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04/07/2018 | FRANCE | N°17PA01019,17PA01022

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 04 juillet 2018, 17PA01019,17PA01022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeJ..., Mme B...et M. D...ont demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de l'Haÿ-les-Roses n° 5

du 24 septembre 2015 portant modification du règlement intérieur dudit conseil et le règlement intérieur lui-même ou, à titre subsidiaire, les articles 3, 5, 6, 10, 16, 18, 19, 23, 24, 29 et 34 de ce même règlement modifié.

Par un jugement n° 1509583 du 8 février 2017, le Tribunal administratif de Melun a annulé les articles 16

alinéas 5 et 6, l'article 19 et l'article 35 alinéas 1 et 2 de ce règlement intérieur.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeJ..., Mme B...et M. D...ont demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de l'Haÿ-les-Roses n° 5

du 24 septembre 2015 portant modification du règlement intérieur dudit conseil et le règlement intérieur lui-même ou, à titre subsidiaire, les articles 3, 5, 6, 10, 16, 18, 19, 23, 24, 29 et 34 de ce même règlement modifié.

Par un jugement n° 1509583 du 8 février 2017, le Tribunal administratif de Melun a annulé les articles 16 alinéas 5 et 6, l'article 19 et l'article 35 alinéas 1 et 2 de ce règlement intérieur.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 mars 2017 et le

30 mai 2018, sous le n° 17PA01019, la commune de l'Haÿ-les-Roses, représentée par

MeL..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun du 8 février 2017 en tant qu'il a annulé les articles 16 alinéas 5 et 6, l'article 19 et l'article 35 alinéas 1 et 2 et les dispositions de l'alinéa 5 de cet article aux termes duquel " les textes publiés ne devront comporter aucune mise en cause personnelle " du règlement intérieur du conseil municipal de l'Haÿ-les-Roses ;

2°) de rejeter l'ensemble des conclusions formulées par les requérants de première instance tendant à l'annulation de ces dispositions, ainsi que leur appel incident ;

3°) de mettre à la charge de MmeJ..., Mme B...et M. D...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération attaquée n'est pas entachée d'un vice de procédure ;

- l'article 3 du règlement intérieur relatif à l'ordre du jour du conseil municipal n'est pas illégal puisqu'il a uniquement pour objet de permettre au maire de hiérarchiser les questions figurant à l'ordre du jour ;

- l'article 5 du règlement intérieur relatif aux questions ne méconnait pas l'article

L. 2121-19 du code général des collectivités territoriales ;

- l'article 6 du règlement intérieur relatif aux voeux ne méconnaît pas l'article

L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ;

- l'article 10 du règlement intérieur relatif aux procurations est conforme aux dispositions de l'article L. 2121-20 du code général des collectivités territoriales ;

- l'article 16 alinéas 5 et 6 du règlement intérieur n'oblige pas les conseillers municipaux d'opposition à adhérer à un groupe politique pour disposer d'un droit d'expression, et ne méconnait, en tout état de cause, pas leur droit d'expression ;

- l'article 18 du règlement intérieur relatif aux suspensions de séance est conforme aux dispositions de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales ;

- l'article 19 du règlement intérieur ne porte pas atteinte au droit d'amender ;

- l'article 23 du règlement intérieur relatif aux enregistrements des séances du conseil municipal ne porte pas atteinte aux droits des élus ;

- l'article 24 du règlement intérieur relatif au compte rendu du conseil municipal n'est pas illégal dans la mesure où rien n'impose qu'il reprenne l'intégralité des débats tenus lors d'une séance ;

- l'article 27 du règlement intérieur relatif au fonctionnement des commissions n'est pas de nature à porter atteinte au travail des conseillers municipaux d'opposition ;

- l'article 35 alinéas 1, 2 et 5 du règlement intérieur ne limite pas le droit d'expression dont disposent les conseillers municipaux d'opposition dans le journal municipal ;

- l'article 29 du règlement intérieur relatif à la commission d'appel d'offres n'est pas illégal dans la mesure où rien n'impose que son fonctionnement soit défini dans ce règlement intérieur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2018, MmeJ..., M. D...et

MmeB..., représentée par Me E...F..., demandent à la Cour de rejeter l'appel de la commune de l'Haÿ-les-Roses et par un appel incident, l'annulation de la délibération contestée et enfin que soit mise à la charge de la commune de l'Haÿ-les-Roses une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Ils soutiennent que :

