Vu la procédure suivante :
Procédure devant la Cour :
Par un arrêt avant dire droit du 23 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Paris :
- a rejeté les conclusions présentées par le syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (SIAAP) tendant à l'annulation de l'article 5 du jugement n° 0804437 du tribunal administratif de Melun en date du 7 mars 2012 et au rejet de la demande reconventionnelle présentée par la société Sogea TPI tendant à sa condamnation à lui verser la somme de 439 220,34 euros ;
- a annulé les articles 1er, 2, 3, 4 et 6 du jugement n° 0804437 du tribunal administratif de Melun en date du 7 mars 2012 ;
- a procédé à une expertise.
L'expert a déposé son rapport le 8 novembre 2017.
Par des mémoires enregistrés le 20 décembre 2017, 30 janvier 2018 et 11 mai 2018, la société Chantiers modernes construction, venant aux droits de la société Sogea TPI, représentée par la SELARL Altana, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 7 mars 2012 en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) de rejeter la demande du SIAAP ;
3°) à titre subsidiaire, de minorer le montant de sa condamnation ;
4°) de rejeter les conclusions présentées par la société Satelec sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge du SIAAP le versement d'une somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Chantiers modernes construction soutient que :
- sa responsabilité ne peut pas être engagée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs mais seulement sur la garantie technique prévue par les stipulations des articles 8.5.1. et 8.5.2. du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige ;
- sa responsabilité ne peut pas être engagée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs dès lors que, d'une part, le remblai n'a pas le caractère d'ouvrage mais d'un simple aménagement paysager et, d'autre part, les causes de l'incendie du remblai sont extérieures aux constructeurs ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité des constructeurs dans la survenance des désordres ne peut pas être engagée à plus de 50 % ;
- les préjudices subis par le SIAAP ne sont pas établis ou ne sont pas justifiés ;
- la somme de 439 220,34 euros à laquelle le SIAAP a été condamnée est devenue définitive.
Par des mémoires, enregistrés les 20 décembre 2017, 30 janvier 2018, 20 février 2018 et 26 avril 2018, la société Guintoli, représentée par MeB..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 7 mars 2012 en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) de rejeter l'appel incident et la demande du SIAAP ;
3°) à titre subsidiaire, de minorer le montant de sa condamnation et condamner la société Satelec à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;
4°) de rejeter les conclusions de la société Satelec dirigées contre elle ;
5°) de mettre à la charge du SIAAP les dépens ainsi que le versement d'une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Guintoli soutient que :
- sa responsabilité ne peut pas être engagée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs mais seulement sur la garantie technique prévue par les stipulations des articles 8.5.1. et 8.5.2. du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige ;
- sa responsabilité ne peut pas être engagée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs dès lors que, d'une part, le remblai n'a pas le caractère d'ouvrage mais d'un simple aménagement paysager et, d'autre part, les causes de l'incendie du remblai sont extérieures aux constructeurs ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité des constructeurs dans la survenance des désordres ne peut pas être engagée à plus de 50 % ;
- les préjudices subis par le SIAAP ne sont pas établis ou ne sont pas justifiés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2017, la société Satelec, représentée par MeD..., demande à la Cour ;
1°) de la mettre hors de cause ;
2°) de rejeter les actions en garantie dirigées contre elle ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Guintoli, Sogea TPI et le SIAAP à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;
4°) de mettre à la charge des " succombants " la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Satelec soutient que l'action en garantie dirigée à son encontre par la société Guintoli n'est pas recevable et, en tout état de cause, mal fondée dès lors qu'elle n'a pas eu à sa charge les travaux objets sur lesquels les désordres sont apparus.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 décembre 2017, 30 janvier 2018 et 5 avril 2018, le SIAAP, représenté par MeC..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'article 5 du jugement n° 0804437 du tribunal administratif de Melun en date du 7 mars 2012 et au rejet de la demande reconventionnelle présentée par la
