Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G...F...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 avril 2017 par lequel le préfet de l'Essonne l'a transféré aux autorités bulgares pour l'examen de sa demande de protection internationale.
Par un jugement n° 1703574 du 19 mai 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2017, le préfet de l'Essonne demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.F....
Le préfet de l'Essonne soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a annulé son arrêté au motif qu'il n'avait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. F...au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et avait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de cette clause discrétionnaire ;
- les autres moyens invoqués par M. F...au soutien de ses écritures de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2018, M.F..., représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. F...soutient que le moyen d'appel invoqué par le préfet de l'Essonne n'est pas fondé.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 15 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- et les observations de M.F....
Considérant ce qui suit :
1. M.F..., de nationalité afghane, entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 3 octobre 2016, s'est présenté devant les services de la préfecture de l'Essonne le 9 novembre 2016 pour solliciter son admission provisoire au séjour afin de saisir l'Office de protection des réfugiés et apatrides d'une demande de protection internationale. Par un arrêté du 19 avril 2017, le préfet de l'Essonne a décidé de transférer l'intéressé aux autorités bulgares pour l'examen de cette demande. Le préfet de l'Essonne relève appel du jugement du 19 mai 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté du 19 avril 2017.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de l'arrêté en litige, que le préfet de l'Essonne, avant de prononcer le transfert de l'intéressé vers la Bulgarie, n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M. F...au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. En ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire de faire examiner en France sa demande d'asile en application de ce même article 17, le préfet n'a pas davantage fait, dans les circonstances de l'espèce, une appréciation manifestement erronée de la situation de M.F.... Le préfet de l'Essonne est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé, pour ces motifs, l'arrêté litigieux.
4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie du litige par l'effet d'évolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par M. F...devant le tribunal administratif de Melun.
5. En premier lieu, par un arrêté du 6 septembre 2016, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Essonne le 9 septembre suivant, la préfète de l'Essonne a délégué sa signature à Mme D...B..., directrice de l'immigration et de l'intégration aux fins de signer les arrêtés ressortissant à ses attributions et, en cas d'absence ou d'empêchement de MmeB..., à Mme A...C..., attachée d'administration, chef du bureau de l'éloignement du territoire, aux fins de signer, notamment, les décisions de réadmission. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...n'aurait pas été absente ou empêchée. Dès lors, le moyen tiré de ce que Mme C...n'était pas compétente pour signer l'arrêté litigieux manque en fait.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
7. D'une part, s'il résulte effectivement du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de la décision du 7 juin 2016 (C-63-15) de la Cour de justice de l'Union européenne qu'" (...) un demandeur d'asile peut invoquer, dans le cadre d'un recours exercé contre une décision de transfert prise à son égard, l'application erronée d'un critère de responsabilité énoncé au chapitre III dudit règlement (...) ", aucune disposition, ni aucun principe n'impose à l'autorité préfectorale de mentionner les critères de détermination de l'Etat responsable qu'elle a retenus tels qu'ils figurent aux articles 7 à 15 du chapitre III de ce règlement pour considérer que les autorités d'un autre Etat membre étaient responsables de la demande d'asile. En outre, alors même qu'une telle mention ne figurerait pas dans la décision attaquée, il est toujours possible au demandeur d'asile placé en " procédure Dublin " de critiquer, à l'appui d'un recours devant le juge administratif, le bien-fondé de la décision préfectorale et ainsi le préfet devra nécessairement exposer devant ce juge les critères et les modalités de leur mise en oeuvre qui l'ont conduit à estimer que tel Etat membre était responsable de la demande d'asile et d'obtenir l'annulation de la décision de transfert dans l'hypothèse où l'administration s'est livrée à une application erronée de ces critères, de sorte que l'absence d'une telle mention ne méconnaît pas le droit au recours effectif de l'intéressé et ne le prive d'aucune garantie.
8. D'autre part, l'arrêté portant transfert de M. F...aux autorités bulgares vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Elle rappelle la date et le lieu de naissance du requérant et précise que l'attestation de demande d'asile en " procédure Dublin " a été remise à l'intéressé le 9 novembre 2016. La décision indique en particulier que les autorités bulgares ont été saisies le 25 novembre 2016 d'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du 1. de l'article 18 du règlement UE n° 604/2013 -lequel concerne l'hypothèse où le demandeur a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre- et que ces autorités ont explicitement accepté le 12 décembre 2016 leur responsabilité concernant la demande d'asile de M.F.... L'arrêté en litige mentionne également que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3§2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Enfin, il ressort des mentions de cet arrêté que le préfet de police a examiné la situation de M. F...au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en a conclu à l'absence de risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que M. F...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'une insuffisance de motivation.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013: " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. (...) La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres (...) ". Le modèle de cette brochure commune figure sous l'annexe X au règlement n° 118/2014 du 30 janvier 2014. Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...). / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".
