La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2018 | FRANCE | N°17PA02717

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 22 juin 2018, 17PA02717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société des mobiliers urbains pour la publicité et l'information (SOMUPI) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres de recettes n° 814050 du 22 février 2016, n° 814051 et n° 814052 du 2 mars 2016 et n° 814053 du 31 mai 2016 émis par le maire de Paris au titre des pénalités contractuelles pour vélos indisponibles qui lui ont été infligées respectivement au titre des années 2014, 2012, 2013 et 2015.

Par un jugement n° 1606381, 1607017, 1607019 et 1612222 du 2 juin 2

017, le tribunal administratif de Paris a annulé ces titres de recettes.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société des mobiliers urbains pour la publicité et l'information (SOMUPI) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres de recettes n° 814050 du 22 février 2016, n° 814051 et n° 814052 du 2 mars 2016 et n° 814053 du 31 mai 2016 émis par le maire de Paris au titre des pénalités contractuelles pour vélos indisponibles qui lui ont été infligées respectivement au titre des années 2014, 2012, 2013 et 2015.

Par un jugement n° 1606381, 1607017, 1607019 et 1612222 du 2 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé ces titres de recettes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 août 2017 et 4 juin 2018, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la SOMUPI ;

3°) de mettre à la charge de la SOMUPI le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La ville de Paris soutient que :

- le jugement attaqué, qui a méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, est entaché d'irrégularité ;

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé les titres de recettes contestés au motif que ces derniers n'avaient pas indiqué les bases et les éléments de calcul sur lesquels ils étaient fondés ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la pénalité pour " vélos indisponibles ", instituée par l'article VIII.3.3.4 du cahier des clauses administratives particulières, n'était due, au titre d'une année, que si la moyenne journalière annuelle des vélos disponibles était inférieure à 15 450 vélos ;

- les parties ont modifié, dans l'avenant n° 2, les conditions d'application des pénalités car le nombre de vélos était évolutif et les parties se sont clairement engagées sur le maintien d'une disponibilité de vélos pour assurer un service optimal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2018, la SOMUPI, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la ville de Paris le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SOMUPI soutient que les moyens invoqués par la ville de Paris ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boissy,

- les conclusions de MmeA...,

- les observations de Me Froger, avocat de la Ville de Paris,

- et les observations de Me Thiriez, avocat de la société SOMUPI ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 février 2007, la ville de Paris a conclu avec la société SOMUPI un marché portant sur la mise en place d'un service de location de vélos en libre service et de mobilier urbain à usage d'information et de publicité. Les parties ont ensuite conclu, le 18 juillet 2008, un avenant n° 1 relatif à l'extension de ce service dans des communes proches de Paris puis, le 4 décembre 2009, un avenant n° 2 qui avait notamment pour objet de lutter contre le vol et le vandalisme et d'améliorer le service et la fréquentation. En 2016, la ville de Paris a estimé que la SOMUPI n'avait pas respecté ses engagements contractuels concernant la disponibilité des vélos et lui a infligé des pénalités, sur le fondement de l'article VIII.3.3.4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), au titre des années 2012, 2013, 2014 et 2015, respectivement pour des montants de 1 177 876,50 euros, 1 975 459,65 euros, 1 353 952,50 euros et 2 620 064,55 euros. Afin d'assurer le recouvrement de ces pénalités, le maire de Paris a émis quatre titres exécutoires les 22 février, 2 mars, 2 mars et 31 mai 2016. Par un jugement du 2 juin 2017, dont la ville de Paris relève appel, le tribunal administratif de Paris a annulé ces titres exécutoires.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. L'article R. 741-2 du code de justice administrative prévoit notamment que le jugement contient l'analyse des conclusions et des mémoires des parties. Lorsque le mémoire en défense se limite à la réfutation des moyens présentés par le requérant, le tribunal administratif peut, sans entacher son jugement d'irrégularité, se borner à viser ce mémoire et ses conclusions. Il n'est en revanche pas tenu d'analyser chacun des arguments et peut notamment se limiter à indiquer, de manière synthétique, que le défendeur fait valoir qu'aucun des moyens du requérant n'est fondé.

3. En l'espèce, il ressort du dossier de première instance que, dans les mémoires en défense produits pour les quatre affaires que le tribunal administratif de Paris a jointes, la ville de Paris s'est limitée à réfuter les moyens présentés par la SOMUPI sur chaque affaire sans invoquer d'autres moyens de défense. Dès lors, en indiquant que la ville de Paris, dans son mémoire produit dans le dossier n° 1606381, soutenait " qu'aucun des moyens invoqués par la société SOMUPI n'est fondé " et en se bornant, pour les trois autres affaires, à mentionner que la ville de Paris concluait au rejet " par les mêmes moyens que ceux analysés sous le n° 1606381 ", les premiers juges n'ont entaché le jugement attaqué d'aucune irrégularité.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant de la régularité des titres exécutoires litigieux :

4. D'une part, même en l'absence de décompte général définitif, et sauf stipulation contractuelle contraire, une collectivité publique, après épuisement de la procédure de règlement amiable des différends organisée, le cas échéant, par le contrat, peut demander à son cocontractant le paiement d'une créance certaine dans son principe comme dans son montant, telle qu'une pénalité contractuelle, soit en saisissant le juge du contrat à cette fin, soit en émettant un titre exécutoire.