- cette délibération est entachée d'un vice de procédure ;

- l'article 3 du règlement intérieur relatif à l'ordre du jour est illégal puisqu'il a pour objet de permettre au maire de hiérarchiser, de manière unilatérale et discrétionnaire, les questions figurant à l'ordre du jour ;

- l'article 5 du règlement intérieur relatif aux questions méconnaît l'article L. 2121-19 du code général des collectivités territoriales ;

- l'article 6 du règlement intérieur relatif aux voeux méconnaît l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ;

- l'article 10 du règlement intérieur relatif aux procurations méconnaît les dispositions de l'article L. 2121-20 du code général des collectivités territoriales ;

- l'article 18 du règlement intérieur relatif aux suspensions de séance n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales ;

- l'article 23 du règlement intérieur relatif aux enregistrements des séances du conseil municipal porte atteinte aux droits des élus ;

- l'article 24 du règlement intérieur relatif au compte rendu du conseil municipal est illégal dans la mesure où il n'impose pas que soient repris dans le compte rendu du conseil municipal l'intégralité des débats tenus lors d'une séance ;

- l'article 27 du règlement intérieur relatif au fonctionnement des commissions porte atteinte au travail des conseillers municipaux d'opposition ;

- l'article 29 du règlement intérieur relatif à la commission d'appel d'offres est illégal dans la mesure où il aurait du prévoir les modalités de fonctionnement de cette commission.

Un mémoire, enregistré le 23 juin 2018, a été présenté pour MmeJ..., Mme B...et M.D....

II - Par une requête, enregistrée le 24 mars 2017, sous le n° 1701022, la commune de l'Haÿ-les-Roses, représentée par MeL..., demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Melun du 8 février 2017 dans l'attente de l'intervention de l'arrêt au fond de la Cour administrative d'appel de Paris.

Elle soutient que :

- l'article 16 alinéas 5 et 6 du règlement intérieur n'oblige pas les conseillers municipaux d'opposition à adhérer à un groupe politique pour disposer d'un droit d'expression, et ne méconnait en tout état de cause pas leur droit d'expression ;

- l'article 19 du règlement intérieur ne porte pas atteinte au droit d'amender ;

- l'article 35 alinéas 1, 2 et 5 du règlement intérieur ne limite pas le droit d'expression dont disposent les conseillers municipaux d'opposition dans le journal municipal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de MmeC...,

- les observations de Me K...pour la la commune de l'Haÿ-les-Roses,

- et les observations de Me A...pour MmeJ..., Mme B...et M.D....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération n° 5 du 24 septembre 2015, le conseil municipal de la commune de l'Haÿ-les-Roses a modifié son règlement intérieur. Trois conseillers municipaux d'opposition, MmeJ..., Mme B...et M. D...ont saisi le Tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de cette délibération. Par un jugement du 8 février 2017, le Tribunal administratif de Melun a partiellement fait droit à cette demande en annulant les articles 16 alinéas 5 et 6, 19 et 35 alinéas 1, 2 et 5. La commune de l'Haÿ-les-Roses fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé ces dispositions, et a assorti son appel d'une requête aux fins qu'il soit dans un premier temps sursis à l'exécution de ce jugement. Par un appel incident, MmeJ..., M. D...et Mme B...demandent l'annulation de cette délibération.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées nos 17PA01019 et 17PA01022 présentées par la commune de l'Haÿ-les-Roses concernent une même délibération et tendent à l'annulation partielle et au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elle fasse l'objet d'un seul arrêt.

Sur le fond :

En ce qui concerne l'appel principal :

3. En premier lieu, aux termes des alinéas 5 et 6 de l'article 16 du règlement intérieur modifié de la commune de l'Haÿ-les-Roses : " Au-delà de 5 minutes d'intervention orale par groupe politique, le maire peut inviter l'orateur à abréger son intervention dans l'intérêt du plein achèvement de la séance ou pour laisser ainsi du temps à l'expression équitable des autres conseillers municipaux. Par exception au précédent paragraphe, la durée maximale d'intervention orale par groupe politique sera portée à 10 minutes à l'occasion des débats en séance du conseil municipal relatifs au débat d'orientations budgétaires (DOB), au budget primitif (BP) ainsi qu'au compte administratif (CA) ". Aux termes de l'article 34 de ce règlement : " La constitution d'un groupe ou la participation à un groupe ne sont pas obligatoires. La non appartenance à un groupe ne prive un conseil municipal d'aucun droit et l'appartenance à un groupe ne confère pas de droit à un conseiller municipal ".

4. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article 34 du règlement intérieur, que la participation à un groupe politique n'est pas obligatoire et que le conseiller municipal qui ne participe à aucun groupe n'est privé d'aucun droit, et notamment pas du droit d'expression. Dès lors, le fait que les alinéas 5 et 6 précités de l'article 16 fassent uniquement état de la durée des interventions orales accordées aux groupes politiques ne saurait être lu comme dérogeant implicitement aux dispositions de l'article 34 en conditionnant le droit de s'exprimer en conseil municipal à l'adhésion à un groupe politique. Par suite, en considérant que les alinéas 5 et 6 de l'article 16 revenaient à imposer à tout conseiller municipal d'être rattaché à un groupe sous peine de perdre son droit d'expression, les premiers juges ont commis une erreur de droit.

5. D'autre part, la procédure instaurée par l'alinéa 5 de l'article 16 du règlement fixant une limite de temps de 5 minutes au-delà de laquelle le maire, sans y être tenu, peut inviter l'orateur à abréger ses propos, a pour objectif d'éviter les prises de parole exagérément longues. Le maire ne peut faire usage de ce pouvoir que s'il apparaît nécessaire de permettre le plein achèvement de la séance ou d'accorder un temps de parole équivalent aux autres conseillers municipaux. Par suite, cette procédure, qui n'a pas pour effet d'enfermer le temps de parole des conseillers municipaux dans des limites prédéterminées auxquelles il ne saurait être dérogé, ne méconnait pas leur droit d'expression. Tel n'est pas le cas, en revanche, de l'alinéa 6 du même article qui, s'agissant des débats budgétaires, par exception à l'alinéa 5, fixe une limite " maximale " d'intervention orale de 10 minutes à laquelle il ne peut donc être dérogé. Dans ces conditions, si c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'alinéa 5 de l'article 16 du règlement intérieur de la commune de l'Haÿ-les-Roses, c'est à bon droit qu'ils ont annulé son alinéa 6 en raison de la durée trop courte de cette limite maximale qui n'est pas conforme aux exigences du droit d'expression en matière budgétaire.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 du règlement intérieur en litige : " Les amendements ou contre projets peuvent être proposés sur toutes affaires en discussion soumises au conseil municipal. Ils doivent être parvenus par écrit (notamment courriel, fax ...) au plus tard 48 heures avant l'heure de la séance. Un amendement ne peut pas changer fondamentalement l'objet même d'un point énoncé à l'ordre du jour. Le cas échéant et selon son intérêt, l'objet différent pourra faire l'objet d'une inscription par le maire à un ordre du jour ultérieur. Dans le cas de la réception d'un amendement hors délai des 48 heures avant la séance du conseil municipal, ou proposé en séance, le maire se réserve la faculté, au regard du caractère exceptionnel et/ou urgent dudit amendement, de le soumettre à l'avis du conseil municipal réuni en séance. Le conseil municipal décide si ces amendements sont mis en délibération, rejetés ou renvoyés à la commission compétente ou à une séance ultérieure du conseil municipal ".

7. Le droit d'amender est inhérent au pouvoir de délibérer des conseillers municipaux. S'il appartient au conseil municipal de réglementer ce droit, il ne saurait légalement le faire que sous réserve de ne pas porter atteinte à son exercice effectif.

8. Combiné avec le délai de cinq jours dans lequel les conseillers municipaux doivent être convoqués en conseil municipal dans les communes d'au moins 3 500 habitants, le délai de 48 heures précité laisse 72 heures effectives aux conseillers municipaux pour prendre connaissance des dossiers et présenter, par écrit, leurs amendements. Ce délai de 48 heures minimum a pour seul objectif de permettre aux services municipaux de vérifier la régularité des amendements ainsi transmis. Au surplus, l'article 19 précité prévoit le cas dans lequel le maire se réserve la faculté de soumettre au conseil municipal un amendement qui serait parvenu au-delà du délai de 48 heures. Par suite, ces contraintes ne peuvent être regardées comme faisant obstacle à l'exercice effectif du droit d'amendement des conseillers municipaux.

