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08/06/2018 | FRANCE | N°17PA02436

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 juin 2018, 17PA02436


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 36 315,20 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subi en raison de la falsification de sa fiche d'engagement au grade de brigadier pour l'année 2013 et des faits de harcèlement moral dont il estime avoir été victime.

Par un jugement n° 1510421 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 2 000 euros et a rejeté le surplus

de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en rép...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 36 315,20 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subi en raison de la falsification de sa fiche d'engagement au grade de brigadier pour l'année 2013 et des faits de harcèlement moral dont il estime avoir été victime.

Par un jugement n° 1510421 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 2 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 17 juillet 2017 et le 31 janvier 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 36 315,20 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'omissions à statuer ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée au regard de la faute que constitue la falsification de sa fiche d'engagement et au regard des faits de harcèlement dont il a été victime ;

- il est fondé à réclamer les sommes de 4 315,20 euros au titre de la perte de chance d'accéder au grade supérieur, de 10 000 euros au titre de l'atteinte à sa réputation, à son honneur et à sa carrière, de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et de 2 000 euros au titre de son préjudice d'agrément.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'intérieur soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boissy,

- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., titularisé au grade de gardien de la paix le 1er février 2007, a été affecté, le 12 février 2012, au sein de la 11ème compagnie d'intervention de la direction de l'ordre public et de la circulation de la préfecture de police. Le 6 juillet 2012, son supérieur, le majorC..., a rempli en son nom sa fiche d'engagement pour l'année 2013 et, en décembre 2012, M. B... a été informé qu'il avait été prépositionné au grade de brigadier au 3ème district de la 31ème compagnie. Il a refusé son affectation à ce poste, qui ne correspondait pas au voeu d'affectation au 1er district de la 11ème compagnie qu'il aurait renseigné dans sa fiche d'engagement pour 2013 en juin 2012. Par un arrêté du 1er octobre 2013, il a été radié du tableau d'avancement pour l'accès au grade de brigadier au titre de l'année 2013. Le 10 juin 2015, l'intéressé a demandé au ministre de l'intérieur de lui verser une indemnité de 36 315,20 euros en réparation des préjudices causés par la falsification de sa fiche d'engagement pour l'année 2013 et par des faits de harcèlement moral dont il estimait être victime. Par un jugement du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.

Sur les conclusions aux fins d'annulation et de condamnation :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des mentions du jugement attaqué que le tribunal administratif de Paris, après avoir analysé les conclusions et les mémoires des parties, a expressément répondu aux moyens que M. B... avait invoqués en première instance et, en particulier, aux points 5 et 7 du jugement, aux moyens tirés de l'existence d'une faute résultant de harcèlement moral et de la perte de chance. Il n'était en revanche pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés à l'appui de ces moyens.

3. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'une insuffisance de motivation et d'une omission à statuer, au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative, et que le jugement attaqué serait irrégulier pour ces motifs.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant de la responsabilité :

4. En premier lieu, il ressort du procès-verbal de confrontation entre M. B... et M. C... du 5 novembre 2014 que ce dernier a admis avoir volontairement imité la signature et l'écriture de M. B... pour remplir en son nom sa fiche d'engagement au grade de brigadier pour l'année 2013. Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, dont le jugement n'est d'ailleurs pas critiqué sur ce point, cette falsification constitue une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

5. En second lieu, M. B... soutient qu'il a été victime d'agissements répétés constitutifs d'un harcèlement moral depuis 2012.

6. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus (...) ".

7. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. Tout d'abord, la falsification de la fiche d'engagement de M. B... au grade de brigadier pour l'année 2013 n'a pas constitué une manoeuvre de la part de sa hiérarchie l'ayant contraint à refuser son avancement dès lors qu'il résulte de l'instruction que le voeu d'une affectation à la 11ème compagnie, premier voeu renseigné par M. C... sur cette fiche, correspondait à celui que M. B... entendait formuler et a ainsi été examiné par l'administration avant que l'affectation à la 31ème compagnie ne lui soit finalement proposée. Ensuite, il ressort du compte-rendu de confrontation avec M. C... du 5 novembre 2014 que sa hiérarchie lui a proposé de réintégrer la 11ème compagnie lorsque l'intéressé a fait part de son opposition à une affectation à la 31ème compagnie. M. B... se plaint par ailleurs de l'" acharnement " dont sa hiérarchie aurait fait preuve à son encontre. A cet effet, il produit sa fiche d'évaluation pour 2014, qui ne comporte toutefois pas d'appréciation négative mais seulement une mise en garde sur l'attitude professionnelle de l'intéressé. Si le requérant fait également état d'une décision du 19 septembre 2013 lui refusant des congés bonifiés, sa demande d'annulation de ce refus a été rejetée par un jugement, devenu définitif, rendu par le tribunal administratif de Paris le 25 juin 2015. Enfin, M. B... se prévaut d'une demande de sa hiérarchie, du 13 avril 2013, tendant à ce qu'il déclare son statut de délégué du personnel, des difficultés d'organisation pendant les premiers jours suivant la mise en place de son mi-temps thérapeutique et de l'absence d'une pièce à son dossier administratif, dont il reconnaît par ailleurs qu'il ne comporte aucune pièce en sa défaveur et que ses qualités professionnelles y sont reconnues.

9. Compte tenu des seuls éléments mentionnés au point 8, les agissements de la hiérarchie de M. B... ne permettent pas de considérer que l'intéressé aurait été victime, de manière répétée, d'agissements ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, et donc susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

S'agissant des préjudices :

10. En premier lieu, M. B..., qui se borne à produire des ordonnances médicales déjà versées en première instance, dont il ressort qu'il a présenté un syndrome dépressif à compter du 13 mars 2014 alors qu'il est constant qu'il a eu connaissance de la falsification de sa fiche d'engagement pour 2013 en décembre 2012, ne produit devant la Cour aucun élément de nature à majorer le montant que les premiers juges lui ont accordé au titre du préjudice subi en raison de la falsification de sa fiche d'engagement.

11. En second lieu, le requérant soutient qu'il a subi préjudice moral, un préjudice d'agrément ainsi que des préjudices au titre de la perte de chance d'accéder au grade supérieur, de l'atteinte à sa réputation, à son honneur et à sa carrière, dont il demande réparation pour un montant total de 36 315,20 euros. Il n'apporte toutefois au soutien de ces moyens, déjà soulevés, dans les mêmes termes, devant le tribunal administratif de Paris, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation que les premiers juges ont à bon droit portée sur ces moyens, qui doivent dès lors être écartés par adoption des motifs retenus par ces derniers.

12. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a limité à 2 000 euros le montant auquel l'Etat a été condamné et a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation et de condamnation doivent par suite être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande M. B... au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 8 juin 2018.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

M. HEERSLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA02436 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02436
Date de la décision : 08/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : RAMOS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-08;17pa02436 ?
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