Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société I Solutions a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés afférentes aux exercices clos en 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er juillet 2010 au 31 janvier 2013 auxquels elle a été assujettie.
Par un jugement n° 1514948/2-1 du 19 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 février 2017, la société I Solutions, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1514948/2-1 du 19 décembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés afférentes aux exercices clos en 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er juillet 2010 au 31 janvier 2013 auxquels elle a été assujettie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que c'est à tort que l'administration a refusé de proroger le délai de trente jours qui lui était imparti pour présenter ses observations en réponse à la proposition de rectification et n'a pas tenu compte des observations formulées dans son courrier du 27 juin 2014 ; en outre, le délai de trente jours ne lui était pas opposable, d'une part en raison de la situation de force majeure dans laquelle elle se trouvait du fait de la non restitution de ses documents comptables par son cabinet d'expertise comptable, qu'elle a du assigner en justice, et d'autre part, en application de l'instruction BOI-CF-IOR-10-50 ; l'administration a ainsi méconnu l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, la Charte du contribuable et la Charte du contribuable vérifié ; la procédure d'imposition est ainsi entachée d'une irrégularité substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- le vérificateur a manqué à son obligation de loyauté et méconnu les droits de la défense en ne l'informant pas précisément des modalités et des délais lui permettant de contester les impositions en litige ;
- la proposition de rectification, en ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré, est insuffisamment motivée ;
- la méthode utilisée pour la reconstitution de recettes est radicalement viciée ;
- la reconstitution de recettes aboutit à une exagération des résultats reconstitués ;
- l'application de la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société I Solutions ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée
au 29 décembre 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de Me A...représentant la société I Solutions.
1. Considérant que la société I Solutions, qui exerce une activité d'intermédiaire immobilier, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du
1er juillet 2010 au 30 juin 2012 en matière d'impôt sur les sociétés, période étendue jusqu'au
31 janvier 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'issue de cette vérification, elle a été assujettie consécutivement à une proposition de rectification du 7 mai 2014 à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi qu'à des pénalités ; que la société I Solutions a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions ; qu'elle relève appel du jugement n° 1514948/2-1 du 19 décembre 2016 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales :
" La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : (...) / 4° Dans les cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition " ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que la société I Solutions a présenté le 2 juin 2014 une demande de prorogation du délai de réponse à la proposition de rectification du 7 mai 2014, reçue le 13 mai 2014 ; que l'administration lui a répondu par courrier du 13 juin 2014 ; qu'il ressort des termes de ce courrier qu'après avoir rappelé que la prorogation de trente jours ne concerne que les réponses aux rectifications effectuées dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, le service a indiqué à la société qu'elle ne pouvait donc pas bénéficier de la prorogation de délai pour les rehaussements d'impôt sur les sociétés notifiés au titre des exercices clos en 2011 et 2012 selon la procédure de taxation d'office ; que, d'une part, il ne résulte pas des termes de ce courrier que le service a entendu rejeter la demande de prorogation du délai de réponse s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, notifiés selon la procédure contradictoire ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait à l'administration de lui notifier expressément son accord pour la prolongation du délai concernant ces rappels ; que, d'autre part, dès lors que la société ne pouvait utilement se prévaloir de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales s'agissant des cotisations d'impôt sur les sociétés établies selon la procédure de taxation d'office, l'administration n'a pas entaché la procédure d'imposition d'irrégularité en refusant d'accorder à la société requérante un délai supplémentaire en vue de contester ces impositions ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la société I Solutions a présenté le 2 juin 2014 une demande de prorogation du délai de réponse à la proposition de rectification du
7 mai 2014 et qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l'administration, dans son courrier du 13 juin 2014, n'a pas rejeté la demande de prorogation du délai de réponse s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés selon la procédure contradictoire ; que la société requérante a adressé à l'administration fiscale un courrier du 27 juin 2014 dans lequel elle réitérait sa demande de délai supplémentaire afin de communiquer au service " tous les documents nécessaires au bon calcul du redressement escompté " ; que ce courrier du