9. En outre, il résulte des dispositions précitées de l'article 19 in fine que c'est à l'assemblée délibérante qu'il appartient de décider si les amendements tardifs sont mis en délibération, rejetés ou renvoyés à la commission compétente ou à une séance ultérieure du conseil municipal. Par suite, cette procédure offre à l'auteur de l'amendement déposé, la possibilité de le présenter oralement à l'ensemble de l'assemblée délibérante qui, ensuite, décidera de son rejet ou de son renvoi à la commission compétente. Elle ne porte dès lors pas atteinte à l'exercice effectif du droit d'amendement des membres du conseil municipal.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d'information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, un espace est réservé à l'expression des conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale. Les modalités d'application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur ". L'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que : " Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. / Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure ". L'article 42 de cette loi dispose que : " Seront passibles, comme auteurs principaux des peines qui constituent la répression des crimes et délits commis par la voie de la presse, dans l'ordre ci-après, savoir : / 1° Les directeurs de publications ou éditeurs, quelles que soient leurs professions ou leurs dénominations (...) ".

11. Aux termes de l'alinéa 1er de l'article 35 du règlement intérieur litigieux : " Les conseillers municipaux et leurs groupes disposent d'un droit d'expression dans le journal mensuel " à l'Haÿ ". Chacun y dispose d'un espace dans la limite de 1800 signes, signature comprise. En cas de dépassement seuls les 1800 premiers signes seront publiés. Les illustrations ne sont pas publiables ". Aux termes de l'alinéa 2 dudit article 35 : " Au regard de la finalité du bulletin municipal et de la compétence des conseillers municipaux à gérer les affaires de la commune, il est d'usage que les tribunes ". Enfin, l'alinéa 5 de cet article 35 prévoit que : " Sans préjudice de la libre expression politique, les textes publiés ne devront comporter aucune mise en cause personnelle, ni être à caractère diffamatoire et doivent d'une manière générale être conforme à la loi. Ils sont soumis au contrôle de légalité du directeur de la publication, qui est le Maire ou, le cas échéant, une personne déléguée expressément ".

12. D'une part, si les dispositions de l'article L. 2121-27-1 précité du code général des collectivités territoriales ont pour objet d'imposer qu'un espace d'expression soit réservé aux conseillers d'opposition dans le bulletin municipal, elles ne sauraient être lues comme interdisant implicitement aux conseillers municipaux de la majorité de disposer d'un même espace dans ce bulletin. Par suite, c'est sans méconnaitre cette disposition législative, que l'alinéa 1er précité de l'article 35 du règlement intérieur n'a pas précisé que le droit d'expression accordé dans le journal municipal était réservé aux conseillers municipaux et aux groupes politiques n'appartenant pas à la majorité municipale.

13. D'autre part, en excluant uniquement les illustrations de l'espace réservé dans le bulletin municipal aux tribunes des conseillers municipaux, l'alinéa 1er précité de l'article 35 du règlement intérieur n'a pas porté atteinte au droit d'expression des élus.

14. Enfin, en rappelant qu'il était d'usage que les tribunes des conseillers portent sur un sujet local, l'alinéa 2 précité de l'article 35 s'est borné à reprendre les dispositions de l'article L. 2121-27 précité du code général des collectivités locales aux termes duquel le bulletin municipal est relatif aux réalisations et la gestion du conseil municipal.

15. En revanche, si les communes de 3 500 habitants et plus sont tenues de réserver à l'opposition municipale dans leur bulletin d'information municipale un espace d'expression, ni le conseil municipal, ni le maire de la commune ne sauraient, en principe, contrôler le contenu des articles publiés, sous la responsabilité de leurs auteurs, dans cet espace. Il en va toutefois autrement lorsqu'il ressort à l'évidence de son contenu qu'un article est de nature à engager la responsabilité pénale du directeur de la publication, notamment s'il présente un caractère manifestement outrageant, diffamatoire ou injurieux de nature à engager la responsabilité du maire, directeur de publication du bulletin municipal, sur le fondement des dispositions précitées de la loi du 29 juillet 1881. En l'espèce, les dispositions précitées de l'article 35 alinéa 5 du règlement intérieur interdisent dans cet espace d'expression, sauf à se voir opposer un refus de publication, toute " mise en cause personnelle ". Toutefois, une mise en cause personnelle ne présente pas nécessairement un caractère outrageant, diffamatoire ou injurieux. Dès lors, ces dispositions excèdent les limites au-delà desquelles le maire n'est, en principe, pas fondé à contrôler le contenu des articles publiés. Elles sont dans cette mesure entachées d'illégalité.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de l'Haÿ-les-Roses est uniquement fondée à demander l'annulation de l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1508593 du 8 février 2017 en tant qu'il a annulé les articles 16 alinéas 5, l'article 19 et l'article 35 alinéas 1 et 2 du règlement intérieur du conseil municipal de l'Haÿ-les-Roses.

