Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société IPRAD Group a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2011 à 2013, et d'en ordonner la restitution.
Par un jugement n° 1615835/1-2 du 19 septembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 octobre 2017 et 5 mars 2018, la société IPRAD Group, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 septembre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et leur remboursement, assorti d'intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- une prime de non conversion n'a pas la nature d'un intérêt et n'entre donc pas dans la définition des sommes visées par la limitation de taux prévue à l'article 39-1, 3° du code général des impôts ;
- l'article 39-1, 1° ter du même code n'est pas applicable aux emprunts convertibles ;
- les primes de non conversion sont déductibles sans limites.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société IPRAD Group ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
1. Considérant que la société IPRAD Group, qui exerce une activité de holding et se trouve à la tête d'un groupe fiscalement intégré au sens des dispositions des articles 223 A et suivants du code général des impôts, a procédé, à la date du 1er juillet 2011, à l'émission d'un emprunt obligataire d'un montant de 19 188 359 euros par l'émission de 19 188 359 obligations convertibles en actions, souscrites pour partie par deux de ses associées minoritaires ; qu'à l'échéance de cet emprunt d'une durée de sept ans lesdites obligations qui n'auraient pas fait l'objet d'une conversion en actions nouvelles devaient faire l'objet d'un remboursement au nominal, du versement d'intérêts à un taux de 4 % ainsi que d'une prime de non conversion au taux annuel de 8 % ; que ladite prime a été comptabilisée dès l'émission de l'emprunt, portée à l'actif du bilan et amortie sur la durée de l'emprunt ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité l'administration a réintégré aux résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de la société IPRAD au titre des exercices clos de 2011 à 2013 la fraction des intérêts et de l'amortissement en cause, relative aux deux associées concernées, excédant les limites instituées au 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ; que la société IPRAD Group relève appel du jugement du 19 septembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquels elle a été assujettie en conséquence au titre des exercices clos de 2011 à 2013 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) : / (...) 1° ter Pour les emprunts contractés à compter du 1er janvier 1993, la fraction, courue au cours de l'exercice, de la rémunération égale à la différence entre les sommes ou valeurs à verser, autres que les intérêts, et celles reçues à l'émission, lorsque cette rémunération excède 10 % des sommes initialement mises à la disposition de l'emprunteur. / Cette fraction courue est déterminée de manière actuarielle, selon la méthode des intérêts composés. / Pour les emprunts dont le montant à rembourser est indexé, ces dispositions s'appliquent à la fraction de la rémunération qui est certaine dans son principe et son montant dès l'origine, si cette fraction excède 10% des sommes initialement mises à la disposition de l'emprunteur. Elles ne sont pas applicables aux emprunts convertibles et à ceux dont le remboursement est à la seule initiative de l'emprunteur. / (...) / 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans. / Cette déduction est subordonnée à la condition que le capital ait été entièrement libéré. / (...)/ La rémunération mentionnée au 1° ter est retenue pour l'appréciation de la limitation prévue au premier alinéa " ;
3. Considérant que la limitation prévue par les dispositions précitées du premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts s'applique aux intérêts servis aux associés ainsi qu'à la rémunération mentionnée au 1° ter du 1 du même article ; que le régime particulier de déduction prévu par ce dernier texte n'est pas applicable, en vertu des dispositions du
3ème alinéa dudit 1° ter, aux emprunts convertibles ; qu'en effet, ces dernières dispositions ne sauraient être regardées, contrairement à ce que soutient le ministre, comme ayant pour seul objet ou pour seul effet de faire obstacle à la déductibilité des primes de non conversion versées aux souscripteurs d'un emprunt convertible, le contribuable ayant notamment la faculté de comptabiliser ces primes pour leur totalité dès l'émission de l'emprunt et de les étaler sur la durée de celui-ci, dans le but de répartir de manière régulière la charge globale de l'opération ; que d'ailleurs, la dotation aux amortissements procédant de l'étalement d'une dette conditionnée à la décision de ne pas convertir l'emprunt ne saurait être regardée comme un élément de rémunération des souscripteurs tant que la décision de non-conversion n'est pas intervenue ; qu'il suit de là que le service ne pouvait retenir les primes de non conversion en cause pour l'appréciation de la limitation prévue au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante est, dans cette seule mesure, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'en l'absence de litige né et actuel, ses conclusions tendant à la restitution des sommes versées au Trésor, majorées des intérêts moratoires, sont prématurées et ne peuvent en conséquence qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Les dotations aux amortissements constituées à raison des primes de non conversion des emprunts souscrits par les associées de la société IPRAD Group sont au titre des exercices clos de 2011 à 2013 exclues du mécanisme de limitation des sommes déductibles défini au 3° du 1. de l'article 39 du code général des impôts.
Article 2 : La société IPRAD Group est déchargée de la différence entre les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2011 à 2013 et les montants qui résultent de l'aménagement des bases prononcé à l'article précédent.
Article 3 : Le jugement n° 1615835/1-2 du 19 septembre 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la société IPRAD Group la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société IPRAD Group et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal
d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Appèche, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 20 juin 2018.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
S. APPECHE
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03248