Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer, à titre principal, la décharge totale de la somme de 23 585 euros présentée comme un trop perçu de rémunération par l'Etat, et à titre subsidiaire, de juger que cette somme doit être compensée avec l'indemnité d'éloignement et le complément forfaitaire de l'indemnité pour charge militaire qui ne lui ont jamais été versés, d'enjoindre à l'Etat de procéder au calcul de ces deux indemnités et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 600 000 francs CFP au titre des frais de justice.
Par un jugement n° 1500040 du 25 février 2016, le Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 mai 2016, M.D..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie n° 1500040 du 25 février 2016 ;
2°) de prononcer, à titre principal, la décharge totale de la somme de 23 585 euros présentée comme un trop perçu de rémunération par l'Etat ;
3°) à titre subsidiaire, de juger que cette somme doit être compensée avec l'indemnité d'éloignement et le complément forfaitaire de l'indemnité pour charge militaire qui ne lui ont jamais été versés, et d'enjoindre à l'Etat de procéder au calcul de ces deux indemnités ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 600 000 francs CFP au titre des frais de justice.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a commis une double irrégularité en jugeant ses conclusions irrecevables ;
- il justifie avoir présenté un recours administratif préalable auprès du SESU, service émetteur du trop-perçu, qui a statué par une décision du 23 décembre 2014, laquelle mentionne la possibilité d'exercer un recours contentieux ;
- l'autorité administrative saisie d'un recours qui relève de la compétence d'une autre autorité est tenue de le rediriger ;
- il a saisi la commission de recours des militaires en cours d'instance, ce qui a eu pour effet de régulariser une éventuelle irrecevabilité ;
- il ne disposait pas de la décision de trop-perçu lorsqu'il a reçu le titre de recettes
du 10 mars 2014 ;
- le fait qu'il ait versé une partie du montant de ce titre n'avait pour objet que de démontrer sa bonne foi ;
- il a effectué les contestations appropriées contre ce titre ;
- l'administration n'établit pas lui avoir notifié la décision de trop perçu du
18 décembre 2013 dès lors que l'avis de non distribution ne mentionne pas le motif, ni l'indication du lieu où le pli était en instance ;
- le trop-perçu n'est pas fondé,
- il démontre avoir été affecté à deux reprises en Nouvelle-Calédonie, en dernier lieu à compter de 2005, à la date de ses demandes, et y avoir effectué ses congés ;
- la décision du 5 août 2008 précise expressément qu'à l'issue du congé de fin de campagne, il a été placé sur sa demande en congé de reconversion sur le territoire de la
Nouvelle-Calédonie, du 1er octobre 2008 au 31 mars 2009, puis en congé du personnel navigant (CPN) pour une durée d'un an à compter du 1er avril 2009 ;
- l'Etat ne peut contester son droit à bénéficier du bénéfice de l'indexation allouée aux agents de l'Etat durant son CPN effectué en Nouvelle-Calédonie ;
- l'action en répétition engagée par l'Etat était prescrite à la date d'émission du titre de perception ;
- la procédure de recouvrement est irrégulière dans la mesure où la décision du
18 novembre 2013 ne lui a été notifiée qu'en novembre 2014, et ne contenait aucune indication sur les voies et délais de recours ;
- à titre subsidiaire, si l'on considère qu'il doit être regardé comme étant en métropole pendant la durée de son CPN, le montant de l'indu doit être diminué de l'indemnité d'éloignement et de la prime dite " rideaux " correspondant au complément forfaitaire de l'indemnité pour charge militaire.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la
Nouvelle-Calédonie ;
- la loi n° 2000-321, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1978 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable ;
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative, dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour M.D....
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ancien capitaine de l'armée de l'air, officier sous contrat, exerçant la fonction de pilote d'hélicoptère, en poste en Nouvelle-Calédonie, a été placé en congé du personnel navigant du 1er avril 2009 au 31 mars 2010, avant d'être rayé des cadres de l'armée active le
1er avril 2010. Le centre expert des ressources humaines de l'armée de l'air (CERHAA) lui a adressé le 18 décembre 2013 un courrier pour l'informer de l'intention de l'administration de récupérer la somme de 23 585,10 euros correspondant selon elle à un trop versé de rémunération par l'Etat durant son congé du personnel navigant. Ce courrier, adressé par pli recommandé, a été retourné à l'expéditeur sans que soit précisé le motif de la non remise au destinataire. La direction des finances publiques de Nouvelle-Calédonie a émis le titre de perception correspondant le
10 mars 2014. M. D...a alors saisi l'administration et n'a reçu copie de la décision qu'il conteste du 18 décembre 2013 que le 19 novembre 2014, sans que soient en outre mentionnés les voies et délais de recours. L'intéressé affirme avoir introduit un recours administratif auprès du SESU, service émetteur du trop-perçu, qui a statué par une décision du 23 décembre 2014.