En ce qui concerne l'appel incident :

17. En premier lieu, en l'absence de tout élément nouveau de droit ou de fait produit en appel, le moyen soulevé en première instance par MmeJ..., M. D...et Mme B...tiré de ce que la délibération litigieuse serait entachée d'un vice de procédure dans la mesure où, entre le projet adressé aux conseillers municipaux et le projet soumis au vote, des modifications substantielles auraient été apportées à six articles, peut être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux ou, s'ils en font la demande, envoyée à une autre adresse ou transmise de manière dématérialisée ". Aux termes de l'article L. 2121-16 du même code : " Le maire a seul la police de l'assemblée (...) ". Aux termes de l'article 3 alinéa 4 du règlement intérieur de la commune de l'Haÿ-les-Roses : " (...) Il est d'usage à l'Haÿ-les-roses que l'ordre du jour prévoit successivement, après désignation du secrétaire de séance ; - l'approbation du compte rendu du précédent conseil municipal (...) Cet usage ne fait cependant pas obstacle à un ordre du jour différent à la discrétion du maire, lorsque les circonstances, l'importance des objets et le volume des affaires lui paraissent le justifier ".

19. Les requérants soutiennent que l'article 3 alinéa 4 du règlement intérieur, qui permet au maire de modifier, sous certaines conditions, l'ordre du jour du conseil municipal, a pour effet de retarder l'approbation des comptes rendus des conseils municipaux précédents lesquels doivent, en principe, être votés en début de séance. Toutefois, à supposer même que tel soit le cas, cette circonstance relative à la mise en oeuvre de l'article 3 alinéa 4 est sans incidence sur sa légalité.

20. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2121-19 du code général des collectivités territoriales : " Les conseillers municipaux ont le droit d'exposer en séance du conseil des questions orales ayant trait aux affaires de la commune. Dans les communes de 3 500 habitants et plus, le règlement intérieur fixe la fréquence ainsi que les règles de présentation et d'examen de ces questions. A défaut de règlement intérieur, celles-ci sont fixées par une délibération du conseil municipal ". L'article 5 du règlement intérieur dispose quant à lui : " Pour recevoir réponse au premier conseil convoqué, il (le texte des questions) doit être parvenu par écrit au plus tard 48 h avant l'heure de la séance".

21. Ces dispositions de l'article L. 2121-19 du code général des collectivités territoriales renvoient au règlement intérieur la fixation de la fréquence et des règles de présentation et d'examen des questions orales pouvant être posées en conseil municipal. Ce faisant, en décidant que les questions orales devaient être déposées au plus tard 48 heures avant le conseil municipal, la commune, qui dans la fixation de ce délai a également tenu compte des contraintes liées à la préparation du conseil municipal, n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article

L. 2121-19 du code général des collectivités territoriales.

22. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. (...) Le conseil municipal émet des voeux sur tous les objets d'intérêt local ". Aux termes de l'article 6 alinéas 1 et 2 du règlement intérieur : " Tout conseiller municipal peut proposer un voeu ayant trait aux affaires de la commune sur des sujets d'intérêt général. Le texte du voeu est déposé (...) dans un délai de 48 heures au moins avant la séance du conseil municipal. Si le délai de transmission n'est pas respecté ou s'il estime que le contenu du voeu appelle un approfondissement, le maire peut décider, après en avoir informé le conseiller concerné, de renvoyer l'examen du voeu à la commission compétente ou lors de la séance suivante de l'assemblée délibérante. Le voeu sera alors inscrit à l'ordre du jour de la prochaine réunion du conseil municipal ".

