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04/07/2018 | FRANCE | N°16PA02999

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 04 juillet 2018, 16PA02999


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...-C... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le vice-président du Conseil d'Etat a refusé de renouveler son mandat de présidente du Comité technique de l'audiovisuel (CTA) de Polynésie française, après transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1506572/5-1 du 23 juin 2015, le président de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de transmission au Conseil d'Etat

d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Par un jugement n° 1506572/5-1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...-C... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le vice-président du Conseil d'Etat a refusé de renouveler son mandat de présidente du Comité technique de l'audiovisuel (CTA) de Polynésie française, après transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1506572/5-1 du 23 juin 2015, le président de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de transmission au Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Par un jugement n° 1506572/5-1 du 13 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 septembre 2016, 2 novembre 2016, 23 mai 2017, 9 septembre 2017, ainsi qu'un mémoire récapitulatif enregistré le 26 février 2018, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris n° 1506572/5-1 du 23 juin 2015 ;

2°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1506572/5-1 du

13 juin 2016 ;

3°) d'annuler la décision par laquelle le vice-président du Conseil d'Etat a refusé de renouveler son mandat de présidente du Conseil territorial de l'audiovisuel de Polynésie française ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct et des mémoires complémentaires enregistrés le

29 septembre 2016, le 31 octobre 2016, le 23 mai 2017 et le 9 septembre 2017, ainsi qu'un mémoire récapitulatif enregistré le 26 février 2018, Mme B...demande par ailleurs à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures figurant dans ses mémoires récapitulatifs, que :

- les écritures en défense du Garde des Sceaux, ministre de la justice sont irrecevables dès lors qu'il n'est pas défendeur à l'instance ;

- la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle présente en appel est recevable dès lors qu'elle repose sur des moyens nouveaux par rapport à la première instance ;

- le Conseil d'Etat a déjà été saisi directement de sa question prioritaire de constitutionnalité, et devait donc la transmettre au Conseil Constitutionnel ;

- l'ordonnance du Tribunal administratif de Paris du 23 juin 2015 n'est pas motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe de l'égalité des armes, car elle n'a pas pu répliquer aux écritures en défense ;

- elle a omis de répondre à un moyen ;

- la question prioritaire de constitutionnalité présentée au Tribunal administratif de Paris n'est pas dépourvue de sérieux, l'article 29-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 étant contraire à l'indépendance du Conseil supérieur de l'audiovisuel et, par suite, au principe, à valeur constitutionnelle, de la liberté d'expression et de communication reconnue par l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au principe constitutionnel de l'autonomie de la personne morale, au principe constitutionnel de la liberté contractuelle et au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs ;

- l'article 29-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 méconnaît l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le tribunal administratif a méconnu l'étendue de son contrôle ;

- la décision attaquée n'étant pas motivée, elle n'a pas été prise dans l'intérêt du service et est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- elle méconnaît le principe d'égalité entre les hommes et les femmes ;

- elle méconnaît l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle l'a privée d'une rémunération.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 avril 2017, le 12 juin 2017, le 30 août 2017 et le 20 juin 2018, le Garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la demande de transmission au Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité, puis au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il est recevable à présenter des écritures en défense ;

- les conclusions portant sur la question prioritaire de constitutionnalité sont irrecevables dès lors que Mme B...ne formule aucune critique contre l'ordonnance du

23 juin 2015, par mémoire distinct, présenté avant l'expiration du délai d'appel ;

- les dispositions de l'article R. 771-20 du code de justice administrative sont inapplicables à un litige porté devant une cour administrative d'appel ;

- le Conseil d'Etat n'a pas été saisi de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par Mme B...faute de décision juridictionnelle en ce sens ;

- la Cour administrative d'appel de Paris ne se trouve pas dessaisie de cette question, aucun délai ne lui étant imposé pour y statuer ;

- l'obligation de présentation d'une question prioritaire de constitutionnalité par mémoire distinct n'est pas entachée d'illégalité, cette règle étant prévue par l'ordonnance

n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'ordonnance du 23 juin 2015 est suffisamment motivée ;

- Mme B...a disposé en première instance d'un délai suffisant pour répondre aux écritures de défense ;

- le premier juge n'a pas omis de répondre à un moyen ;

- la requérante n'est pas recevable à soulever devant le juge d'appel la même question prioritaire de constitutionnalité qu'en première instance ;

- à titre subsidiaire, à supposer que des moyens nouveaux soient soulevés, l'article 29-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 n'est contraire à aucun des principes à valeur constitutionnelle invoqués ;

- les moyens dirigés contre la décision de refus attaquée ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la décision du Conseil Constitutionnel QPC n° 2017-666 du 20 octobre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

1. Mme B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le vice-président du Conseil d'Etat a refusé de renouveler son mandat de présidente du Comité technique de l'audiovisuel de Polynésie française. A l'occasion de ce litige, elle a introduit une question prioritaire de constitutionnalité. Le tribunal administratif a, par ordonnance du 23 juin 2015, refusé de transmettre cette question au Conseil d'Etat puis, par un jugement du 13 juin 2016, a ensuite rejeté ses conclusions aux fins d'annulation du refus de renouvellement de son mandat. Mme B...fait appel de ce jugement et de cette ordonnance, et demande en outre à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité portant sur les mêmes dispositions législatives.

