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09/05/2018 | FRANCE | N°17PA02307

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 mai 2018, 17PA02307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 février 2017 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de trois ans, et d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, de procéd

er au réexamen de sa situation administrative ainsi qu'au retrait du signalement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 février 2017 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de trois ans, et d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, de procéder au réexamen de sa situation administrative ainsi qu'au retrait du signalement au Système d'Informations Schengen (SIS).

Par un jugement n° 1701800 du 6 juin 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 juillet et 31 juillet 2017, M. C..., représenté par MeB..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures:

1°) d'annuler le jugement n° 1701800 du 6 juin 2017, le Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation administrative, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de procéder au retrait du signalement au Système d'Informations Schengen (SIS) ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision litigieuse est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale car fondée sur une décision d'obligation de quitter le territoire français entachée d'illégalité.

Le président de la 2ème chambre de la Cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, dispensé la présente requête d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale signée à New York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant, publiée par décret du 8 octobre 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jimenez a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.C..., ressortissant georgien né le 24 juillet 1986 est entré en France le 15 février 2012 selon ses déclarations ; que par un arrêté du 14 février 2017, le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de trois ans ; que M. C...relève appel du jugement n° 1701800 du 6 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 février 2017 ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, que M. C...reprend en appel les moyens qu'il invoquait en première instance, tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ; que, par un jugement motivé, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun a écarté l'argumentation développée par M. C...à l'appui de chacun de ces moyens ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné, d'écarter les moyens ainsi articulés devant la Cour par le requérant, qui reproduit en appel l'essentiel de ses écritures de première instance, sans présenter aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'il avait développée devant le Tribunal, ni produire de nouvelles pièces ou éléments probants de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant que M. C... soutient qu'il est entré en France 12 février 2012 et qu'il y réside de manière continue depuis cette date, qu'il y a établi le centre de ses intérêts personnels et familiaux dès lors qu'il vit maritalement avec une ressortissante de nationalité géorgienne qu'il a épousée le 1er janvier 2007 en Géorgie, et leurs deux enfants mineurs âgés de neuf et sept ans, qui sont scolarisés ; que toutefois, M. C... n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales et personnelles dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-six ans ; qu'il ne fait état d'aucune circonstance qui s'opposerait à ce que sa cellule familiale se reconstitue hors de France et notamment en Géorgie, dès lors que ses deux enfants sont encore très jeunes et que son épouse se trouve également en situation irrégulière sur le territoire national ; que le requérant est sans emploi, ne dispose d'aucune ressource et s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement du 2 juillet 2014 ; qu'en outre, l'intéressé, qui s'est fait interpeller alors qu'il conduisait un véhicule sans permis de conduire, avait fait l'objet de trois signalements pour des faits de vol en réunion et de vols à l'étalage en 2013 et 2015 ; que, dans ces conditions et compte tenu de la durée et des conditions de son séjour sur le territoire national, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. C... ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard à la situation familiale de M. C... décrite au point 4 et notamment à l'absence d'impossibilité avérée de poursuite de sa vie familiale avec son épouse et leurs enfants hors de France dans leur pays d'origine, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français litigieux méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

6. Considérant, en premier lieu, que la décision fixant le pays de destination vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne la nationalité du requérant et indique que l'intéressé n'allègue pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, la décision en litige mentionne les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision manque en fait et doit être écarté ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;

8. Considérant que M. C... soutient qu'il fait l'objet, avec sa famille, de persécutions dans son pays d'origine en raison de son appartenance à la communauté des Yézides ; que, toutefois, il ne produit aucun élément de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et sérieux qu'il encourrait en cas de retour en Géorgie ; qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par une décision définitive de la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté ;

Sur la décision préfectorale portant interdiction de retour sur le territoire :

9. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (....) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ;

11. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté du 14 février 2017 du préfet de l'Essonne que M. C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui n'était assortie d'aucun délai de départ volontaire, de sorte qu'il entrait dans l'hypothèse où une interdiction de retour d'une durée maximale de trois années assortit ladite mesure

d'éloignement ; que la décision en litige vise les textes qui la fondent et indique les éléments de la situation personnelle de M. C... qui ont été pris en compte ; que l'intéressé, qui se borne à contester le principe d'une telle mesure sans en critiquer la durée, n'a justifié d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français ; que, par suite, c'est à bon droit, et par une décision suffisamment motivée, que le préfet de l'Essonne a décidé de prendre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. C... ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que M. C...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans, de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2017 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C....

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2018.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02307
Date de la décision : 09/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : NETRY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-05-09;17pa02307 ?
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