23. D'une part, il résulte de ces dispositions que le conseil municipal est compétent pour régir les affaires de la commune. Ce faisant, lorsque l'article L. 2121-19 ci-dessus autorise le conseil municipal à émettre des voeux " sur tous les objets d'intérêt local ", il vise nécessairement l'intérêt communal. Dans ces conditions, en autorisant les conseillers municipaux à émettre des voeux " ayant trait aux affaires de la commune sur des sujets d'intérêt général ", l'article 6 alinéa 1 ci-dessus n'a pas restreint substantiellement le contenu de ces voeux, lequel peut également porter sur des sujets supra communaux pourvu qu'ils aient un impact communal, ni, par conséquent, méconnu l'article L. 2121-19 précité du code général des collectivités territoriales.

24. D'autre part, l'article 6 alinéa 2 a uniquement pour objet d'accorder au maire la possibilité, si le voeu est émis trop tardivement ou si celui-ci nécessite un approfondissement, soit de le soumettre à la séance suivante du conseil municipal, soit de l'adresser à la commission compétente qui l'examinera, le voeu étant en tout état de cause automatiquement inscrit à l'ordre du jour du conseil municipal qui suit. Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cet article n'a pas pour effet d'autoriser le maire à ne pas donner suite, de manière unilatérale, à une proposition de voeu.

25. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 2121-20 du code général des collectivités territoriales : " Un conseiller municipal empêché d'assister à une séance peut donner à un collègue de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même conseiller municipal ne peut être porteur que d'un seul pouvoir. Le pouvoir est toujours révocable. Sauf cas de maladie dûment constatée, il ne peut être valable pour plus de trois séances consécutives. Les délibérations sont prises à la majorité absolue des suffrages exprimés. Lorsqu'il y a partage égal des voix et sauf cas de scrutin secret, la voix du président est prépondérante. Aux termes de l'article 10 du règlement intérieur : " Les procurations " envoyées " doivent parvenir au plus tard avant la fin de la dernière ouverture publique de la mairie qui précède un conseil municipal donné, sans préjudice pour un conseiller ou un tiers de remettre lors de la séance au maire la procuration reçue ou donnée ".

26. L'article L. 2121-20 précité du code général des collectivités territoriales ne fixe aucune règle quant aux modalités de dépôt des procurations en mairie. Par suite, c'est sans erreur de droit que la commune, prenant une nouvelle fois en considération les contraintes liées à l'organisation du conseil municipal sans pour autant porter atteinte au droit d'expression des conseillers municipaux a, par l'article 10 précité du règlement intérieur, imposé que les procurations adressées par " voie postale " parviennent avant la fin de la dernière ouverture publique de la mairie qui précède le conseil municipal concerné. Cette règle spécifique aux procurations adressées par " voie postale " ne fait pas obstacle à ce qu'une procuration reçue ou donnée puisse être remise " en mains propres " lors de la séance du conseil municipal concerné.

27. En sixième lieu, il ressort des termes de l'article 18 du règlement intérieur que : " La suspension de séance est décidée par le maire. Le maire a la faculté de mettre aux voix toute demande de suspension de séance formulée par au moins cinq membres du conseil municipal (...) ".

28. Aucune disposition législative ou règlementaire ne réglemente les conditions d'une suspension de séance du conseil municipal. Par suite, le nouveau règlement intérieur, par son article 18, pouvait exiger que cinq conseillers municipaux, et non plus seulement trois, soient réunis pour demander une telle suspension.

29. En septième lieu, aux termes des alinéas 4 et 5 de l'article 23-1 du règlement intérieur intitulé " Enregistrement Audio et vidéo officiel " (...) : Les enregistrements (des séances du conseil municipal) peuvent être utilisés, en premier lieu, par le ou les secrétaires de séances et les agents en charge des procès verbaux à l'appui de la rédaction ou de la rectification de ceux-ci. Ils peuvent permettre à tous les conseillers municipaux en exercice et dans l'exercice de leur mandat de vérifier les projets de procès verbaux qui leur sont soumis, de retrouver la trace de leurs interventions à toutes fins utiles et d'analyser avec recul les débats. Ils peuvent permettre de retrouver ultérieurement les circonstances, les arguments ou les motifs ayant concouru à une décision (...) ".

