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05/06/2018 | FRANCE | N°17PA02606,17PA02607

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 05 juin 2018, 17PA02606,17PA02607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite du maire de la commune de Vitry-sur-Seine rejetant sa demande de publication d'une tribune dans le bulletin mensuel municipal du mois de juin 2016.

Par un jugement n° 1606165 du 7 juin 2017, le Tribunal administratif de Melun a annulé cette décision et a enjoint à la commune de procéder à la publication de la tribune de M.D..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure

devant la Cour :

I - Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet 2017 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite du maire de la commune de Vitry-sur-Seine rejetant sa demande de publication d'une tribune dans le bulletin mensuel municipal du mois de juin 2016.

Par un jugement n° 1606165 du 7 juin 2017, le Tribunal administratif de Melun a annulé cette décision et a enjoint à la commune de procéder à la publication de la tribune de M.D..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet 2017 et 6 avril 2018 sous le

n° 17PA02606, la commune de Vitry-sur-Seine, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1606165 du

7 juin 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la demande de M. D...devant le Tribunal administratif de Melun était irrecevable dès lors qu'elle portait sur une décision purement confirmative de plusieurs refus identiques antérieurs ;

- le refus de publication attaqué est fondé compte tenu du caractère diffamatoire et outrageant des propos tenus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2018, M. François Paradol, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Vitry-sur-Seine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.

II - Par une requête enregistrée le 26 juillet 2017 sous le n° 17PA02607, la commune de Vitry-sur-Seine, représentée par MeB..., demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1606165 du 7 juin 2017.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué ordonnant la publication d'une tribune contenant des propos diffamatoires et outrageants, exposant le maire à des sanctions pénales, aurait des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens développés dans sa requête d'appel sont sérieux compte tenu de l'irrecevabilité de la demande de première instance et de la légalité de la décision attaquée.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de Me A...pour la commune de Vitry-sur-Seine,

- et les observations de M.D....

Considérant ce qui suit :

1. M. François Paradol, conseiller municipal de Vitry-sur-Seine, n'appartenant pas à la majorité municipale, a demandé au maire de cette commune de procéder, en application des dispositions énoncées par l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales, à la publication, dans le bulletin mensuel d'informations municipales, d'une tribune. A la suite de plusieurs refus successifs du maire, il a saisi le Tribunal administratif de Melun qui, par un jugement du 7 juin 2017, a annulé ce refus et enjoint à la commune de procéder à la publication de cette tribune, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. La commune de Vitry-sur-Seine fait appel de ce jugement et demande, en outre, que la Cour ordonne le sursis à exécution de celui-ci.

2. Les requêtes nos 17PA02606 et 17PA02607 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En relevant que, si la décision de refus attaquée portait sur la publication du même texte que celui ayant fait l'objet de précédents refus, les circonstances avaient toutefois changé et la publication était demandée dans un autre numéro du bulletin d'informations municipales, le tribunal administratif a suffisamment explicité les motifs pour lesquels il a écarté la fin de non recevoir soulevée par la commune tirée du caractère purement confirmatif de la décision attaquée.

4. Par ailleurs, en relevant que si la tribune en litige était " rédigée sur un ton vif et polémique voir agressif, elle ne saurait pour autant être regardée comme présentant manifestement un caractère diffamatoire ou outrageant de nature à justifier qu'il soit fait obstacle au droit d'expression d'élus n'appartenant pas à la majorité municipale ", le jugement attaqué a également suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'illégalité de la décision de refus attaquée.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " Il résulte de ces dispositions que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable.

6. Toutefois le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

7. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Dès lors il appartient au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

8. En premier lieu, il est constant que la première demande de publication de la tribune litigieuse a été présentée par M. D...le 8 juin 2015 et a fait l'objet d'une décision de refus notifiée par voie électronique le 15 juin 2015. En conséquence, en l'absence de toute circonstance particulière invoquée par M.D..., le délai de recours contre cette décision a expiré le 16 juin 2016, antérieurement à la décision implicite attaquée. Celle-ci présente donc un caractère définitif.

9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la demande adressée par

M. D...à la commune le 10 mai 2016 était relative à la publication du même texte, dans le même organe d'informations, et avait dès lors le même objet que les demandes qu'il avait préalablement adressées non seulement le 8 juin 2015, mais également les 17 août 2015,

31 août 2015, 15 septembre 2015 et 15 octobre 2015, sans que M. D...fasse état d'un quelconque changement dans les circonstances de droit ou de fait intervenu entretemps, hormis le changement du numéro du bulletin dans lequel sa tribune serait publiée, qui par lui-même est sans incidence sur l'exercice du droit que lui confère l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales. Dans ces conditions, la décision implicite de refus attaquée, née du silence opposé à la demande présentée en dernier lieu le 10 mai 2016, présentait un caractère purement confirmatif de la décision de refus, devenue définitive, qui lui avait été opposée le

15 juin 2015. Par suite, la demande de M. D...présentée devant le Tribunal administratif de Melun, tendant à son annulation, était irrecevable.

10. En conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête n° 17PA02606, la commune de Vitry-sur-Seine est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de M.D....

11. La Cour statuant au fond, par le présent arrêt, sur les conclusions de la requête

n° 17PA02606 de la commune de Vitry-sur-Seine, les conclusions de sa requête n° 17PA02607 à fin de sursis à exécution du jugement contesté sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais de justice :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Vitry-sur-Seine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D...le versement de la somme que la commune demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17PA02607 de la commune de Vitry-sur-Seine tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 1606165 du Tribunal administratif de Melun du 7 juin 2017.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1606165 du 7 juin 2017 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Melun, ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Vitry-sur-Seine présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vitry-sur-Seine et à M. François Paradol.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juin 2018.

Le rapporteur,

P. HAMONLe président,

B. EVEN

Le greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

Nos 17PA02606 ...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02606,17PA02607
Date de la décision : 05/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : PICHON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-05;17pa02606.17pa02607 ?
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