La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2018 | FRANCE | N°16PA02906,16PA02919

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 27 juin 2018, 16PA02906,16PA02919


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de défense des intérêts des fonctionnaires de l'Etat des PetT (ADIFE) et M. C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la société La Poste a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils ont subis du fait des illégalités commises dans la mise en oeuvre des voies de promotion, et de condamner La Poste à leur verser à chacun une somme de 10 001 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n°

1502854/5-2 du 13 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a faire partiellem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de défense des intérêts des fonctionnaires de l'Etat des PetT (ADIFE) et M. C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la société La Poste a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils ont subis du fait des illégalités commises dans la mise en oeuvre des voies de promotion, et de condamner La Poste à leur verser à chacun une somme de 10 001 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1502854/5-2 du 13 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a faire partiellement droit à cette demande en condamnant La Poste à verser à M. C...une somme de 1 500 euros en réparation du préjudice moral subi.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête n° 16PA02906, enregistrée le 13 septembre 2016, l'ADIFE et

M.C..., représentés par Me A...F..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1502854/5-2

du 13 juillet 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de leur demande préalable d'indemnisation ;

3°) de condamner La Poste à leur verser respectivement une somme de 10 001 euros ;

4°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et qu'il est entaché d'une omission à statuer ;

- les voies de promotion mises en oeuvre depuis 2009 par La Poste méconnaissent les articles 19 et 26 de la loi du 11 janvier 1984, ainsi que les décrets statutaires des corps des fonctionnaires reclassés, en l'absence totale de promotion interne ou d'organisation de concours internes ;

- ces voies de promotion entraînent une rupture d'égalité entre les candidatures en l'absence d'examen par une instance unique nationale ;

- l'organisation des listes d'aptitude et l'ouverture des cessions de concours sont entachées d'un défaut de publicité ;

- la commission administrative paritaire nationale aurait du être saisie pour avis ;

- les voies de promotion issues de la décision n° 350-23 du 16 décembre 2009 sont fondées sur le décret n° 2009-1555 du 24 décembre 2009 qui est entaché d'illégalité ;

- les voies de promotion organisées par La Poste induisent une rupture d'égalité entre les fonctionnaires des corps " reclassés " et les agents des corps " reclassifiés " ;

- l'ADIFE subit un préjudice moral lié à l'atteinte portée aux intérêts collectifs qu'elle défend ;

- M. C... doit être indemnisé du préjudice moral subi du fait de la persistance de l'illégalité des voies de promotion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2018, La Poste représentée par

Me G...conclut au rejet de la requête de l'ADIFE et de M.C..., et à ce que ces derniers soient condamnés à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire a été enregistré, le 1er juin 2018, pour l'ADIFE et M.C....

II - Par une requête n° 16PA02919 et un mémoire complémentaire, enregistrés

les 14 septembre 2016 et 7 avril 2017, La Poste représentée par MeG..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1502854/5-2

du 13 juillet 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'ADIFE et M. C...devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'ADIFE et de M. C...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier puisqu'insuffisamment motivé ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit s'agissant de la recevabilité des conclusions présentées en première instance par l'ADIFE ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit s'agissant de l'absence d'organisation de concours internes ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit s'agissant du caractère indemnisable du préjudice moral invoqué.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les

8 février 2017 et 13 juillet 2017, l'ADIFE et M. C...concluent au rejet de la requête de La Poste et à ce que soit mise à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire a été enregistré, le 31 mai 2018, pour La Poste.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,

- le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009,

- le code civil,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de MeE..., pour l'ADIFE et M.C...,

- et les observations de Me D...pour La Poste.

Une note en délibéré pour chacune des deux requêtes susvisées enregistrée

le 11 juin 2018 a été présentée pour La Poste.

