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07/06/2018 | FRANCE | N°17PA01838

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 07 juin 2018, 17PA01838


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 14 février 2012 par laquelle le conseil médical de l'aéronautique civile a déclaré non imputable au service aérien l'affection qui avait motivé son inaptitude définitive à exercer sa profession de navigant.

Par un jugement n° 1207949/6-3 du 30 avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14PA02895 du 19 février 2015, la Cour administrative d'appel de Paris a

rejeté l'appel présenté par M. D... contre ce jugement.

Par une décision n° 389667 du 24 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 14 février 2012 par laquelle le conseil médical de l'aéronautique civile a déclaré non imputable au service aérien l'affection qui avait motivé son inaptitude définitive à exercer sa profession de navigant.

Par un jugement n° 1207949/6-3 du 30 avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14PA02895 du 19 février 2015, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel présenté par M. D... contre ce jugement.

Par une décision n° 389667 du 24 mai 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juillet 2014 et 12 mars 2018, M. D..., représenté par la SCP Nicolas Boullez, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207949/6-3 du 30 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) à titre principal, d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 14 février 2012 du conseil médical de l'aéronautique civile ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale et de mettre les frais de cette expertise à la charge de l'Etat ;

4°) de lui allouer une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, la décision contestée devait être motivée ; or, cette décision n'est pas motivée en méconnaissance des dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure, dès lors que le docteur Paris ne pouvait valablement siéger à la séance du 8 février 2012 en tant que " médecin invité " en application des dispositions de l'article D. 424-5 du code de l'aviation civile ;

- sa contamination par le virus West Nile est directement imputable au service aérien, dès lors qu'elle a eu lieu en septembre 1999 à l'occasion d'une escale effectuée dans l'exercice de sa profession de navigant dans une des zones de forte endémie du virus ;

- le Tribunal n'a pas répondu à son moyen par lequel il demandait, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 octobre 2014 et 24 avril 2018, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, puis le ministre de la transition écologique et solidaire, chargé de l'aviation civile, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. D... tendant à ce que la Cour lui alloue une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que ces conclusions ne sont dirigées contre aucune des parties à l'instance (CE, 6 mars 1998, Depond, n° 184841).

M. D... a, par un mémoire enregistré les 4 mai 2018, présenté des observations sur le moyen relevé d'office par la Cour. Il conclut désormais à ce que la somme de 8 000 euros qu'il demande au titre des frais d'instance soit mise à la charge du ministre de la transition écologique et solidaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'aviation civile,

- le code des transports,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeA...,

- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... était employé par la société Air France comme steward navigant. Par une décision du 5 octobre 2011, le conseil médical de l'aéronautique civile a déclaré M. D... inapte définitivement à exercer sa profession de personnel navigant commercial. Puis, par une décision du 14 février 2012, le même organisme a déclaré non imputable au service aérien l'affection à l'origine de l'inaptitude définitive de M. D.... Par la présente requête, M. D... demande l'annulation du jugement du 30 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 février 2012.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 6526-5 du code des transports : " Lorsqu'un accident aérien survenu en service ou lorsqu'une maladie imputable au service et reconnue comme telle par [le conseil médical de l'aéronautique civile] ont entraîné le décès, ou une incapacité permanente totale au sens de la législation relative à la réparation des accidents du travail, une indemnité en capital est versée à l'intéressé ou à ses ayants droit par la caisse créée en application de l'article L. 6527-2 ". Aux termes de l'article L. 6526-6 du même code : " Si l'incapacité résultant des causes mentionnées à l'article L. 6526-5 entraîne seulement l'inaptitude permanente à exercer la profession de navigant, la caisse de retraite verse à l'intéressé une somme en capital ".

3. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de l'indemnité en capital qu'elles prévoient n'est pas subordonné, en cas de maladie imputable au service, à la condition que cette maladie ait été contractée à bord d'un aéronef. La maladie d'un membre du personnel navigant d'une compagnie aéronautique peut être regardée comme imputable au service au sens de ces dispositions lorsqu'elle a été contractée, notamment, au cours d'une escale professionnelle.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'Institut Pasteur a diagnostiqué le 27 juin 2000 chez M. D... une contamination par le virus West Nile, lequel est transmis à l'homme par les moustiques. Ce diagnostic a été confirmé le 19 octobre 2000. Il ressort des certificats médicaux établis, notamment, par le professeur Hervé Gallais, chef du service de maladies infectieuses de l'hôpital de la Conception à Marseille, que l'inaptitude définitive de M. D... est due à l'évolution défavorable de la polypathologie induite par sa contamination par le virus West Nile. M. D... soutient qu'il a contracté ce virus lors d'une escale professionnelle à Antananarivo, capitale de Madagascar, du 10 au 13 septembre 1999 et que les premiers symptômes de la maladie sont apparus le 17 septembre 1999, alors qu'il se trouvait en escale à Johannesburg. M. D... produit sa feuille de vol de septembre 1999 qui corrobore ses affirmations. Il se réfère également à l'article sur le virus West Nile publié sur le site internet de l'Institut Pasteur qui indique, d'une part, que la période d'incubation du virus est de trois à six jours et, d'autre part, que Madagascar fait partie des régions géographiques connues comme étant des foyers du virus. M. D... a également produit devant les premiers juges des résultats d'analyses sanguines datés du 21 septembre 1999 révélant notamment un taux élevé de protéine C réactive (CRP), laquelle apparaît dans le sang lors d'une inflammation aiguë et peut donc être le signe d'une infection virale. Son état s'est ensuite progressivement aggravé, nécessitant un arrêt de travail pour la période du 6 décembre 1999 au 31 mars 2000. Enfin, il n'est pas soutenu en défense que M. D... aurait séjourné dans une zone d'endémie du virus pour des raisons personnelles entre septembre 1999 et juin 2000. Or, ainsi que l'a indiqué le médecin traitant de M. D... dans un certificat établi le 9 mai 2001, aucun cas de contamination n'avait alors été rapporté en France. Selon l'article de l'Institut Pasteur, les premiers cas humains de contamination sur le territoire français n'ont en effet été recensés qu'en 2003 dans le Var. M. D... apporte ainsi un faisceau d'indices concordants de nature à établir qu'il a contracté le virus West Nile à l'occasion d'une escale professionnelle et, plus particulièrement, lors de son escale à Antananarivo du 10 au 13 septembre 1999. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que la décision du 14 février 2012 par laquelle le conseil médical de l'aéronautique civile a déclaré non imputable au service aérien l'affection à l'origine de son inaptitude définitive est entachée d'une erreur d'appréciation et doit être annulée pour ce motif.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin, d'une part, de statuer sur la régularité du jugement attaqué et, d'autre part, d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par M. D....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1207949/6-3 du 30 avril 2014 du Tribunal administratif de Paris et la décision du 14 février 2012 du conseil médical de l'aéronautique civile sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au conseil médical de l'aéronautique civile.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- MmeC..., première conseillère,

- Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 juin 2018.

La rapporteure,

A. A...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01838


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01838
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

65-03-01-01 Transports. Transports aériens. Personnels. Personnels des compagnies aériennes.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : BOULLEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-07;17pa01838 ?
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