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06/07/2018 | FRANCE | N°17PA02984

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 06 juillet 2018, 17PA02984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 mars 2017 par lequel le préfet de police l'a transféré aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande de protection internationale.

Par un jugement n° 1711661 du 27 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2017, M.A..., représenté par MeC..., demande

à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 21 mars 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 mars 2017 par lequel le préfet de police l'a transféré aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande de protection internationale.

Par un jugement n° 1711661 du 27 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2017, M.A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 21 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- le premier juge a méconnu le principe du respect du contradictoire lors de l'audience publique et a ainsi entaché le jugement attaqué d'une irrégularité ;

- l'arrêté contesté a méconnu son droit à l'information garanti par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 24 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Boissy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., de nationalité mauritanienne, entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 3 décembre 2016, s'est ensuite présenté devant les services de la préfecture de police le 19 janvier 2017 pour solliciter son admission provisoire au séjour afin de saisir l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) d'une demande de protection internationale. Par un arrêté du 21 mars 2017, le préfet de police a décidé de transférer l'intéressé aux autorités italiennes pour l'examen de cette demande. M. A...relève appel du jugement du 27 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 21 mars 2017.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 776-24 du code de justice administrative applicable, en vertu de l'article R. 777-3-6 du même code, aux recours en annulation contre les décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Après le rapport fait par le président du tribunal administratif ou par le magistrat désigné, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observations ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance, et notamment des mentions du jugement attaqué, que Me B...a représenté M. A...au cours de l'audience qui s'est déroulée le 25 juillet 2017 et a présenté des observations orales au nom de son client. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif n'a dès lors pas méconnu la procédure contradictoire prévue par l'article R. 776-24 précité. La circonstance que M.A..., qui disposait d'un interprète en langue peul, ne se soit pas exprimé en personne reste à cet égard sans incidence sur la régularité de la procédure contentieuse suivie devant le premier juge. Le requérant n'est par suite pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour ce motif.

En ce qui concerne le bien fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 4 règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. (...) La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres (...) ". Le modèle de cette brochure commune figure sous l'annexe X au règlement n° 118/2014 du 30 janvier 2014. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...). / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'après que les empreintes digitales de M. A...ont été exploitées par le système " Eurodac ", le préfet de police a engagé la procédure de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. M. A...a reçu, contre sa signature, le 19 janvier 2017, la brochure commune rédigée en langue française. En outre, il a bénéficié, à la même date, d'un entretien, tenu dans les conditions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 et a apposé sa signature au bas du compte rendu de cet entretien qui mentionne que ce dernier s'est déroulé avec l'assistance d'un interprète en langue peul par téléphone.

6. Le requérant soutient qu'il ne parle que le peul et non le français et qu'il n'a pas été en mesure de comprendre les informations écrites qui lui ont été délivrées lors de la remise de la brochure commune. Toutefois, le préfet fait valoir, sans être contesté, qu'il a rempli seul, sans l'aide d'un interprète, les " feuilles de salle " établies en français. Il ressort également des pièces du dossier que, le 30 mai 2017, il a apposé sa signature au bas d'un courrier dans lequel il indiquait ne pas pouvoir se rendre à une convocation dans les services de la préfecture de police le 8 juin 2017 en raison d'un rendez-vous médical prévu le même jour. Enfin, il a également signé, le 18 juillet 2017, la requête en annulation qu'il a présentée devant le tribunal administratif de Paris dirigée contre l'arrêté du 21 mars 2017. Dans ces conditions, le préfet de police a pu raisonnablement supposer que M. A...comprenait la langue française, qui est d'ailleurs la langue administrative de la Mauritanie. Au demeurant, M.A..., qui a notamment pu déposer un recours critiquant les motifs de l'arrêté le transférant en Italie, n'apporte aucun élément sur les garanties dont il aurait été effectivement été privé, en raison d'une compréhension lacunaire du français, pour s'opposer à ce transfert en Italie. Le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit par suite être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au bénéfice du conseil de M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 juillet 2018.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

M. HEERSLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02984
Date de la décision : 06/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-07-06;17pa02984 ?
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