27 juin 2014, qui se bornait à formuler une demande de prorogation de délai de réponse, ne peut être regardé comme des observations du contribuable au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, alors même que la société mentionnait de manière allusive que " d'après les premiers calculs, l'imposition serait sans commune mesure et bien inférieure au montant du redressement actuel " ; que l'administration a d'ailleurs répondu le 16 juillet 2014 à ce courrier en refusant le délai supplémentaire sollicité ;
5. Considérant, en troisième lieu, que, la proposition de rectification du 7 mai 2014 mentionne qu'" en cas d'application de la procédure de redressement contradictoire, vous pouvez demander (...) une prorogation de trente jours " et précise que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont notifiés selon la procédure contradictoire, alors que les cotisations d'impôt sur les sociétés sont notifiées selon la procédure de taxation d'office ; que, par suite, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, cette proposition de rectification ne comporte pas d'ambiguïté quant aux modalités et aux délais dont disposait la société requérante en vue de contester ces rappels ; qu'il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration a manqué à son devoir de loyauté et méconnu les droits de la défense ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance de la " charte des droits et obligations du contribuable vérifié ", de la " charte du contribuable " et de l'instruction BOI-CF-IOR-10-50 publiée le 4 février 2015 doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 6 et 7 du jugement attaqué ;
7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense (...) " ; que si la société requérante se prévaut de ces dispositions, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 ci-dessus qu'aucune irrégularité de la procédure d'imposition de nature à entrainer la décharge en droits et pénalités des impositions contestées n'a été commise par l'administration ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
8. Considérant que les moyens tirés de ce que la méthode de reconstitution serait radicalement viciée et de l'exagération du résultat imposable doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 8 et 9 du jugement attaqué ;
Sur les pénalités :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable " ; qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
10. Considérant, en premier lieu, que la proposition de rectification du 7 mai 2014 vise l'article 1729 du code général des impôts et précise que la majoration de 40 % prévue par ces dispositions a pour base les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ainsi qu'au titre de la période du allant 1er juillet 2012 au 31 janvier 2013 ; que la proposition de rectification mentionne que la société a fait l'objet d'une précédente vérification de comptabilité en 2011 et ne pouvait dès lors ignorer les règles applicables en matière de fiscalité et de comptabilité ; qu'elle expose en outre que la société n'a présenté qu'une comptabilité partielle au titre de l'exercice clos en 2011 et aucun élément comptable au titre de l'exercice clos en 2012 et de la période du 1er juillet 2012 au
31 janvier 2013 ; qu'elle relève enfin que la société, qui n'a versé qu'une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable au cours de la période vérifiée, a agi en connaissance de cause et a commis de façon délibérée les manquements constatés ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification du 7 mai 2014, qui comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de faire application de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts, est insuffisamment motivée ;
11. Considérant, en second lieu, que l'administration a relevé que la société I Solutions avait omis, dans les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a déposées au cours des exercices clos en 2011 et 2012, de déclarer une part importante de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable ; que, s'agissant de la période du 1er juillet 2012 au 31 janvier 2013, les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée déposées par la société requérante ne faisaient mention d'aucune opération taxable, alors que la société a réalisé au cours de cette même période des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration rappelle que la société, qui avait fait l'objet d'un précédent contrôle portant sur la période du 1er juillet 2008 au
30 juin 2010 ayant révélé des manquements similaires, ne pouvait ignorer qu'elle était tenue de déclarer et de s'acquitter de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les opérations soumises à cette taxe, et qu'elle a ainsi délibérément cherché à éluder l'impôt ; que l'administration doit par suite être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du manquement délibéré justifiant l'application de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société I Solutions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'annulation du jugement et de décharge ne peuvent qu'être rejetées ; que par voie de conséquence, il en va de même de ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société I Solutions est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société I solutions et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal
d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Appèche, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 20 juin 2018.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
S. APPECHE
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00666