Sur la recevabilité des écritures en défense produites par le Garde des sceaux, ministre de la justice :

2. Aux termes de l'article R. 431-9 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 431-10 du présent code et des dispositions spéciales attribuant compétence à une autre autorité, en particulier au président de la Commission supérieure de la carte d'identité des journalistes professionnels ou au directeur général du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ou au directeur de l'agence régionale de santé, les recours, les mémoires en défense et les mémoires en intervention présentés au nom de l'Etat sont signés par le ministre intéressé. /Les ministres peuvent déléguer leur signature dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur./En outre, la compétence des ministres peut être déléguée par décret : 1° Aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans les matières énumérées à l'article 33 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et les départements ; 2° Au préfet de zone, au préfet de région et au préfet dans les autres cas. ". L'article R. 811-10 de ce même code précise que : " Devant la cour administrative d'appel, l'Etat est dispensé de ministère d'avocat soit en demande, soit en défense, soit en intervention. Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. Les ministres peuvent déléguer leur signature dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur. ". Le Garde des sceaux, ministre de la justice qui n'a pas délégué sa compétence en la matière, étant intéressé par un litige portant sur une décision individuelle concernant une activité annexe exercée par un magistrat, membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, était recevable à produire des écritures, tant en première instance qu'en appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il résulte des termes du jugement attaqué, et notamment de ses points 5 et 6, qui citent les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 et explicitent pourquoi la décision attaquée n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application de ce texte, que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu d'ordonner une mesure d'instruction pour se faire communiquer les motifs de la décision implicite attaquée, a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée et n'a pas méconnu l'étendue de son contrôle.

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". L'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. (...) ". L'article 23-5 de cette même ordonnance dispose par ailleurs que : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation ". Enfin aux termes de l'article R. 771-12 du code de justice administrative : " Lorsque, en application du dernier alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du

7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l'une des parties entend contester, à l'appui d'un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai d'appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission.(...) ".

5. Il résulte de ces dispositions combinées que le Conseil d'Etat ne peut examiner une question prioritaire de constitutionnalité que lorsqu'il en a été saisi par une décision de transmission motivée d'une juridiction de première instance ou d'appel, ou lorsqu'elle a été présentée à l'occasion d'une instance dont il est lui-même saisi. En l'absence de toute instance formée par elle devant le Conseil d'Etat, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que celui-ci, qui a seulement transmis à la juridiction de première instance sa requête, dont il avait été destinataire par erreur, se trouverait directement saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité qu'il serait tenu de transmettre au Conseil Constitutionnel.

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité soulevée en première instance :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que le mémoire en défense relatif à la question prioritaire de constitutionnalité, produit devant le Tribunal administratif de Paris par le Garde des Sceaux, ministre de la justice le 27 mai 2015 a été communiqué à Mme B...par courrier simple le 2 juin 2015. Par ses seules affirmations l'intéressée n'établit pas, compte tenu des délais normaux d'acheminement postal, qu'elle aurait reçu ce mémoire à une date qui ne l'aurait pas mise en mesure de répondre avant le

23 juin 2015, date de l'ordonnance de refus de transmission de sa question prioritaire de constitutionnalité. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté.

7. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'ordonnance du 23 juin 2015, que le président de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris a, en réponse au moyen tiré de ce que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 29-3 de la loi du 30 septembre 1986 seraient incompatibles avec les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précisé que " le moyen tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative avec les engagements internationaux ou européens de la France ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité ". Il a ainsi suffisamment motivé cette ordonnance.

8. En troisième lieu, il ressort des termes du point 3 de l'ordonnance attaquée que le premier juge n'a pas omis de statuer sur le moyen tiré de l'atteinte à l'indépendance du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

9. Enfin il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article 29-3 de la loi n° 86-1067 du

30 septembre 1986 sur la liberté de communication sont contraires à l'indépendance du Conseil supérieur de l'audiovisuel et, par suite, au principe à valeur constitutionnelle de la liberté d'expression et de communication reconnue par l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et qu'elles méconnaissent l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité soulevée en appel :

10. Si pour demander à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 29-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, Mme B...soutient que ces dispositions sont contraires à l'indépendance du Conseil supérieur de l'audiovisuel et, par suite, au principe à valeur constitutionnelle de la liberté d'expression et de communication reconnue par l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et qu'elles méconnaissent l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne peut être fait droit à sa demande en tant qu'elle est fondée sur ces deux moyens, dès lors que la question prioritaire de constitutionnalité ainsi posée est identique à celle qui a été soumise, par les mêmes moyens, au Tribunal administratif de Paris. En revanche

Mme B...est recevable à demander à la Cour de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité, portant sur les mêmes dispositions législatives mais fondée sur de nouveaux moyens.

