Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 juin 2014 par laquelle le service des ressources humaines du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a ordonné le recouvrement de trop-perçus d'indemnité compensatrice pour un montant de 7 266 euros.
Par un jugement n° 1509383 du 10 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les
6 janvier 2017 et le 23 mars 2018, MmeA..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
A titre principal :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'enjoindre à l'administration de lui restituer la somme de 7 266 euros majorée des intérêts avec capitalisation, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de constater la négligence commise par l'administration et de lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice subi.
A titre subsidiaire :
- de condamner l'administration à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de la négligence fautive de l'administration.
En toute hypothèse :
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'illégalité dès lors qu'elle a pour objet de procéder au retrait d'une décision créatrice de droits lui ayant accordé un avantage financier et que l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 modifiée, fondement légal de cette décision, méconnaît le droit de propriété, le principe de sécurité juridique ainsi que celui de confiance légitime ;
- l'illégalité fautive de cette décision engage la responsabilité de l'administration et est à l'origine d'un préjudice financier évalué à 5 000 euros, résultant de la baisse brutale de son salaire liée à la suppression de l'indemnité compensatrice ainsi qu'aux retenues sur salaires opérées pour procéder au remboursement du versement indu de cette indemnité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les conclusions indemnitaires sont irrecevables pour être nouvelles en cause d'appel et qu'aucun moyen d'appel n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, notamment, son premier protocole additionnel ;
- le code civil ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., entrée au ministère de l'agriculture en qualité de contractuelle en 1977, a été intégrée dans le corps des attachés d'administration centrale à effet du
1er janvier 1998. Pour assurer à l'intéressée le maintien du niveau de sa rémunération antérieure à sa titularisation, l'administration lui a versé l'indemnité compensatrice prévue à l'article 87 de la loi du 11 janvier 1984. Cette indemnité, qui eût dû être réduite au fur et à mesure des avancements d'échelon dont a bénéficié Mme A...jusqu'à être définitivement supprimée au début de l'année 2010, a au contraire été versée à l'intéressée jusqu'au 31 décembre 2013 au taux plein, soit 302,76 euros bruts par mois. Par un courriel du 4 février 2014, le service gestionnaire a informé la requérante de la nécessité de régulariser sa situation au regard de cette indemnité, ce qui impliquait le remboursement de cette indemnité pour les montants qui lui avaient été indûment versés depuis le 1er janvier 2012 compte tenu des règles de prescription applicables en l'espèce.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du 11 juin 2014 et celles à fin de restitution de la somme de 7 266 euros majorée des intérêts :
2. L'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011, dispose que : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement ".
3. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. En outre, dans les deux hypothèses mentionnées au deuxième alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, la somme peut être répétée dans le délai de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil .
4. D'autre part, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. En revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement. Le maintien indu du versement d'un avantage financier à un agent public, alors même que le bénéficiaire a informé l'ordonnateur qu'il ne remplit plus les conditions d'octroi de cet avantage, n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation. Il appartient à l'administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement.
5. Il résulte de l'instruction que l'administration a continué de verser à Mme A... l'indemnité compensatrice jusqu'au 31 décembre 2013, alors qu'elle n'en remplissait plus les conditions depuis le début de l'année 2010. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient l'intéressée, le maintien indu du versement de cette indemnité ne peut être regardé comme ayant revêtu le caractère d'une décision créatrice de droits, mais comme constitutif d'une simple erreur de liquidation.
6. En premier lieu, si Mme A...soutient que les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 seraient contraires au droit de propriété reconnu par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen d'août 1789, il n'appartient en tout état de cause pas au juge administratif, hormis le cas où il est saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, de se prononcer sur la conformité d'une loi à la Constitution ou à des principes ou à des objectifs de valeur constitutionnelle.
7. En second lieu, Mme A...soutient que les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 méconnaissent le principe de confiance légitime, le principe de sécurité juridique ainsi que l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui prévoit que " toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international (...) " dès lors qu'elles permettent la répétition de l'indu dans un délai de deux ans.
8. Toutefois, outre que le principe de confiance légitime, qui est au nombre des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la décision implicite de maintenir le versement de l'indemnité compensatrice en cause n'était pas créatrice de droits, de sorte qu'avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 issues de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011, le versement indu d'un élément de la rémunération d'un agent public pouvait légalement et dans tous les cas faire l'objet d'une répétition dans le délai de droit commun de 5 ans qui, prévu à l'article 2244 du code civil, était ainsi plus long que celui, limité à deux ans et applicable au cas d'espèce, institué par les dispositions critiquées. Ainsi, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaissent le principe de confiance légitime, celui de sécurité juridique ainsi que l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
9. Il suit de là que Mme A...n'est fondée à demander ni l'annulation de la décision contestée du 11 juin 2014, ni la restitution de la somme de 7 266 euros qui a été prélevée sur ses rémunérations au titre du remboursement du trop-perçu entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2013.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
10. Quant aux conclusions formulées par MmeA..., tendant à ce que la Cour condamne l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la négligence de l'administration qui a continué de lui verser à tort l'indemnité compensatrice en cause durant plus de trois ans, elles sont fondées sur des griefs invoqués pour la première fois en cause d'appel et, par suite, irrecevables, ainsi que le relève le ministre dans son mémoire en défense.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions formulées par la requérante, y compris celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président-assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 6 juillet 2018.
Le rapporteur,
B. AUVRAYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00055