Une note en délibéré pour chacune des deux requêtes susvisées enregistrée le

14 juin 2018 a été présentée pour l'ADIFE et M.C....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 304439 du 11 décembre 2008, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé la décision implicite refusant de modifier les dispositions statutaires des corps de " reclassement " de La Poste en vue d'ouvrir des voies de promotion interne aux fonctionnaires appartenant à ces corps, et a enjoint au Premier ministre d'édicter des dispositions statutaires permettant la promotion interne à l'intérieur de ces corps " de reclassement ", et à

La Poste de prendre ces mesures d'application nécessaires à cette promotion interne dans un délai de neuf mois. A la suite de cette décision, est intervenu le décret n° 2009-1555

du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de La Poste, lequel a fait disparaître, à compter de sa date d'entrée en vigueur, les dispositions statutaires faisant obstacle à l'ouverture de voies de promotion interne au sein des corps de fonctionnaires énumérés en annexe dudit décret, puis la décision n° 350-23 du

16 décembre 2009 par laquelle la Direction des ressources humaines de La Poste a sur le fondement de ce décret défini les modalités d'établissement des listes d'aptitude pour l'accès aux corps de reclassement. L'Association de défense des intérêts des fonctionnaires de l'Etat des PetT (ADIFE), et M.C..., contrôleur divisionnaireH..., ont demandé à La Poste, par une lettre du 30 octobre 2014, d'établir rétroactivement des tableaux d'avancement, et de les indemniser du préjudice lié à l'organisation de voies de promotion illégales au sein des corps de " reclassement " à compter du mois de décembre 2009. Par un jugement n°1502854/5-2

du 13 juillet 2016, dont l'ADIFE et M. C...d'une part et La Poste, d'autre part, font régulièrement appel, le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à la demande de l'ADIFE et de M. C...en condamnant La Poste à verser à ce dernier une somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral subi.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes susvisées nos 16PA02906 et 16PA02919 présentées par l'ADIFE et M. C..., d'une part, et par La Poste, d'autre part, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel :

3. En premier lieu, l'ensemble des faits générateurs soulevés en appel, que sont l'absence de promotion interne pour certains corps, la méconnaissance des articles 19 et 26 de la loi n° 84-56 du 16 janvier 1984, l'absence de publicité des décisions d'ouverture des cessions de concours et des listes d'aptitude, l'impossibilité de transmettre les candidatures à un service centralisateur national, l'absence d'avis de la commission administrative paritaire nationale, l'illégalité de la décision n° 350-23 du 16 décembre 2009 de La Poste prise en application du décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 lui-même illégal et la discrimination subie par les agents reclassés, étaient déjà évoqués en première instance. Il ne saurait dès lors être reproché à l'ADIFE et à M. C...de se prévaloir devant la Cour de fautes nouvelles et, par conséquent, irrecevables.

4. En deuxième lieu, M. C...en tant qu'agent dit " reclassé " et partie en première instance, disposait de la qualité pour faire appel.

5. Par suite, les fins de non recevoir soulevées sur ces points par La Poste doivent être écartées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. En examinant uniquement la responsabilité de La Poste au regard de l'absence fautive d'organisation de concours internes pour les corps de personnels administratifs supérieurs des services de La Poste, d'inspecteurs, de contrôleurs, de contrôleurs divisionnaires, de réviseurs de travaux de bâtiment, d'agents d'exploitation, de techniciens des installations, de contrôleurs du service automobile, de préposés et de contrôleurs de travaux, sans se prononcer sur les autres corps, pourtant cités en première instance, de services de la distribution et du transports des dépêches, de receveurs, de receveurs ruraux, d'aides techniciens des installations et de contremaîtres, ni sur les autres fautes alléguées tirées, tous corps confondus, de la méconnaissance des articles 19 et 26 de la loi n° 84-56 du 16 janvier 1984, de l'absence de publicité des décisions d'ouverture des cessions de concours et des listes d'aptitude, de l'impossibilité de transmettre les candidatures à un service centralisateur national, de l'absence d'avis de la commission administrative paritaire nationale, de l'illégalité de la décision n° 350-23 du 16 décembre 2009 de La Poste prise en application du décret n° 2009-1555 du

14 décembre 2009 lui-même illégal et de la discrimination subie par les agents reclassés, les premiers juges ont entaché leur jugement de plusieurs omissions à statuer. Le jugement dont il est relevé appel est, dès lors, irrégulier. Par suite, il y a lieu de l'annuler et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée l'ADIFE et M.C....

