutenir que la notification de l'arrêté du
12 juillet 2017 ne l'a pas informé de son droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) / 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".
7. Le requérant soutient qu'il souffre de troubles psychologiques majeurs, susceptibles d'aggravation, et pour lesquels il a commencé à suivre un traitement médical en France et produit à cet effet quatre rapports médicaux, établis postérieurement à l'arrêté du 12 juillet 2017, datés respectivement des 14 août, 5 septembre, 6 octobre et 1er décembre 2017. Toutefois, M. A... n'établit ni même n'allègue avoir alerté le préfet de police sur son état de santé lors de l'examen de sa demande et ne prouve pas davantage qu'il ne serait pas susceptible d'être médicalement suivi en Bulgarie. Dès lors, et en tout état de cause, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
8. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 du 2. de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillance systémique dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".
9. Le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que la Bulgarie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte.
10. D'une part, le rapport établi par le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés publié le 23 novembre 2017 et le rapport 2016/2017 établi par l'organisation non gouvernementale Amnesty International, dont se prévaut le requérant, ne permettent pas, en eux-mêmes, de considérer qu'il y aurait de raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile. D'autre part, M. A...n'apporte aucun autre élément permettant de considérer qu'il risquerait personnellement de subir des traitements inhumains et dégradants en Bulgarie. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 6 juin 2013.
11. En dernier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 4 à 10, M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 17 juillet 2017 serait illégal par voie de conséquence de l'illégalité entachant l'arrêté du 12 juillet 2017.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des
12 et 17 juillet 2017 en litige. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 juillet 2018.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA03819 2