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04/07/2018 | FRANCE | N°16PA03471

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 04 juillet 2018, 16PA03471


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler l'avis de la commission de réforme du 21 mai 2015, la lettre de notification de cet avis datée du 1er juin 2015 et la décision du 9 juillet 2015 l'admettant à la retraite d'office ou, à titre subsidiaire, de tirer toutes les conséquences de l'annulation de l'avis litigieux sur sa situation médico-statutaire et de mettre à la charge de la SA Orange une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L

. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503244/5...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler l'avis de la commission de réforme du 21 mai 2015, la lettre de notification de cet avis datée du 1er juin 2015 et la décision du 9 juillet 2015 l'admettant à la retraite d'office ou, à titre subsidiaire, de tirer toutes les conséquences de l'annulation de l'avis litigieux sur sa situation médico-statutaire et de mettre à la charge de la SA Orange une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503244/5-2 du 29 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de MmeD....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 25 novembre 2016 et les 9 janvier, 14 mars et 5 juin 2018, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1503244/5-2

du 29 septembre 2016 ;

2°) d'annuler l'avis de la commission de réforme du 21 mai 2015 et la lettre du

1er juin 2015 lui notifiant cet avis ;

3°) d'annuler la décision du 9 juillet 2015 par laquelle la société Orange l'a admise à la retraite d'office ;

4°) d'ordonner une expertise ;

5°) d'enjoindre à la société Orange de procéder à sa réintégration en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

6°) de mettre à la charge de la société Orange une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure devant la commission de réforme est entachée d'un vice de procédure dès lors que le principe d'impartialité a été méconnu et qu'un médecin a siégé au sein de cette commission alors qu'il n'était pas en exercice ;

- le médecin chargé de la prévention n'a pas été informé de la réunion de la commission de réforme ;

- la décision du 9 juillet 2015 est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle n'est pas atteinte de troubles psychiatriques qui la rendraient inapte à ses fonctions ou à toutes fonctions.

Par un mémoire en défense et deux mémoires complémentaires, enregistrés le

12 janvier 2017, le 26 février 2018 et le 27 avril 2018, la société Orange conclut à l'irrecevabilité de la requête, en tout état de cause à son rejet au fond, et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme D...sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- le décret n° 2014-17 du 4 février 2014 relatif à la création du comité médical national et de la commission de réforme nationale de la société Orange ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de MeA..., représentant MmeD...,

- et les observations de Me C...représentant la société Orange.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...a été recrutée comme fonctionnaire de l'Etat le 1er juillet 1980 et affectée à la direction générale des télécommunications, transformée en l'établissement public France Telecom le 1er janvier 1991, puis en société anonyme le 31 décembre 1996. Elle a bénéficié de plusieurs congés maladie ordinaire, congés de longue maladie et congés de longue durée pour un trouble anxio-dépressif. La société Orange a, en 2014, saisi le comité médical d'une demande d'avis portant sur la situation de Mme D...et sur son aptitude à reprendre ses fonctions. Par une décision du 20 novembre 2014, la société Orange a constaté son inaptitude totale et définitive à l'exercice de toutes fonctions. Par un avis du 21 mai 2015, notifié à la requérante le 1er juin 2015, la commission de réforme a estimé que Mme D...était définitivement inapte à toutes fonctions et a retenu un taux d'invalidité de 20 %. Par une décision du 9 juillet 2015, l'intéressée a été admise d'office à faire valoir ses droits à la retraite. Par un jugement n°1503244/5-2 du 29 septembre 2016, dont Mme D...relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'avis de la commission de réforme du 21 mai 2015 et de toutes les décisions prises par la société Orange à la suite de cet avis, à savoir la lettre du 1er juin 2015 lui notifiant cet avis, et la décision du 9 juillet 2015 l'admettant à la retraite d'office.

Sur la recevabilité des conclusions de première instance tendant à l'annulation de l'avis de la commission de réforme du 21 mai 2015 et de la lettre de notification du 1er juin 2015 :

2. En premier lieu, l'avis émis par la commission de réforme, qui constitue un acte préparatoire, n'a pas le caractère d'une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions tendant à son annulation sont irrecevables.

3. En second lieu, la lettre du 1er juin 2015 se borne notifier à Mme D...l'avis de la commission de réforme du 21 mai 2015 et à lui indiquer les suites qui y seront apportées. Dès lors, cette lettre ne constitue pas une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, la circonstance qu'elle mentionnerait des voies et délais de recours étant sans incidence à cet égard. Par suite, les conclusions tendant à son annulation sont également irrecevables.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2015 :

4. Il ressort des écritures de première instance que Mme D...sollicitait déjà l'annulation de la décision du 9 juillet 2015. Par suite, ces conclusions n'étant pas nouvelles en appel, sont recevables.

Sur la légalité de la décision du 9 juillet 2015 :

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie ;

6. Aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 4 février 2014 : " Il est institué au sein de la société anonyme Orange une commission de réforme nationale qui exerce les fonctions des commissions de réforme prévues à l'article 10 du décret du 14 mars 1986 susvisé (...) ". Aux termes de l'article 10 du décret susvisé du 14 mars 1986 : " Il est institué auprès de l'administration centrale de chaque département ministériel, une commission de réforme (...) ". L'article 18 de ce même décret précise que : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion ; il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43 ci-dessous. Le fonctionnaire intéressé et l'administration peuvent, en outre, faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical ou la commission de réforme ".

7. Il résulte de ces dispositions que le décret du 4 février 2014 spécifique à la société Orange a pour objet de créer une commission de réforme nationale qui lui est propre. Il ne contient, toutefois, aucune disposition relative à la procédure devant être suivie devant elle. Mais ce décret renvoie expressément au décret susvisé du 14 mars 1986. Dès lors, la procédure devant être suivie devant la commission de réforme de la société Orange doit être menée conformément aux dispositions du décret du 14 mars 1986 et, notamment, de son article 18 précité.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin de prévention aurait été informé, en application de l'article 18 précité du décret du 14 mars 1986, de la tenue de la réunion de la commission de réforme devant statuer sur le cas de MmeD.... Dès lors, la consultation de la commission de réforme a été irrégulièrement menée. Une telle irrégularité ayant été de nature à priver Mme D...d'une garantie substantielle, l'intéressée est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et les conclusions à fin d'expertise, que c'est à tort que le Tribunal administratif a, par le jugement attaqué, refusé de faire droit à ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2015 par laquelle elle a été admise à la retraite d'office.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par MmeD..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation retenu, que la société Orange prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'elle soit réintégrée doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre à la société Orange de réexaminer la situation de MmeD..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de justice :

10. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit à la demande présentée à ce titre par Mme D...et de mettre à la charge de la société Orange une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeD..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que réclame la société Orange au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 septembre 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme D...tendant à l'annulation de la décision du

9 juillet 2015.

Article 2 : La décision du 9 juillet 2015 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la société Orange de réexaminer la situation de MmeD..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La société Orange versera à Mme D...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la société Orange présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2018.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVENLe greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03471


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03471
Date de la décision : 04/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Mise à la retraite d'office.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Radiation des cadres - Inaptitude physique.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : ANNOOT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-07-04;16pa03471 ?
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