société Sogea TPI tendant à sa condamnation à lui verser la somme de 439 220,34 euros ;
2°) de condamner in solidum les sociétés Sogea TPI, Guintoli et Satelec à lui verser la somme de 2 830 435, 82 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2008 et de la capitalisation des intérêts à compter du 11 juin 2009 ;
3°) de mettre solidairement à la charge des sociétés Sogea TPI, Satelec et Guintoli une somme de 4 544,80 euros au titre des dépens de première instance et une somme de 25 622,48 euros au titre de l'expertise ordonnée en appel ;
4°) de mettre solidairement à la charge des sociétés Sogea TPI, Guintoli et Satelec le versement d'une somme de 12 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le SIAAP soutient que :
- le montant total des préjudices qu'il a subis s'élève bien à 2 830 435, 82 euros ;
- la société Sogea TPI n'a pas droit à la somme de 439 220,34 euros dès lors que, à titre principal, les prestations qu'elle a réalisées doivent être regardées comme une réparation en nature des dommages qu'il a subis et que, à titre subsidiaire, les prestations concernent des prestations étrangères au présent litige et ne sont pas justifiées ;
- les autres moyens soulevés par les sociétés appelantes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés industriels approuvé par le décret n° 80-809 du 14 octobre 1980 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me F...pour la société Chantiers modernes construction, Me C...pour le SIAAP, Me D...pour la société Satelec et Me B...pour la société Guintoli.
Une note en délibéré, enregistrée le 25 mai 2018, a été présentée par Me C...pour le SIAAP.
Une note en délibéré, enregistrée le 28 mai 2018, a été présentée par Me B...pour la société Guintoli.
Une note en délibéré, enregistrée le 28 mai 2018, a été présentée par Me A...pour la société Chantiers modernes construction.
Considérant ce qui suit :
Sur l'appel incident du SIAAP :
1. Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle générale de procédure ne proroge le délai de pourvoi en cassation contre une décision avant-dire droit d'une cour administrative d'appel statuant en dernier ressort jusqu'à l'expiration du délai de pourvoi contre l'arrêt mettant fin à l'instance.
2. Le tribunal administratif de Melun, à l'article 5 de son jugement du 7 mars 2012, a condamné le SIAAP à verser à la société Sogea TPI la somme de 439 220,34 euros au titre des travaux de réparation réalisés à la demande du SIAAP. Par un arrêt avant-dire droit du
23 octobre 2015, qui a été notifié au SIAAP le 28 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel incident présenté par le SIAAP tendant à l'annulation de l'article 5 de ce jugement. Par une ordonnance n° 395539 du 15 mars 2016, le Conseil d'Etat a donné acte du désistement du pourvoi en cassation formé par le SIAAP le 23 décembre 2015 contre l'arrêt de la Cour du 23 octobre 2015. Cet arrêt est donc devenu définitif.
3. Compte tenu de l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt avant-dire droit, le SIAAP n'est dès lors pas fondé à demander, à nouveau, l'annulation de l'article 5 du jugement attaqué et le rejet de la demande reconventionnelle présentée par la société Sogea TPI.
Sur la demande de condamnation présentée par le SIAAP :
4. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La présomption de responsabilité qui résulte de ces principes s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert. Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un de ces types ouvrages lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.
5. La société Chantiers modernes construction et la société Guintoli soutiennent que le remblai sur lequel sont survenus les désordres n'a pas le caractère d'un ouvrage et que, dès lors, les désordres en cause ne sont pas au nombre de ceux relevant de la garantie décennale des constructeurs.
6. Il ressort des articles 11 et 22 du cahier des clauses techniques particulières que les sociétés Sogea TPI et Guintoli devaient initialement réaliser un massif " autostable " autour des ouvrages, dits " bâtiment Sesame ", construits de la côte 36 à 44.20 de dix mètres de hauteur, de 12 mètres de largeur et de 120 mètres de longueur, qui devait être renforcé par des armatures métalliques ou de type synthétique selon un procédé conforme à la norme française NFP 94-220, et qu'à cette fin il était prévu l'utilisation de matériaux de remblais courants et des matériaux pour les remblais renforcés présentant certaines caractéristiques physico-chimiques.