11. Le préfet de l'Essonne a remis à M.F..., le 9 novembre 2016, la brochure commune en langue patchou et un entretien individuel avec M. F...a été conduit, le même jour, dans les services de la préfecture de l'Essonne lors duquel l'intéressé a bénéficié des services téléphoniques d'un interprète en langue patchou. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet entretien aurait été " expéditif " et n'aurait pas respecté le " principe de confidentialité " ou que l'intéressé aurait indiqué ne pas comprendre la langue patchou ou ne pas savoir la lire. Les moyens tirés de la violation des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent par suite être écartés.
12. En quatrième lieu, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Dès lors, la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre de l'arrêté en litige.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière (...) ". En vertu de l'annexe II au règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014, constitue une preuve pour la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, le résultat positif fourni par Eurodac par suite de la comparaison des empreintes du demandeur avec les empreintes collectées au titre de l'article 9 du règlement " Eurodac ". Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 11 du règlement n° 603/2013 recensant les données enregistrées dans le système Eurodac qu'une personne y est identifiée non pas par son identité mais par le numéro de référence attribué par l'Etat membre où ses empreintes ont été prises à l'origine. L'article 24 de ce règlement précise également que, dans ce numéro de référence, le chiffre suivant la ou les lettres d'identification désignant l'Etat membre indique la catégorie de personne ou de demande. Il résulte de l'application combinée de cet article et des articles 9 et 14 du même règlement que le chiffre " 1 " désigne les demandeurs de protection internationale et le chiffre " 2 " désigne les personnes interpellées lors du franchissement irrégulier d'une frontière en provenance d'un pays tiers.
14. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du document établi le 9 novembre 2016 par la direction générale des étrangers en France, que les recherches effectuées dans " Eurodac " ont mis en évidence que les empreintes de M. F...sont identiques à celles relevées le 27 juillet 2016 par les autorités bulgares sous le numéro BG 1 BR104C160720011. M. F...n'a produit aucun élément de nature à remettre en cause ces éléments de correspondance. Dès lors, l'intéressé doit être regardé comme ayant été enregistré en Bulgarie pour avoir déposé une demande d'asile le 27 juillet 2016. Le préfet de l'Essonne apporte ainsi la preuve que M. F...est entré irrégulièrement en Bulgarie moins de douze mois avant la date de l'arrêté de transfert en litige. M. F...n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet de l'Essonne aurait commis une " erreur de base légale " ou une erreur de droit en saisissant la Bulgarie d'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du 1. de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
15. En sixième lieu, M. F...n'apporte aucun élément de nature à établir que le préfet de l'Essonne aurait méconnu l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, relatif à la " délivrance des titres de séjour et des visas " et, compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 14 et 15, n'établit pas que le préfet aurait fait une application erronée des critères mentionnés au chapitre III de ce règlement.
16. En septième lieu, aux termes du paragraphe 2 du 2. de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillance systémique dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".
17. Le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que la Bulgarie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte.
18. D'une part, les documents, établis par le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et l'Organisation des Nations Unies, dont se prévaut le requérant, sont anciens et ne permettent pas, en eux-mêmes, de considérer qu'il y aurait de raisons sérieuses de croire qu'il existerait, à la date de l'arrêté ou même actuellement, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile en Bulgarie. D'autre part, M.F..., qui se borne à indiquer qu'il a été mordu par un chien alors qu'il se trouvait en Bulgarie, n'apporte aucun élément sérieux permettant de considérer qu'il risquerait personnellement de subir des traitements inhumains et dégradants en Bulgarie. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 6 juin 2013.
19. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
20. Compte tenu de ce qui a été dit au point 18, M. F...n'établit pas qu'il serait exposé, en cas de transfert en Bulgarie, à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de l'Essonne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé.
21. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de l'Essonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté en litige et lui a ordonné de délivrer à M. F... une attestation de demande d'asile et à demander l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de ce dernier.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Les dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au bénéfice du conseil de M. F...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1703574 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun en date du 19 mai 2017 est annulé.
Article 2 : Les conclusions d'appel et la demande de M. F...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à
M. G...F....
Copie en sera transmise au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 juillet 2018.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA02443 2