30. Le terme enregistrement " audio " figurant déjà dans la version de l'article 23-1 issu du projet de délibération adressé aux conseillers municipaux, le moyen tiré de ce que le projet de délibération soumis ensuite au vote aurait été substantiellement modifié sur ce point, dès lors que ce terme y aurait été ajouté, manque en fait. Par ailleurs, les conditions d'utilisation de ces enregistrements figurant à la fois dans le projet initialement envoyé et le projet soumis au vote, celles-ci ont nécessairement été soumises au débat avant leur approbation.

31. En huitième lieu, aux termes de l'article 24 alinéa 5 du règlement intérieur : " (...) Un compte rendu détaillé est établi : il reprend le compte rendu sommaire et y ajoute les éléments principaux des débats. Les interventions n'y sont pas intégralement reproduites, mais résumées ou synthétisées. Ce document est aussi désigné sous le terme " procès-verbal du conseil municipal (...) ".

32. Aucune disposition législative ou règlementaire n'impose que le compte rendu détaillé du conseil municipal respecte un formalisme particulier. Par suite, ce compte rendu pouvait se limiter à un compte rendu sommaire auquel il convient d'ajouter les éléments principaux des débats, étant au surplus précisé, qu'en application des dispositions de l'article 23-1 alinéa 4 et 5 précité, les conseillers municipaux ont la possibilité, grâce aux enregistrements, de réécouter l'intégralité des débats afin " de vérifier les projets de procès verbaux qui leur sont soumis, de retrouver la trace de leurs interventions à toutes fins utiles et d'analyser avec recul les débats ".

33. En neuvième lieu, il ressort des termes de l'article 27 alinéa 7 du règlement intérieur que : " (...) Les commissions se réunissent en séance dans la mesure du possible environ toutes les cinq semaines, soit 15 jours avant chaque séance du Conseil municipal. Les séances des commissions se tiennent en général le jeudi, et dans la mesure du possible, le même jour à des horaires fixes (...) ".

34. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la mise en place d'un nombre minimal de commissions municipales. Par suite, le règlement intérieur pouvait, sans erreur de droit, réduire de 12 à 4 le nombre de ces commissions. Par ailleurs, si l'article 27 alinéa 7 précité indique qu'il serait préférable que les commissions se tiennent le jeudi et dans la mesure du possible, le même jour et à des horaires fixes, ces dispositions ont pour but de garantir une régularité dans la tenue de ces commissions et non d'empêcher les conseillers d'opposition d'y assister.

35. En dixième et dernier lieu, il ressort des termes de l'article 29 du règlement intérieur que : " Il est obligatoirement constitué une commission d'appel d'offres à caractère permanent. Elle est constituée du maire ou son représentant, président et cinq membres du conseil municipal élus en son sein à la représentation proportionnelle au plus fort reste ".

36. Aucune disposition législative ou règlementaire n'imposant au règlement intérieur de fixer les conditions de convocation des membres de la commission d'appel d'offres, c'est à bon droit que l'article 29 précité du règlement intérieur de la commune de l'Haÿ-les-Roses s'est limité à en définir la composition.

37. Il résulte de ce qui précède que MmeJ..., M. D...et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la délibération contestée ou, à tout le moins, des articles 3, 5, 6, 10, 18, 23-1, 24 al.5, 27 al.7 et 29 du règlement intérieur.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

38. Le présent arrêt statuant sur l'appel dirigé contre le jugement attaqué du Tribunal administratif de Melun du 8 février 2017, la requête aux fins de sursis à exécution de ce même jugement est devenue sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur les frais de justice :

39. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1509583 du 8 février 2017 est annulé en tant qu'il a annulé les articles 16 alinéas 5, 19 et 35 alinéas 1, 2 du règlement intérieur modifié de la commune de l'Haÿ-les-Roses, approuvé par une délibération

n° 5 du 24 septembre 2015.

Article 2 : L'appel incident de MmeJ..., M. D...et Mme B...est rejeté.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la commune de l'Haÿ-les-Roses tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de l'Haÿ-les-Roses et à Mme H...J..., Mme G...B...et M. I...D....

Délibéré après l'audience du 27 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2018.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVENLe greffier,

S. GASPAR La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 17PA01019...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01019,17PA01022
Date de la décision : 04/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-01-02-01-01 Collectivités territoriales. Commune. Organisation de la commune. Organes de la commune. Conseil municipal. Fonctionnement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : D4 AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-07-04;17pa01019.17pa01022 ?
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