Sur la recevabilité de la demande de première instance en tant qu'elle émane de l'ADIFE :

7. Aux termes de l'article 2 des statuts de l'ADIFE, celle-ci " regroupe les Fonctionnaires de l'Etat exerçant ou ayant exercé leur activité au sein de l'administration des PTT, de la Poste ou de France Télécom (SA). Ils le sont par décision unilatérale et réglementaire de l'État, conformément aux obligations de leurs statuts et non dans un rapport contractuel avec l'un des opérateurs. La mission de ces fonctionnaires en dehors d'une administration de l'État est due à la volonté du législateur afin de faciliter l'évolution de cette ex Administration durant une période transitoire. Tant que perdure cette mission ces fonctionnaires veulent que l'ensemble de leurs droits statutaires soit respecté et appliqué. Ceux-ci ont décidé d'agir collectivement, dans un cadre national, régional et départemental auprès des autorités compétentes sous toutes formes d'actions légales, afin de les rétablir dans leurs prérogatives de fonctionnaires de l'État ". L'ADIFE se prévalant, en première instance, du préjudice moral personnel qu'elle a subi du fait de l'atteinte portée aux intérêts collectifs qu'elle défend, elle disposait d'un intérêt à saisir le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à ce que la responsabilité de La Poste soit engagée pour avoir, notamment, ralenti la promotion interne au sein de certains de ses corps de fonctionnaires, en n'organisant pas de concours interne. La fin de non recevoir opposée par La Poste doit, dès lors, être écartée.

Sur l'exception de prescription :

8. Il ressort des termes de l'article 2224 du code civil que : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Il résulte de l'instruction que l'ADIFE et M. C...sollicitent l'engagement de la responsabilité de La Poste au titre de la période écoulée depuis l'entrée en vigueur du décret susvisé du 14 décembre 2009. Par conséquent, la prescription quinquennale n'était pas acquise, le 30 octobre 2004, date à laquelle la demande préalable d'indemnisation adressée par les requérants a été reçue par La Poste.

Sur la responsabilité de La Poste :

En ce qui concerne la méconnaissance par la Poste des articles 19 et 26 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 :

9. En premier lieu, il ressort des termes de l'article 19 de la loi susvisée du

11 janvier 1984 que : " Les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours organisés suivant l'une au moins des modalités ci-après : 1° Des concours ouverts aux candidats justifiant de certains diplômes ou de l'accomplissement de certaines études. Lorsqu'une condition de diplôme est requise, les candidats disposant d'une expérience professionnelle conduisant à une qualification équivalente à celle sanctionnée par le diplôme requis peuvent, lorsque la nature des fonctions le justifie, être admis à se présenter à ces concours. Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des diplômes requis ; 2° Des concours réservés aux fonctionnaires de l'Etat, aux militaires et, dans les conditions prévues par les statuts particuliers, aux agents de l'Etat, aux agents permanents de droit public relevant de l'Etat ou des circonscriptions territoriales exerçant leurs fonctions sur le territoire des îles Wallis et Futuna, aux magistrats et aux fonctionnaires et agents des collectivités territoriales et des établissements publics ainsi qu'aux agents permanents de droit public relevant du Territoire exerçant leurs fonctions sur le territoire des îles Wallis et Futuna, en activité, en détachement, en congé parental ou accomplissant le service national, ainsi qu'aux candidats en fonction dans une organisation internationale intergouvernementale. Les candidats à ces concours devront avoir accompli une certaine durée de services publics et, le cas échéant, reçu une certaine formation. Pour l'application de cette disposition, les services accomplis au sein des organisations internationales intergouvernementales sont assimilés à des services publics. Ces concours sont également ouverts aux candidats qui justifient d'une durée de services accomplis dans une administration, un organisme ou un établissement d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France dont les missions sont comparables à celles des administrations et des établissements publics dans lesquels les fonctionnaires civils mentionnés à l'article 2 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 précitée exercent leurs fonctions, et qui ont, le cas échéant, reçu dans l'un de ces Etats une formation équivalente à celle requise par les statuts particuliers pour l'accès aux corps considérés ; 3° Des concours ouverts, dans les conditions prévues par les statuts particuliers, aux candidats justifiant de l'exercice, pendant une durée déterminée, d'une ou de plusieurs activités professionnelles, quelle qu'en soit la nature, d'un ou de plusieurs mandats de membre d'une assemblée élue d'une collectivité territoriale ou d'une ou de plusieurs activités en qualité de responsable, y compris bénévole, d'une association. La durée de ces activités ou mandats ne peut être prise en compte que si les intéressés n'avaient pas, lorsqu'ils les exerçaient, la qualité de fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d'agent public. Toutefois, cette règle ne fait pas obstacle à ce que les activités syndicales des candidats soumis à l'article 23 bis de la loi

