Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) 38 Brunel a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période courue du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011.
Par un jugement n° 1501229 du 28 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SCI 38 Brunel.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 avril 2017, la SCI 38 Brunel, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés au titre de la période courue du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sont mal fondés en ce que l'intégralité des loyers en cause a été reversée par ses soins à la SCI Le Mont Clair et, par conséquent, la société n'avait à déclarer ni la taxe sur la valeur ajoutée collectée, ni la taxe sur la valeur ajoutée déductible ; les rappels contestés méconnaissent le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et sont mal fondés dès lors qu'elle s'est comportée comme un intermédiaire transparent sans marge ;
- l'Etat n'a subi aucun préjudice dès lors que l'entremise de la SCI 38 Brunel s'est traduite par un reversement de l'intégralité des sommes collectées auprès du sous-locataire au propriétaire de l'immeuble ;
- les pénalités de 40 % mises à sa charge en vertu de l'article 1729 du code général des impôts ne sont pas justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI 38 Brunel, qui exerce une activité de location de terrains et de biens immobiliers, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces par la direction de contrôle fiscal
d'Ile-de-France au terme duquel, par une proposition de rectification en date du 25 avril 2013, l'administration fiscale a, au titre de la période courue du 1er janvier 2010 au
31 décembre 2011, mis à la charge de l'intéressée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée à raison des loyers qu'elle avait facturés toutes taxes comprises à la SARL
Brunel Automobile. La SCI 38 Brunel relève appel du jugement du 28 février 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 260 du même code : " Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 2° Les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (...) ". Quant au I de l'article 208 de l'annexe II à ce code, il dispose que : " Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur une déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission (...) ".
3. En second lieu, il résulte du 3 de l'article 283 du code général des impôts que : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation ".
4. Il résulte de l'instruction que la SCI 38 Brunel a conclu un bail commercial en date du 3 septembre 2004 avec la SCI Le Mont Clair, propriétaire d'un immeuble situé au 38 rue Brunel à Paris (75017). Aux termes d'un contrat du 11 avril 2005, la société requérante a ultérieurement donné ces locaux en sous-location commerciale à la SARL Brunel Automobile. Il résulte également de l'instruction et, notamment, du bail commercial en date du 3 septembre 2004 ainsi que des factures produites par la société requérante, que tant les loyers issus de la location que ceux facturés au titre de la sous-location ont été assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. Le service vérificateur a relevé que, sur la période vérifiée, la SCI 38 Brunel, qui avait pourtant opté pour son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée en septembre 2004, n'avait mentionné aucun chiffre d'affaires taxable sur ses déclarations CA 12 ; il a alors mis à la charge de la requérante les rappels litigieux de taxe sur la valeur ajoutée collectée lors de l'encaissement des loyers versés par la
SARL Brunel Automobile.
5. La SCI 38 Brunel, dont il est constant qu'elle n'a ni déclaré, ni reversé la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait collectée au fur et à mesure qu'elle encaissait les loyers que lui versait son sous-locataire, la SARL Brunel Automobile, conteste les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée au motif qu'ils méconnaissent le principe de neutralité de cet impôt et qu'elle n'a agi que comme intermédiaire transparent entre son sous-locataire et la bailleresse, la SCI Le Mont Clair, à laquelle elle a reversé l'intégralité des loyers qu'elle percevait de la SARL Brunel Automobile.
6. Toutefois, il résulte des dispositions citées au point 3 que la SCI 38 Brunel est, en tout état de cause, redevable de la taxe sur la valeur ajoutée du simple fait que, comme il résulte de l'instruction, elle l'a elle-même facturée à son sous-locataire. Quant au droit de la requérante de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les loyers de même montant que lui a facturés la SCI Le Mont Clair, propriétaire des locaux en cause, le ministre soutient sans être nullement contredit que l'intéressée n'a pas respecté les conditions prévues à l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le service a procédé au rappel litigieux de taxe sur la valeur ajoutée collectée.
Sur la majoration pour manquement délibéré :
7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre (...), de la taxe sur la valeur ajoutée, (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". L'assiette de la majoration pour manquement délibéré est constituée par le montant total des droits éludés. Toutefois, cette majoration ne peut être calculée sur la totalité des droits inhérents à chacune des infractions constatées, mais seulement sur la part de ces droits qui n'aurait pu être imputée sur un crédit de taxe lors du dépôt des déclarations mensuelles.
8. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré aux droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SCI 38 Brunel, le service vérificateur a relevé que la société requérante avait minoré de manière systématique son chiffre d'affaires taxable porté sur les déclarations " CA 12 " à hauteur de 114 243 euros pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 et à hauteur de 75 982 euros pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011. Cependant, il résulte de l'instruction que la SCI 38 Brunel n'a pas davantage déclaré le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, lequel était d'un montant égal à celui de la taxe sur la valeur ajoutée collectée. Dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme établissant la volonté d'éluder l'impôt de la SCI 38 Brunel du simple fait qu'elle n'a pas respecté ses obligations déclaratives. Par suite, la requérante est fondée à demander à être déchargée de la majoration pour manquement délibéré.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI 38 Brunel est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à être déchargée de la majoration de 40 %.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 500 euros au titre des frais exposés par la SCI 38 Brunel à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La SCI 38 Brunel est déchargée de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.
Article 2 : Le jugement n° 1501229 du 28 février 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI 38 Brunel une somme de 500 (cinq cents) euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière 38 Brunel et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France (division juridique Ouest).
Délibéré après l'audience du 22 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président-assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 juillet 2018.
Le rapporteur,
B. AUVRAYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA01399