7. Il résulte toutefois de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert et de la " note explicative remblais Sesame 2 ", que, compte tenu du volume du remblai, qui atteignait 19 000 m3 au lieu de 14 000 m3, les constructeurs ont finalement proposé au SIAAP, qui l'a accepté, de réaliser un remblai léger en broyats de pneus. Un vide de 30 cm a été installé le long des ouvrages entre le talus de pneus et un autre remblai de 80 cm d'épaisseur en polystyrène a été accolé au bâtiment " Sésame ". Des tirants en acier, qui devaient servir à tendre chaque " parement pour maintenir la forme de l'ensachage ", ont par ailleurs été disposés perpendiculairement, tous les 1,5 m environ, non pas dans le remblai, mais sur le bâtiment " Sésame " lui-même. Enfin, le talus a été recouvert d'une couche végétale sur un géotextile.
8. Il résulte également de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert, que ce talus " autostable " avait vocation à apporter un écran esthétique au bâtiment dans l'angle de la perspective des habitations de la commune de Valenton, qu'à la suite de l'incendie survenu en 2006, le remblai a été enlevé, sans qu'aucun autre ne vienne se substituer au talus de broyats de pneus, et que la superstructure du bâtiment a ensuite été habillée d'un simple parement en bois pour répondre à une perspective esthétique à partir des zones d'habitation voisines.
9. Le remblai en cause n'assurait donc aucune fonction de soutènement du bâtiment " Sésame ", n'était pas davantage destiné, par ses caractéristiques techniques, à assurer la stabilité de ce bâtiment et sa dépose a par ailleurs pu s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière sur cet immeuble. Dès lors, ce remblai ne peut être regardé ni comme un ouvrage ni comme faisant partie intégrante d'un ouvrage ni encore comme ayant la nature d'un équipement formant indissociablement corps avec cet ouvrage. Les désordres survenus sur ce remblai ne sont donc pas au nombre de ceux relevant de la garantie décennale des constructeurs.
10. Le SIAAP n'est donc pas fondé à demander, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la condamnation solidaire de la société Chantiers modernes construction, de la société Guintoli et de la société Satelec à lui verser 2 830 435, 82 euros en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite des désordres survenus sur ce remblai.
Sur les actions en garantie :
11. Les sociétés Satelec et Guintoli n'étant pas condamnées à verser une quelconque somme d'argent au SIAAP, les actions en garantie exercées par ces deux sociétés doivent par suite être rejetées.
Sur les dépens :
12. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
13. Par une ordonnance en date du 11 juin 2007, le président du tribunal administratif de Melun a taxé et liquidé à la somme de 4 544,80 euros les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 19 décembre 2017, le président de la cour administrative d'appel de Paris a taxé et liquidé à 25 622,48 euros TTC les frais de l'expertise ordonnée par la Cour, dans son arrêt du 23 octobre 2015, sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge définitive du SIAAP, qui est la partie perdante dans la présente instance, la totalité des dépens mentionnés au point 13.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Chantiers modernes construction, de la société Guintoli et de la société Satelec, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties tenues aux dépens, le versement de la somme que demande le SIAAP au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SIAAP le versement des sommes que demandent respectivement la société Chantiers modernes construction, la société Guintoli et la société Satelec au titre de ces mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La demande du SIAAP est rejetée.
Article 2 : Les dépens sont mis à la charge du SIAAP pour un montant total de 30 167,28 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Chantiers modernes construction, à la société Guintoli, à la société Satelec et au Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne.
Copie pour information en sera délivrée à M. E..., expert.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président-assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 juin 2018.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 12PA01994, 12PA01995 2