n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires soient prises en compte pour l'accès à ces concours. Les statuts particuliers fixent la durée des activités requises (...). ". Aux termes de l'article 26 de la même loi : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration ou à une organisation internationale intergouvernementale, non seulement par voie de concours selon les modalités définies au troisième alinéa (2°) de l'article 19 ci-dessus, mais aussi par la nomination de fonctionnaires ou de fonctionnaires internationaux suivant l'une des modalités ci-après : 1° Examen professionnel ; 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents. Chaque statut particulier peut prévoir l'application des deux modalités ci-dessus, sous réserve qu'elles bénéficient à des agents placés dans des situations différentes ". Il ressort de ces dispositions que l'organisation d'un concours interne n'est obligatoire que dans l'hypothèse où les statuts particuliers prévoient également un recrutement par voie de concours externe. En l'espèce, il est constant que La Poste n'a organisé aucun concours externe d'entrée dans les corps des agents dits " reclassés ". Ce faisant, elle n'a pas commis d'illégalité fautive, au regard des articles précités 19 et 26 de la loi du 11 janvier 1984, en privilégiant la promotion interne par listes d'aptitude pour les corps des agents dits " reclassés ".

En ce qui concerne l'établissement et l'examen des listes d'aptitude et la publication des cessions de concours :

10. En deuxième lieu, il ressort de la décision n° 350-23 du 16 décembre 2009 portant établissement des listes d'aptitude pour l'accès aux corps de reclassement que : " Les commissions administratives paritaires se réuniront pour examiner, au niveau national, les listes concernant chaque grade d'accueil (...) ". Par conséquent, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en l'absence d'instance nationale examinant les candidatures, La Poste aurait porté atteinte au principe d'égalité entre fonctionnaires, et ainsi commis une illégalité fautive.

11. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la commission administrative paritaire nationale a été régulièrement consultée pour avis, sur les listes d'aptitude établies au titre des années 2009 à 2013. Par suite, La Poste n'a commis aucune illégalité fautive à ce titre.

12. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que l'établissement des listes d'aptitude donne lieu à l'édition d'une note annuelle de service, laquelle fait l'objet d'une publication nationale dans le bulletin des ressources humaines et sur le site intranet de La Poste. Ce faisant, il ne saurait être reproché à La Poste de n'avoir pas permis aux agents d'accéder aux informations relatives aux modalités de promotion interne.

13. En cinquième lieu, en l'absence d'organisation de concours interne, La Poste n'avait pas à publier leurs décisions d'ouverture.

En ce qui concerne la légalité du décret susvisé du 14 décembre 2009 :

14. En sixième lieu, La Poste n'étant pas l'auteur du décret susvisé du 14 décembre 2009, sa responsabilité ne saurait, en tout état de cause, être engagée pour n'avoir pas annexé à ce décret les corps de chefs d'établissement et de receveurs ruraux.

En ce qui concerne l'illégalité de la décision n° 350-23 du 16 décembre 2009 de La Poste prise en application du décret susvisé du 14 décembre 2009 :

15. En septième lieu, La Poste n'étant pas l'auteur du décret susvisé

du 14 décembre 2009, les vices entachant sa procédure d'élaboration ne saurait, en tout état de cause, engager sa responsabilité.

16. En huitième lieu, il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que le décret du 14 décembre 2009 aurait du, à l'instar de France Télécom, fixer des dispositions contraignant le président de La Poste, à rendre compte annuellement à son ministre de tutelle des mesures prises pour assurer la promotion interne des agents " reclassés ".