M. D...a saisi la commission de recours des militaires (CRM) le 6 novembre 2015, après l'enregistrement de sa demande par le greffe du tribunal administratif intervenue le 23 février 2015, laquelle a rejeté son recours comme tardif. L'intéressé relève appel du jugement du 25 février 2016 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge totale de la somme de 23 585,10 euros qui lui est réclamée par l'Etat, et à titre subsidiaire, de juger que cette somme doit être compensée avec l'indemnité d'éloignement et le complément forfaitaire de l'indemnité pour charge militaire qui ne lui ont jamais été versés, d'enjoindre à l'Etat de procéder au calcul de ces deux indemnités et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 600 000 francs CFP au titre des frais de justice.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est, à l'exception de ceux concernant son recrutement ou l'exercice du pouvoir disciplinaire, précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires. / La saisine de la commission est seule de nature à conserver le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10 ". L'article R. 4125-2 du même code dispose que : " A compter de la notification ou de la publication de l'acte contesté (...), le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission par lettre recommandée avec avis de réception adressée au secrétariat de la commission (...) / Lorsque le recours est formé après l'expiration du délai de recours mentionné au premier alinéa, le président de la commission constate la forclusion et en informe l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " Il résulte de ces dispositions que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire, ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté.
3. La décision contestée par M.D..., qui était soumis aux dispositions de la loi du
13 juillet 1972 portant statut général des militaires alors en vigueur et à la loi du 8 juin 2000 applicable aux officiers sous contrat, étant relative à sa situation personnelle et ne concernant ni son recrutement, ni l'exercice du pouvoir disciplinaire, sa demande contentieuse devait, dès lors, être précédée d'un recours administratif devant la commission des recours des militaires. Mais il résulte de l'instruction qu'en l'absence de toute mention, dans la notification de la décision litigieuse du
18 décembre 2013, du caractère obligatoire de ce recours administratif préalable, le délai du recours contentieux n'a pas commencé à courir et M. D...est fondé à soutenir que le jugement attaqué par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande comme irrecevable est irrégulier.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par
M. D...devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.
Sur la prescription :
5. Aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du
17 juin 2008 portant réforme de la prescription : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article 2222 du code
civil : " En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ". Il résulte de ces dernières dispositions que, lorsqu'une loi nouvelle modifiant le délai de prescription d'un droit, abrège ce délai, le délai nouveau est immédiatement applicable et commence à courir à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Par ailleurs, le délai ancien, s'il a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ne demeure applicable que dans l'hypothèse où sa date d'expiration surviendrait antérieurement à la date d'expiration du délai nouveau.
6. Il résulte des dispositions citées au point 5 qu'à la date à laquelle les sommes réclamées à M. D...au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2010 sont devenues exigibles, la prescription quinquennale s'appliquait à toutes les actions relatives aux rémunérations des agents publics, qu'il s'agisse d'une action en paiement ou d'une action en restitution de ce paiement. En l'espèce, le délai de cette prescription n'était pas expiré lorsque les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, issu de la loi du 28 décembre 2011, sont entrées en vigueur le
30 décembre 2011. Ces dispositions ont eu pour effet de réduire le délai de prescription à deux ans pour les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents. Ce nouveau délai a commencé à courir à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit le 30 décembre 2011. Il était donc expiré à compter du
1er janvier 2014, avant l'émission du titre de perception correspondant intervenu le 10 mars 2014, et avant que M. D...n'ait reçu copie le 19 novembre 2014 de la décision litigieuse du
18 décembre 2013. Ainsi, le moyen tiré de ce que la créance litigieuse est atteinte par la prescription doit être accueilli.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, que M. D...doit être déchargé du versement de la somme de 23 585,10 euros qui lui est réclamée. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 200 000 francs CFP au titre des frais de justice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1500040 du
25 février 2016 est annulé.
Article 2 : M. D...est déchargé du versement de la somme de 23 585 euros qui lui a été réclamée par l'Etat.
Article 3 : Une somme de 200 000 francs CFP est mise à la charge de l'Etat au profit de M. D...au titre des frais de justice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et à la ministre des armées. Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et à la ministre des
outre-mer.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juin 2018.
Le président rapporteur,
B. EVEN Le président assesseur,
P. HAMON
Le greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16PA01670