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18/05/2018 | FRANCE | N°17PA01631

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 18 mai 2018, 17PA01631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sodauto Industriel a demandé au tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie, d'une part, de condamner la commune de l'Ile des Pins à lui verser, au principal, une somme de 16 980 000 francs CFP au titre du préjudice subi en raison de la résiliation du bon de commande du 26 août 2015 pour la fourniture d'un camion Renault Truck et, d'autre part, de lui accorder, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision d'un même montant.

Par un jugeme

nt n° 1600190, 1600191 du 9 mars 2017, rectifié par une ordonnance du 20 mars 2017,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sodauto Industriel a demandé au tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie, d'une part, de condamner la commune de l'Ile des Pins à lui verser, au principal, une somme de 16 980 000 francs CFP au titre du préjudice subi en raison de la résiliation du bon de commande du 26 août 2015 pour la fourniture d'un camion Renault Truck et, d'autre part, de lui accorder, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision d'un même montant.

Par un jugement n° 1600190, 1600191 du 9 mars 2017, rectifié par une ordonnance du 20 mars 2017, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné la commune de l'Ile des Pins à verser à la société Sodauto Industriel une somme de 13 000 000 francs CFP, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de provision et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2017, la commune de l'Ile des Pins, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de la société Sodauto Industriel et, à titre subsidiaire, d'ordonner à la société Sodauto Industriel de lui remettre le camion et de minorer le montant de sa condamnation ;

3°) de mettre à la charge de la société Sodauto Industriel le versement d'une somme de 1 676 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de l'Ile des Pins soutient que :

- que le contrat en litige est entaché d'incompétence au motif que le maire ne pouvait que prendre des décisions relevant de la gestion des affaires courantes et non signer un tel contrat ;

- le préjudice subi par la société Sodauto Industriel n'est pas établi et, à titre subsidiaire, son évaluation par les premiers juges est excessive.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 novembre 2017, 26 décembre 2017 et 14 février 2018, la société Sodauto Industriel, représentée par la Selarl D et S Légal, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de l'Ile des Pins le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Sodauto Industriel soutient que les moyens invoqués par la commune de l'Ile des Pins ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la

Nouvelle-Calédonie ;

- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 modifiée portant réglementation des marchés publics ;

- la délibération de la commission permanente du congrès n° 64/CP du 10 mai 1989 fixant les cahiers des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et aux marchés publics de fournitures courantes et de services passés en application de la délibération modifiée n° 136 du 1er mars 1967 ;

- l'annexe 1 à la délibération n° 64/CP du 10 mai 1989 ;

- l'arrêté HC /SAS n° 59 du 21 octobre 2015 du commissaire délégué de la République pour la province Sud ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...pour la Société Sodauto Industriel.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat du 26 août 2015, la commune de l'Ile des Pins a commandé à la société Sodauto Industriel un camion vidange de type Renault Trucks type D 7,5 BVM 180 E équipé d'une carrosserie Rivard aspiratrice haute pression avec une capacité de 3m3. Le 23 mars 2016, le maire de la commune de l'Ile des Pins a prononcé la résiliation de ce contrat pour un motif d'intérêt général. Le 5 avril suivant, la société Sodauto Industriel a demandé à la commune, à tire principal, de reprendre leurs relations contractuelles et, à titre subsidiaire, de lui accorder une indemnité en réparation du préjudice subi en raison de cette résiliation. Le 19 avril 2016, le maire a rejeté les demandes de la société Sodauto. Par un jugement du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a notamment condamné la commune de l'Ile des Pins à verser à la société Sodauto Industriel, au principal, une somme de 13 000 000 francs CFP. La commune de l'Ile des Pins relève partiellement appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, par un arrêté du 21 octobre 2015, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a constaté, en application des dispositions combinées des articles L. 270 et L. 388 du code électoral, qu'à la date du 17 septembre 2015, le conseil municipal de l'Ile des Pins avait perdu plus d'un tiers de ses membres et que les dispositions relatives au remplacement des conseillers municipaux démissionnaires par des suivants non élus aux élections générales des 23 et 30 mars 2014 ne pouvaient plus être mises en oeuvre de sorte qu'il convenait de procéder au renouvellement intégral du conseil municipal de la commune de l'Ile des Pins. Le contrat a toutefois été signé, le 26 août 2015, à une date antérieure à celle à laquelle il a été procédé à ce constat. La commune de l'Ile des Pins n'est dès lors pas fondée à soutenir que ce contrat est entaché d'incompétence au motif que son maire ne pouvait, à cette période, que prendre des décisions relevant de la gestion des affaires courantes.

