Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 18 juin 2015 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a ordonné à M. E... (affaire personnelle commerçant) de verser au Trésor public, d'une part, la somme de 14 700 euros correspondant au montant non remboursé des actions de formation professionnelle en plomberie dont il ne justifiait pas la réalisation entre le 10 juin et le 23 juillet 2014 et, d'autre part, solidairement avec son dirigeant, une somme identique pour présentation intentionnelle de documents comportant des mentions inexactes afin d'obtenir la prise en charge de tout ou partie du prix de prestations de formation professionnelle non réalisées.
Par un jugement n° 1518299/3-3 du 27 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 février 2017, 1er mars 2018 et 3 avril 2018, M. E..., représenté par Me Vernon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1518299/3-3 du 27 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 18 juin 2015 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris ;
3°) de le décharger de l'obligation de verser les sommes mises à sa charge ;
4°) à titre subsidiaire, de réduire le montant des sommes dues et de consentir un échéancier de paiement correspondant à ses capacités contributives ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 13 euros restée à sa charge au titre des droits de plaidoirie, ainsi que la somme de 2 000 euros à verser à son avocat, Me Vernon, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit, dès lors que les motifs retenus pour considérer que les formations n'avaient pas été réalisées, qui portent sur leurs conditions de réalisation, ne pouvaient être légalement invoqués ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation, dès lors, d'une part, que les motifs tirés de l'inexistence juridique de la société, du chevauchement des sessions de formation, de l'inadéquation du local à la formation et de ce que le formateur n'avait pas le statut requis sont inopérants et, d'autre part, que les témoignages recueillis lors du contrôle ont été ultérieurement contredits par leurs auteurs, que le contrôleur n'a pas fait suffisamment diligence pour contacter les bénéficiaires des formations, que l'authenticité des feuilles d'émargement n'a pas été remise en cause et qu'il a produit d'autres pièces concordantes établissant la réalité des formations, alors que l'administration ne produit pas les témoignages sur lesquels elle se fonde, ni la preuve de la réalité de ses démarches auprès des bénéficiaires de la formation ;
- à titre subsidiaire, la Cour appréciera le montant de la somme devant être mise à sa charge eu égard à sa grande précarité financière et aux circonstances qu'une procédure d'éviction de son logement a été engagée et qu'il bénéficie d'une allocation adulte handicapé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 mai 2017 et 28 mars 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeB...,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- et les observations de Me Vernon, avocat de M. E....
Considérant ce qui suit :
1. L'affaire personnelle commerçant Willy E...a fait l'objet d'un contrôle de son activité de dispensateur de formation professionnelle continue sur la période allant d'avril 2014 à janvier 2015 par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France en application de l'article L. 6361-2 du code du travail. Par une décision du 18 juin 2015, prise sur recours administratif préalable formé à l'encontre d'une précédente décision du 23 avril 2015, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a ordonné à M. E..., en tant qu'affaire personnelle commerçant, de verser au Trésor public, d'une part, la somme de 14 700 euros correspondant au montant de trois actions de formation en plomberie dont la réalisation n'était pas justifiée et, d'autre part, solidairement avec son dirigeant, une somme identique pour présentation intentionnelle de documents comportant des mentions inexactes afin d'obtenir la prise en charge, par l'organisme paritaire collecteur agréé Constructys, du prix desdites prestations. Par la présente requête, M. E... demande l'annulation du jugement du 27 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 juin 2015 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, ainsi qu'à la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par cette décision et, subsidiairement, à la réduction du montant des sommes dues et à ce que lui soit consenti un échéancier de paiement correspondant à ses capacités contributives.
2. Aux termes de l'article L. 6361-2 du code du travail : " L'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur : / 1° Les activités en matière de formation professionnelle continue conduites par : / (...) / c) Les organismes de formation et leurs sous-traitants / (...) ". Aux termes de l'article L. 6361-3 du même code : " Le contrôle administratif et financier des dépenses et activités de formation porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en oeuvre pour la formation professionnelle continue. / Ce contrôle peut porter sur tout ou partie de l'activité, des actions de formation ou des dépenses de l'organisme. / Les agents de contrôle peuvent solliciter, en tant que de besoin, l'avis ou l'expertise d'autorités publiques ou professionnelles pour les aider à apprécier les moyens financiers, techniques et pédagogiques mis en oeuvre pour la formation professionnelle continue ". Aux termes de l'article L. 6362-6 du même code : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 présentent tous documents et pièces établissant la réalité de ces actions. / A défaut, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement au cocontractant des sommes perçues conformément à l'article L. 6354-1 ". Aux termes de l'article L. 6354-16 du même code : " En cas d'inexécution totale ou partielle d'une prestation de formation, l'organisme prestataire rembourse au cocontractant les sommes indûment perçues de ce fait ". Enfin, aux termes de l'article L. 6362-7-1 du même code : " En cas de contrôle, les remboursements mentionnés aux articles L. 6362-4 et L. 6362-6 interviennent dans le délai fixé à l'intéressé pour faire valoir ses observations. / A défaut, l'intéressé verse au Trésor public, par décision de l'autorité administrative, une somme équivalente aux remboursements non effectués ".
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 6362-6 du code du travail que la charge de la preuve de la réalité des actions de formation professionnelle continue repose sur les organismes prestataires d'actions de formation.
4. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a considéré que les actions de formation en plomberie, dont deux auraient eu lieu du 10 juin au 9 juillet 2014 et la troisième du 23 juin au 23 juillet 2014, ne pouvaient pas avoir été réalisées, dès lors que ces formations se sont chevauchées sur la période du 23 juin au 9 juillet, impliquant un niveau différent des neuf stagiaires pour une formation au programme unique dispensée par un seul formateur, que le formateur sous-traitant a indiqué au contrôleur ne pas avoir dispensé de formations en 2014, que le gérant de la société Gilelec qui aurait accueilli ces formations a indiqué au contrôleur ne jamais avoir laissé d'autres salariés que les siens pénétrer dans ses locaux et que les locaux en cause sont trop exigus pour accueillir des formations en période d'activité de l'entreprise. La décision contestée a également relevé qu'aucune des sociétés qui auraient bénéficié de ces formations n'a répondu au contrôleur sur la question de savoir quelles formations professionnelles avaient été suivies par leurs salariés en 2014. En revanche, si la décision contestée mentionne que la structure n'avait pas d'existence juridique jusqu'au 7 juillet 2014 et que le formateur n'avait pas le statut requis, elle ne s'est pas fondée sur ces circonstances pour estimer que les actions de formation en cause n'avaient pas été réalisées.
5. Les éléments ainsi retenus par l'administration pour estimer que la réalité des actions de formation en cause n'était pas établie sont relatifs aux moyens mis en oeuvre pour réaliser ces actions, sur lesquels le contrôle doit porter conformément aux dispositions précitées de l'article L. 6361-3 du code du travail. Par suite, contrairement à ce que soutient M. E..., en retenant ces motifs, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit.
6. Pour contester les éléments retenus par l'administration, M. E... produit une attestation, datée du 22 décembre 2014, établie par le gérant de la société Gilelec qui indique avoir mis les locaux de sa société " à la disposition du centre de formation WB, par commodité de manière à recevoir nos formations sur site ainsi que d'autres stagiaires venant d'autres entreprises " sans précision de date. Toutefois, cette attestation n'est pas de nature à contredire les propos tenus par cette même personne au contrôleur s'agissant des formations en litige. En effet, il ressort des pièces du dossier que les salariés de la société Gilelec ont suivi une formation en plomberie du 25 août au 23 septembre 2014 dont la réalité n'a pas été remise en cause par l'administration. L'attestation produite par M. E... ne permet donc nullement d'établir que la société aurait également accueilli dans ses locaux des formations ne concernant pas ses salariés du 10 juin au 23 juillet 2014. M. E... produit par ailleurs une " feuille d'honoraire ", établie le 3 novembre 2014 par M. C..., désigné comme le formateur sous-traitant des formations en litige, pour un montant de 1 500 euros ainsi qu'un chèque à l'ordre de ce dernier d'un montant de 450 euros. Toutefois, ces documents ne précisent pas à quelle formation ils se rattacheraient. Or, les trois formations en litige ont été facturées aux entreprises bénéficiaires pour un montant total de 18 900 euros HT. M. E... produit également un message électronique que lui aurait envoyé M. C... le 16 février 2015, mais adressé au contrôleur, indiquant avoir " dispensé une formation plomberie dans les locaux de l'entreprise Gilelec ". Toutefois, ainsi que le relève d'ailleurs la décision contestée, la circonstance que M. C... ait envoyé ce message à M. E... et non directement au contrôleur (auquel il avait pourtant adressé un message électronique quatre jours plus tôt, indiquant n'avoir dispensé aucune formation) atténue la valeur probante de ce document. En outre, la date de la formation n'est pas précisée dans ce message. Or, ainsi qu'il a été dit, la réalité d'une formation en plomberie dans les locaux de la société Gilelec du 25 août au 23 septembre 2014 n'a pas été remise en cause par l'administration. M. E... produit enfin un courrier daté du 11 juin 2014, adressé à une société qui aurait été l'une des bénéficiaires des formations en litige, indiquant que la formation se déroulerait dans les locaux de l'entreprise Gilelec. Toutefois, M. E... n'apporte pas la preuve de l'envoi de ce courrier. Ainsi, les pièces produites par le requérant ne permettent pas de remettre en cause les éléments retenus par l'administration. En outre, M. E... ne conteste pas que les locaux de la société Gilelec, de par leur exigüité, ne permettaient pas d'accueillir les stagiaires et le formateur en sus des salariés de l'entreprise, laquelle était en activité au cours de la période en litige. Enfin, M. E..., qui reproche au contrôleur de n'avoir pas fait suffisamment diligence pour contacter les sociétés bénéficiaires des formations en litige, ne produit aucune attestation desdites sociétés.
7. Par suite, les éléments retenus par l'administration, rappelés au point 4 ci-dessus, doivent être regardés comme exacts. Or, ils sont de nature à établir que les trois actions de formation en litige n'ont pas été réalisées et, par voie de conséquence, à ôter tout caractère probant aux feuilles d'émargement, conventions de formation professionnelle continue, factures et demandes de financement des sociétés bénéficiaires produites par le requérant. M. E... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'erreur de fait ou d'appréciation en ce qu'elle a considéré que la réalité de trois actions de formation n'était pas établie et que des documents comportant des mentions inexactes avaient été intentionnellement présentés à l'organisme paritaire collecteur agréé Constructys afin d'obtenir la prise en charge du prix de ces prestations non réalisées.
8. Les conclusions de M. E... tendant à l'annulation de la décision du 18 juin 2015 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, doivent donc être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par cette décision. Enfin, ses conclusions subsidiaires, tendant à la réduction du montant des sommes dues et à ce qu'il soit consenti un échéancier de paiement correspondant à ses capacités contributives doivent être rejetées, dès lors qu'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de réduire ou de moduler le montant des versements pour tenir compte de la situation personnelle difficile de M.E....
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions et celles de son avocat présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E...et à la ministre du travail.
Copie en sera adressée au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- MmeD..., première conseillère,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 21 juin 2018.
La rapporteure,
A. B...Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00665