Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite, née le 28 juin 2016, par laquelle le consul de France à Abidjan a refusé de lui accorder un rendez-vous en vue de l'obtention d'un passeport biométrique et d'enjoindre au consul de France à Abidjan de lui délivrer un passeport biométrique.
Par un jugement n° 1613416/6-2 du 11 juillet 2017 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 août 2017, M.A..., représenté par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1613416/6-2 du 11 juillet 2017 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision implicite née le 28 juin 2016, par laquelle le consul de France à Abidjan a refusé de lui accorder un rendez-vous en vue de l'obtention d'un passeport biométrique ;
3°) d'enjoindre au ministère de l'Europe et des affaires étrangères de lui délivrer un passeport biométrique ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit, et porte atteinte à son droit d'aller et de venir garanti par l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2017, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de M. A...ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au
28 février 2018 à 12 heures.
Par un mémoire récapitulatif enregistré le 19 mai 2018, M.A..., représenté par
MeE..., conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Legeai ;
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., qui est né le 8 août 1995 en Côte d'Ivoire, allègue avoir fait l'objet d'une reconnaissance de paternité le 29 juillet 2005 par M. C...A..., de nationalité française ; qu'il a sollicité le 26 avril 2016 un rendez-vous au consulat de France à Abidjan afin de se faire établir un passeport biométrique, sur le fondement d'un certificat de nationalité française, qui lui a été délivré le 22 décembre 2011 par le greffier en chef du service de la nationalité des français établis hors de France du ministère de la justice en application de l'article 18 du code civil ; que le requérant a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du consul de France à Abidjan refusant de lui accorder un rendez-vous en vue de l'obtention d'un passeport biométrique ; que cette demande a été rejetée par un jugement du
11 juillet 2017 dont M.A... relève appel devant la Cour ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 2° Infligent une sanction (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués " ; que si la décision attaquée doit être motivée en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, il résulte des dispositions de l'article L. 232-4 du même code qu'une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas entachée d'illégalité du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation ; qu'une telle décision ne peut être regardée comme illégale qu'en l'absence de communication de ses motifs dans le délai d'un mois par l'autorité saisie ;
3. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué, que M. A...a sollicité la communication des motifs de la décision implicite par laquelle le consul de France à Abidjan n'a pas fait droit à sa demande de rendez-vous ; que, par suite, le moyen de M. A...tiré de ce que la décision serait illégale du fait de son absence de motivation, doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions du dernier alinéa de l'article 1er du décret du 30 décembre 2005 relatif aux passeports que le requérant doit fournir à l'appui de sa demande les documents de nature à certifier " l'identité de leur titulaire " ; qu'aux termes de l'article 4 du décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports :
" Le passeport est délivré, sans condition d'âge, à tout Français qui en fait la demande (...) " ; qu'aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français " ; qu'aux termes de l'article 30 du même code : " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. / Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants " ; qu'aux termes de l'article 47 du même code : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que pour l'application de l'ensemble de ces dispositions il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de passeport sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur ; que seul un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance de passeport ;
5. Considérant que M. A...fait valoir que le refus de lui délivrer un passeport français est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit, et qu'il porte atteinte à son droit d'aller et de venir garanti par l'article 66 de la Constitution ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que des doutes sérieux affectent tant l'authenticité de l'acte de naissance produit par le requérant, qui n'est pas conforme à l'article 47 du code civil en ce qu'il n'a pas été rédigé dans les formes usitées en Côte d'Ivoire, que sa reconnaissance de paternité par M. B...A...intervenue dix ans après la naissance de l'intéressé et dont le requérant tirerait le bénéfice de la nationalité française, alors même que M. A...a déclaré n'être pas le père du requérant et que sa présence sur le territoire ivoirien à la date de la conception du requérant n'est pas établie ; que, dans ces conditions, un signalement a été effectué le 30 septembre 2015 par le consulat général de France à Abidjan au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, qui ne sont pas davantage utilement contestés par M. A...en appel qu'en première instance, le consul général de France à Abidjan a pu considérer qu'il existe un doute suffisant sur la nationalité de l'intéressé et différer la délivrance d'un passeport français à l'intéressé dans l'attente de l'issue de cette procédure judiciaire ; que, dès lors, la décision querellée, qui n'est entachée ni d'une erreur de fait, ni d'une erreur de droit ;
7. Considérant, par ailleurs, que la liberté d'aller et de venir qui a valeur constitutionnelle en vertu, non de l'article 66 de la Constitution, mais des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1798 à laquelle son préambule renvoie, n'est pas applicable, en tant qu'il comporte le droit d'entrer librement sur le territoire français, aux personnes qui n'ont pas la nationalité française, dès lors qu'aucun principe non plus, qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur ce territoire, et que les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques ; qu'il s'ensuit que, faute pour M. A... de démontrer qu'il possède la nationalité française, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait porté une atteinte illégale à sa liberté fondamentale d'aller et de venir est inopérant et doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est fondé à demander l'annulation, ni du jugement n° 1613416/6-2 du 11 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, ni de la décision du consul de France à Abidjan refusant de lui accorder un rendez-vous en vue de l'obtention d'un passeport biométrique ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...A...et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3
(1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- M. Legeai, premier conseiller,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2018.
Le rapporteur,
A. LEGEAI Le président,
S. DIÉMERT Le greffier,
M.D...
La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
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N° 17PA02936