3. En second lieu, les principes généraux applicables aux contrats administratifs permettent aux personnes publiques, sans qu'aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu'aucune stipulation contractuelle ne le prévoient, de résilier un contrat pour un motif d'intérêt général, sous réserve de l'indemnisation du préjudice éventuellement subi par le cocontractant.

4. La société Sodauto fait valoir, sans être contestée, que, malgré ses recherches, elle n'a pu trouver d'acquéreur ni en métropole ni sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie pour le camion qui avait été spécifiquement équipé pour répondre aux besoins de la commune de

l'Ile des Pins et que, pour procéder à la commercialisation de ce camion, elle a finalement été contrainte de modifier certains des équipements afin d'élargir son usage et lui trouver un nouvel acheteur. La résiliation du contrat lui ouvre donc droit à l'indemnisation du préjudice résultant des frais engagés en vain pour équiper spécifiquement le camion afin de répondre à la commande de la commune.

5. Il résulte de l'instruction que, les 13 janvier et 26 février 2016, la société Renault Trucks et la société Rivard ont chacune émis une facture à l'attention de la société Sodauto Industriel, d'un montant de 40 453 euros et de 57 080 euros, respectivement pour la vente du camion vidange de type Renault Trucks type D 7,5 BVM 180 E et la vente de l'aspiratrice haute pression. Compte tenu des éléments produits, qui ne sont pas contestés en défense, la société Sodauto établit ainsi avoir subi un préjudice commercial, d'un montant de 57 080 euros, soit 6 811 454 francs CFP, correspondant au coût des équipements initiaux, devenus inutiles, dont elle avait doté le camion Renault Trucks.

6. En revanche, la société Sodauto Industriel, en apportant des modifications au camion et en l'important ensuite sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie à la fin de l'année 2017, s'est engagée dans des démarches commerciales visant à vendre, dans un délai raisonnable, ce camion ainsi modifié avec un autre client présent sur le territoire. Dès lors qu'il n'est pas établi que la revente de ce camion serait définitivement impossible, les autres préjudices que la société requérante allègue avoir subis demeurent.donc éventuels à la date du présent arrêt Il n'y a donc pas lieu, notamment, de prendre en compte les nouvelles factures n° 0907355 et n° 0907359 datées du 10 octobre 2017 émises par la société Rivard, respectivement de 672,87 euros TTC et 32 800 euros TTC, correspondant à de nombreuses modifications que cette entreprise a effectuées entre les 18 juillet et le 9 octobre 2017, pour exécuter la commande de la société Sodauto Industriel du 4 juillet 2017, et ayant, pour l'essentiel, consisté à modifier " l'aspiratrice HP 707 en combiné hydrocureur " afin de faciliter la commercialisation du camion après le constat de l'impossibilité de reprendre les relations contractuelles avec la commune.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de l'Ile des Pins est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie l'a condamnée à verser à la société Sodauto une somme excédant 6 811 454 francs CFP et à demander, dans cette mesure, la réformation de ce jugement.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de l'Ile des Pins, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la société Sodauto Industriel au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sodauto Industriel la somme que demande la commune de l'Ile des Pins au titre de ces mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la commune de l'Ile des Pins a été condamnée à verser à la société Sodauto Industriel par l'article 2 du jugement n° 1600190,1600191 du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie en date du 9 mars 2017 est réduite à 6 811 454 francs CFP.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1600190, 1600191 du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie en date du 9 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de l'Ile des Pins et à la société Sodauto Industriel.

Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président-assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 mai 2018.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

M. HEERSLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA01631 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01631
Date de la décision : 18/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : DS LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-05-18;17pa01631 ?
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