17. En neuvième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'habilitait l'autorité investie du pouvoir réglementaire à prendre, en l'espèce, des mesures à caractère rétroactif. Par ailleurs, ni le principe d'égalité, ni les exigences résultant du droit de l'Union ou des stipulations de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pourtant invoquées par les appelants, n'imposaient à cette même autorité de conférer un caractère rétroactif au décret invoqué. Enfin, dans la mesure où il n'existe aucun droit à la promotion automatique des agents candidats, les agents reclassés ne disposaient d'aucune espérance légitime à se prévaloir d'une promotion qui aurait pu accroitre leur créance à l'égard de La Poste. Ce faisant, l'absence de rétroactivité du décret du 14 décembre 2009 ne méconnaît ni les stipulations de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme, ni celles issues l'article 1er de son premier protocole additionnel relatif à la protection de la propriété privée. Dans ces conditions, le décret susvisé du 14 décembre 2009 n'étant pas illégal, la décision n°350-23 du 16 décembre 2009 prise sur son fondement ne l'est pas davantage.

En ce qui concerne l'atteinte au principe d'égalité et l'existence d'une discrimination :

18. En dixième lieu, les agents dits " reclassifiés " et les agents dits " reclassés " n'étant pas placés dans une situation identique, La Poste, alors qu'il n'existait aucune obligation en ce sens, n'a pas porté atteinte au principe d'égalité, ni ne s'est rendue coupable de discrimination fautive au profit des agents dits " reclassifiés " en ne promouvant pas suffisamment d'agents dits " reclassés " après 2009, afin de remédier au retard pris entre 1993 et 2009.

En ce qui concerne l'absence de promotions internes :

19. En onzième lieu, les corps de surveillants et de surveillants en chefs des postes et télécommunications ayant été supprimés en 2007, il ne saurait être reproché à La Poste de n'avoir organisé pour ces corps aucune voie de promotion interne à compter du mois de décembre 2009.

20. En douzième et dernier lieu, en revanche, La Poste ne conteste pas n'avoir assuré aucune promotion interne, depuis 2009, que ce soit par la voie du concours interne ou de la liste d'aptitude pour les corps d'agents d'exploitation du service de la distribution et de l'acheminement, de receveurs, de receveurs ruraux, d'aides techniciens des installations de La Poste et de contremaîtres. Ce faisant, elle a à ce titre commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité.

Sur l'évaluation des préjudices :

21. En premier lieu, dans la mesure où l'ADIFE a pour objet d'agir collectivement afin, notamment, de rétablir les agents reclassés dans leurs prérogatives de fonctionnaires de l'Etat, le fait que La Poste n'ait mis en place, depuis 2009, aucune promotion interne pour les corps d'agents d'exploitation du service de la distribution et de l'acheminement, de receveurs, de receveurs ruraux, d'aides techniciens des installations de La Poste et de contremaîtres, lui a nécessairement causé un préjudice moral. Ce préjudice moral sera, dans les circonstances de l'espèce, évalué à 2 000 euros.

22. En second lieu, M. C...n'appartenant à aucun des corps ayant été privé de promotion interne depuis 2009, il ne saurait se prévaloir d'un quelconque préjudice moral résultant de la faute commise par La Poste, alors au surplus qu'il a lui-même été promu en 2013 par liste d'aptitude au grade de contrôleur divisionnaire.

Sur les frais de justice :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ADIFE et de M. C...qui ne sont pas, dans la présente instance les parties perdantes, la somme que la Poste demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a, en revanche, lieu de mettre à la charge de La Poste une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1502854/5-2 du 13 juillet 2016 est annulé.

Article 2 : La société La Poste est condamnée à verser à l'ADIFE une somme de

2 000 euros au titre de son préjudice, plus une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties devant la Cour et devant le Tribunal administratif de Paris est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ADIFE PetT, à M. B...C...et à La Poste. Copie en sera adressée au ministre de l'économie.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique le 27 juin 2018.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEU

Le président,

B. EVEN Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

N° 16PA02906....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02906,16PA02919
Date de la décision : 27/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Effets des annulations - Reconstitution de carrière.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : HORUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-27;16pa02906.16pa02919 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award