5. Lorsque la collectivité publique choisit de procéder au recouvrement de cette créance par l'émission d'un titre exécutoire, elle est alors soumise aux dispositions spécifiques régissant les titres de recettes qui sont notamment définies dans le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012.

6. D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Tout état exécutoire doit ainsi indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

7. Il résulte de l'instruction que si les titres exécutoires émis les 22 février, 2 mars, 2 mars et 31 mai 2016 précisent, à chaque fois, le montant des créances et leur objet, relatif aux " pénalités pour vélos indisponibles ", ils ne comportent en revanche aucune indication sur les modalités de calcul des créances de la ville de Paris ni aucune référence précise à un document joint à ces titres ou précédemment adressé à la SOMUPI. Ces titres exécutoires ont ainsi méconnu les exigences spécifiques de motivation mentionnées au point 6.

8. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, la ville de Paris ne peut pas utilement faire valoir que la créance trouve son origine dans le contrat. Dès lors, la circonstance que, par un courrier du 19 janvier 2016, qui n'a pas été joint aux titres exécutoires litigieux ni référencé dans ces mêmes titres, la ville de Paris a informé la SOMUPI qu'elle allait mettre en recouvrement des pénalités au titre des années 2012, 2013 et 2014 et en ait explicité le calcul en annexe à ce courrier, pour des montants d'ailleurs différents de ceux finalement mis en recouvrement pour les années 2012 et 2013, reste sans incidence.

S'agissant du bien-fondé des titres exécutoires litigieux :

9. Aux termes de l'article VIII.3.3.4, relatif au " nombre de vélos disponibles ", du CCAP du marché, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 2 du 4 décembre 2009 : " Le titulaire doit assurer en permanence la disponibilité de l'ensemble des vélos qu'il a indiqué dans l'acte d'engagement. / En cas de moyenne journalière annuelle inférieure à 75 % au nombre de vélos disponibles indiqué dans l'acte d'engagement par le titulaire, est appliquée une pénalité de cent cinquante euros (150 €) par vélo manquant et par mois constaté ".

10. L'article 2 de l'acte d'engagement prévoit notamment qu'au cours de la première étape du marché, " le titulaire s'engage (...) sur les volumes (...) de vélos disponibles " et, en particulier, que le nombre total de vélos disponibles, au 31 décembre 2007, est fixé à 20 600 et, qu'à cette date, " en aucun cas, ce nombre ne peut être inférieur à 6 600 ". L'article 3 de ce même acte d'engagement, relatif au " prix de l'étape complémentaire ", stipule que : " L'étape complémentaire est à bons de commande. / Les prix de cette étape sont révisables dans les conditions fixées dans le CCAP. / Les prix appliqués seront ceux du bordereau des prix unitaires ".

11. Enfin, selon l'article II.2.2 du cahier des clauses techniques particulières, auquel renvoie expressément l'acte d'engagement pour sa définition, le terme " vélos disponibles " " correspond au nombre de vélos que la Ville de Paris souhaite a minima en terme de disponibilité immédiate pour les usagers. Ce terme ne comprend ni les vélos en transit ou stockés, ni les vélos hors de service pour l'usager, ni les vélos en réparation en atelier ou sur le terrain. Ce sont donc les vélos soit utilisés par un usager soit stationnés en station et prêts à être immédiatement utilisés. Si aucun vélo n'est emprunté à un instant T, cela signifie par ailleurs que ce volume de vélos est accroché aux bornes d'accrochages et en état d'utilisation ".

12. Il ne résulte d'aucune stipulation contractuelle, et en particulier pas des avenants n° 1 et n° 2, ni d'aucun autre document que les parties au contrat auraient eu la commune intention de majorer, pour l'application de la pénalité prévue par l'article VIII.3.3.4 du CCAP, le nombre de vélos disponibles. Dès lors, en application de la combinaison des stipulations contractuelles, claires, mentionnées aux points 9 à 11, la ville de Paris est seulement susceptible d'infliger à son cocontractant une pénalité " pour vélos indisponibles " d'un montant de 150 euros par vélo manquant et par mois constaté lorsque la moyenne journalière annuelle de vélos disponibles est inférieure à 15 450 (75 % x 20 600).

13. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et en particulier du courrier du 19 janvier 2016 qu'à l'exception du mois de septembre 2014, le nombre moyen mensuel de vélos disponibles n'a jamais été inférieur à 15 450 et qu'au cours des années 2012 à 2015, la moyenne journalière annuelle de vélos disponibles a toujours été supérieure à ce chiffre. C'est donc à tort que la ville de Paris a infligé à la SOMUPI, par les titres exécutoires en litige, des pénalités pour " vélos indisponibles " au titre des années 2012 à 2015.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui vient d'être dit que la ville de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les titres exécutoires litigieux. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SOMUPI, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la ville de Paris au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris le versement, au profit de la SOMUPI, d'une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ville de Paris est rejetée.

Article 2 : La ville de Paris versera à la SOMUPI une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Paris et à la société des mobiliers urbains pour la publicité et l'information.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, gestion publique.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 22 juin 2018.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

M. HEERSLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-Paris, préfet de Paris, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA02717 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02717
Date de la décision : 22/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN-THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-22;17pa02717 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award