11. Aux termes de l'article 29-3 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " Des comités techniques, constitués par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, assurent l'instruction des demandes d'autorisations visées aux articles 29 et 29-1 et l'observation de l'exécution des obligations qu'elles contiennent. Ils peuvent également, à la demande du conseil, participer à l'instruction des demandes d'autorisations mentionnées aux articles 30 et 30-1 concernant des services de télévision locale et participer à l'observation de l'exécution des obligations contenues dans les autorisations. Ils peuvent statuer, dans des conditions fixées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur la reconduction des autorisations délivrées en application des articles 29, 29-1, 30 et 30-1, pour les services à vocation locale, dans les conditions prévues à l'article 28-1, sur les demandes de modification non substantielle des

éléments de l'autorisation ou de la convention et sur la délivrance, dans leur ressort territorial, des autorisations temporaires prévues à l'article 28-3. Dans ce cas, le président du comité technique peut signer l'autorisation et la convention y afférente. Les comités techniques peuvent également organiser, dans leur ressort, les consultations prévues à l'article 31. / Ces comités, présidés par un membre des juridictions administratives en activité ou honoraire, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat, comprennent en outre six membres au plus, désignés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel parmi des personnalités qualifiées notamment dans les secteurs de la planification des fréquences, des télécommunications, de la radio et de la télévision. (...) ".

12. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que les comités techniques, qui sont dotés d'attributions propres et placés sous l'autorité du Conseil supérieur de l'audiovisuel, n'exercent pas ces attributions en exécution d'un quelconque contrat de mandat conclu avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 29-3 précité de la loi du 30 septembre 1986 porteraient atteinte à la liberté contractuelle consacré par l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne présente pas un caractère sérieux.

13. En deuxième lieu, la nomination des présidents des comités techniques, qui assistent le Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité administrative indépendante, prononcée par le vice-président du Conseil d'Etat, agissant en qualité d'autorité administrative, est par elle-même sans incidence sur le principe à valeur constitutionnelle de séparation entre les pouvoirs législatif et exécutif consacré par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 29-3 précité de la loi du 30 septembre 1986 porteraient atteinte à ce principe est dépourvu de caractère sérieux.

14. En troisième lieu, le principe, invoqué par MmeB..., de l'autonomie des personnes morales n'est pas au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 29-3 précité de la loi du 30 septembre 1986 porteraient atteinte à ce principe est dépourvu de caractère sérieux.

15. Il résulte dès lors de tout ce qui précède que la question de la conformité du deuxième alinéa de l'article 29-3 de la loi du 30 septembre 1986 aux droits et libertés garantis par la Constitution est dépourvue de caractère sérieux. Par suite, la demande de Mme B...tendant à transmettre au Conseil d'Etat, aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, cette question, doit être rejetée.

Sur la légalité de la décision attaquée :

16. En premier lieu, les moyens tirés du défaut de motivation de la décision implicite attaquée et de la méconnaissance du principe de parité entre les hommes et les femmes peuvent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif.

17. En deuxième lieu, en se bornant à relever que la décision implicite refusant de renouveler, à son échéance, son mandat de présidente du comité technique territorial de Polynésie Française n'est pas motivée, et en faisant état de ses compétences et de sa disponibilité pour continuer à l'exercer, Mme B...n'établit pas que cette décision serait contraire à l'intérêt du service, ni qu'elle serait entachée d'un détournement de pouvoir.

18. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 29-3 de la loi du 30 septembre 1986 méconnaîtraient le droit au procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les décisions de nomination des présidents des comités techniques territoriaux, prises par le vice-président du Conseil d'Etat, sont susceptibles de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir devant les juridictions administratives, dont le juge de cassation est le Conseil d'Etat, qui est également l'autorité chargée de la gestion des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel pouvant être nommés à ces fonctions, doit être écarté dès lors que, quelles que soient les prérogatives dont dispose le

vice-président du Conseil d'État en matière de nomination et au niveau de la carrière des membres de la juridiction administrative, les garanties statutaires reconnues à ces derniers aux titres troisièmes des livres premier et deuxième du code de justice administrative assurent leur indépendance à son égard.

19. Enfin, si aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. (...)", l'on ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations qu'en faisant état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger, et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations. En l'espèce, dès lors que Mme B...ne peut se prévaloir d'aucun droit au renouvellement de son mandat, elle ne peut se prévaloir d'une propriété ou d'une espérance légitime de continuer à percevoir l'indemnité attachée à l'exercice de ce mandat. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

20. Il résulte dès lors de tout ce qui précède, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions afférentes aux frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête susvisée et la demande de Mme B...tendant à la transmission au Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du deuxième alinéa de l'article 29-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Une copie sera transmise au Conseil supérieur de l'audiovisuel et au

vice-président du Conseil d'Etat.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2018.

Le rapporteur,

P. HAMONLe président,

B. EVENLe greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne au Garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02999
Date de la décision : 04/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Magistrats et auxiliaires de la justice - Magistrats de l'ordre administratif.

Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SEP UCJ AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-07-04;16pa02999 ?
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