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28/06/2018 | FRANCE | N°17PA01657

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 juin 2018, 17PA01657


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui payer la somme de 1 200 000 F CFP au titre de l'indemnité de sujétions spéciales prévue par l'arrêté n° 712 CM du 29 août 2005, la somme de 1 261 660 F CFP au titre de la rémunération des astreintes des mois de novembre 2015 et d'avril 2016 et une indemnité de 1 322 402 F CFP en réparation du préjudice résultant de l'absence de repos compensateur.

Par un jugement n° 160041

4 du 7 mars 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui payer la somme de 1 200 000 F CFP au titre de l'indemnité de sujétions spéciales prévue par l'arrêté n° 712 CM du 29 août 2005, la somme de 1 261 660 F CFP au titre de la rémunération des astreintes des mois de novembre 2015 et d'avril 2016 et une indemnité de 1 322 402 F CFP en réparation du préjudice résultant de l'absence de repos compensateur.

Par un jugement n° 1600414 du 7 mars 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 mai et 5 octobre 2017,

MmeA..., représentée par la SELARL Jurispol, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600414 du 7 mars 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de condamner la Polynésie française à lui payer ces sommes ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 200 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions relatives au paiement des astreintes étaient recevables, le contentieux ayant été lié par sa demande du 5 juillet 2016 ;

- dès lors qu'elle a la qualité de médecin, elle a droit au versement de l'indemnité de sujétions spéciales prévue par l'arrêté n° 712 CM du 29 août 2005 ;

- en rédigeant des certificats constatant qu'elle exerçait seule ses fonctions pendant une durée supérieure à trente jours, le directeur de l'hôpital a reconnu son droit à indemnité par une décision créatrice de droits qui ne pouvait pas être retirée ultérieurement ;

- si cet arrêté devait être interprété comme ne s'appliquant pas aux praticiens hospitaliers, il serait contraire au principe d'égalité et son illégalité lui ouvrirait alors droit au versement d'une indemnité ;

- l'administration a commis une faute en ne lui permettant pas de bénéficier d'un jour de repos hebdomadaire de sorte qu'elle a droit à une indemnité correspondant à un jour de repos hebdomadaire pendant les quarante deux semaines d'exécution de son contrat ;

- les astreintes des mois de novembre 2015 et d'avril 2016 devaient être rémunérées qu'elles aient ou non été effectuées au cours de jours fériés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2017, la Polynésie française, représentée par la SCP de Chaisemartin-Courjon, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A...le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions relatives au paiement des astreintes étaient irrecevables en première instance, faute de liaison du contentieux ;

- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est par ailleurs fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française et la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- la délibération n° 95-241 AT du 14 décembre 1995 portant statut particulier du cadre d'emplois des médecins de la fonction publique de la Polynésie française ;

- la délibération n° 96-136 APF du 21 novembre 1996 portant statut particulier du cadre d'emplois des praticiens hospitaliers territoriaux de la fonction publique de la Polynésie française ;

- la délibération n° 97-153 APF du 13 août 1997 portant attribution d'une indemnité de sujétions spéciales à certains personnels de l'administration territoriale ;

- la délibération n° 97-198 APF du 24 octobre 1997 portant statut particulier du cadre d'emplois des praticiens hospitaliers des structures hospitalières publiques de la direction de la santé ;

- la délibération n° 97-199 APF du 24 octobre 1997 portant statut particulier du cadre d'emplois général des praticiens hospitaliers territoriaux de la fonction publique de la Polynésie française ;

- la délibération n° 2007-35 APF du 3 juillet 2007 relative à l'organisation et indemnisation des services de garde dans les hôpitaux périphériques de la direction de la santé ;

- l'arrêté n° 673 CM du 15 avril 2004 portant organisation du service de la direction de la santé ;

- l'arrêté n° 712/CM du 29 août 2005 déterminant les emplois pouvant prétendre à une indemnité de sujétions spéciales ;

- l'arrêté n° 996 CM du 17 juillet 2007 portant organisation et indemnisation des services de garde dans les hôpitaux périphériques de la direction de la santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jardin,

- et les conclusions de M. Platillero, rapporteur public.

Sur l'indemnité de sujétions spéciales :

1. Considérant que, par une délibération n° 97-153 APF du 13 août 1997, l'assemblée de la Polynésie française a créé une indemnité de sujétions spéciales, attribuable à certains personnels de l'administration et des établissements publics, qu'ils soient agents non fonctionnaires ou fonctionnaires, pour tenir compte de situations particulières et a prévu que les modalités d'attribution de cette indemnité seraient fixées par le conseil des ministres, conformément à une grille figurant à l'article 3 de cette délibération ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté n° 712/CM du 29 août 2005 : " En raison des contraintes particulières liées à l'isolement, à l'éloignement géographique ainsi qu'aux responsabilités accrues relatives à la prise en charge sanitaire de la population des îles éloignées, les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmiers et auxiliaires de soins, aides médicaux techniques exerçant en qualité d'auxiliaires de santé publique ont droit, lorsqu'ils exercent seuls dans leurs fonctions pendant au moins 30 jours consécutifs, à l'octroi d'une indemnité de sujétions spéciales.(...) " ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la délibération n° 96-136 APF du 21 novembre 1996, les praticiens hospitaliers exerçant dans les établissements publics hospitaliers de la Polynésie française peuvent porter le titre de médecin ; que les médecins appartenant au cadre d'emplois régi par la délibération n° 95-241 AT du 14 décembre 1995 peuvent, en application de l'article 1er de cette délibération, participer au service public hospitalier ; que l'arrêté n° 712/CM du 29 août 2005 ne contient aucune disposition explicite privant les médecins appartenant à ce cadre d'emplois et exerçant dans des établissements hospitaliers de l'indemnité de sujétions spéciales, lorsqu'ils ont exercé seuls dans leurs fonctions pendant au moins trente jours consécutifs ; qu'ainsi, et dès lors notamment que les praticiens hospitaliers ne peuvent être traités plus défavorablement que les médecins lorsqu'ils subissent les mêmes sujétions, il y a lieu d'interpréter l'article 1er de l'arrêté n° 712/CM du 29 août 2005 comme s'appliquant également aux médecins appartenant au cadre d'emplois des praticiens hospitaliers ou aux agents non titulaires exerçant des fonctions de praticien hospitalier ;

3. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit au point 2 que la Polynésie française ne pouvait légalement refuser à MmeA..., recrutée en qualité de praticien hospitalier pour exercer des fonctions d'anesthésiste à l'hôpital de Taiohae, le bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales au motif qu'elle n'appartenait pas au cadre d'emplois des médecins ; que Mme A...a droit à cette indemnité pour les périodes au cours desquelles elle a exercé seule ses fonctions pendant au moins trente jours consécutifs ; qu'il y a lieu de renvoyer Mme A... devant la Polynésie française pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité au titre de la période du 12 avril 2015 au 11 avril 2016 ;

Sur la rémunération des astreintes :

4. Considérant que MmeA..., par un courriel du 7 juillet 2016 adressé à un agent de la direction du budget et des finances de la Polynésie française qui faisait suite à d'autres échanges à propos du même sujet avec son employeur, a clairement réclamé le paiement des astreintes effectuées aux mois de novembre 2015 et de d'avril 2016 ; que, dans les circonstances de l'espèce, ce courriel, dont la réception n'est pas contestée, doit être regardé comme une demande préalable adressée à l'administration ; que la fin de non-recevoir tirée du défaut de liaison du contentieux opposée par la Polynésie française doit dès lors être écartée ;

5. Considérant qu'en vertu de l'article 4 de la délibération n° 2007-35 APF du 3 juillet 2007, applicable à l'hôpital de Taiohae selon l'article 1er de l'arrêté n° 996 CM du 17 juillet 2007, le service normal de jour des praticiens hospitaliers comprend les services médicaux quotidiens du matin et de l'après-midi de chacun des six jours ouvrables ; que le service de garde, qui concerne, selon l'article 5 de cette délibération, la nuit, la journée du dimanche et les jours fériés, peut prendre la forme d'une garde par astreinte à domicile, impliquant, selon l'article 6, l'obligation pour le praticien de rester à la disposition de l'hôpital à son domicile ou en un lieu voisin pendant toute la durée de la garde et de répondre à tout appel dans un délai raisonnable ; que l'article 10 prévoit que les praticiens bénéficient d'une indemnité par garde dont la valeur indiciaire est fixée par un arrêté pris en conseil des ministres ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions de la délibération n° 2007-35 APF du 3 juillet 2007 dont le contenu a été rappelé au point 5 que les praticiens qui effectuent une garde par astreinte à domicile un jour férié, un dimanche ou une nuit ont droit à l'indemnité prévue à l'article 10 de cette délibération, qu'ils aient ou non participé au service normal de jour les autres jours de la semaine ; que la Polynésie française ne pouvait légalement priver Mme A...de l'indemnité compensant les astreintes effectuées au cours de la semaine du 9 au 15 novembre 2015 et de la semaine du 28 mars 2016 au 3 avril 2016 au motif qu'elle n'a pas assuré un service normal de jour complet dès lors que ces semaines incluaient un jour férié ; qu'il y a lieu de renvoyer Mme A...devant la Polynésie française pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité, à laquelle elle a droit, à concurrence du nombre de points d'indice mentionné dans son courriel du 7 juillet 2016 ;

Sur l'indemnité au titre de l'absence de repos compensateur :

7. Considérant que les périodes d'astreinte à domicile de MmeA..., au cours desquelles elle n'était pas à la disposition permanente et immédiate de son employeur et pouvait, en dehors des temps d'intervention, vaquer librement à des occupations personnelles, ne constituent pas du temps de travail effectif ; que la requérante, même si elle a été contrainte d'effectuer des gardes par astreinte à domicile la conduisant à ne pas pouvoir bénéficier d'un jour de repos hebdomadaire, ne peut dès lors reprocher à son employeur d'avoir méconnu les dispositions applicables aux fonctionnaires de la Polynésie française limitant à 39 heures la durée hebdomadaire du travail ; que ses conclusions tendant au versement d'une indemnité compensatrice correspondant à un jour de rémunération par semaine pendant 42 semaines, alors par ailleurs qu'aucun texte ne prévoit un tel avantage, ne peuvent par suite qu'être rejetées ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de la Polynésie française, par le jugement attaqué, a rejeté l'ensemble des conclusions de sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Polynésie française demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre la somme de 150 000 F CFP à la charge de la Polynésie française au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600414 du 7 mars 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme A...relatives à l'indemnité de sujétions spéciales et à l'indemnité compensant les astreintes effectuées aux mois de novembre 2015 et de d'avril 2016.

Article 2 : MmeA... est renvoyée devant la Polynésie française pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité de sujétions spéciales et à l'indemnité compensant les astreintes auxquelles elle a droit, dans les conditions prévues aux points 3 et 6 du présent arrêt.

Article 3 : La Polynésie française versera la somme de 150 000 F CFP à Mme A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

L'assesseur le plus ancien,

D. DALLELe président-rapporteur,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01657


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01657
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Claude JARDIN
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-28;17pa01657 ?
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