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11/04/2018 | FRANCE | N°17PA01642

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 11 avril 2018, 17PA01642


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Anor a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) à titre principal, de prononcer la décharge de l'intégralité de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2009 ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer la validité des taux d'abattement pour occupation ainsi que le taux de l'abattement pour fiscalité latente.

Par un jugement n° 1517380/1-3 du 15 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 15 mai 2017, 23 juin ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Anor a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) à titre principal, de prononcer la décharge de l'intégralité de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2009 ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer la validité des taux d'abattement pour occupation ainsi que le taux de l'abattement pour fiscalité latente.

Par un jugement n° 1517380/1-3 du 15 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 15 mai 2017, 23 juin 2017 et

19 janvier 2018, la société Anor, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 15 mars 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, le tribunal ayant commis une erreur de droit en estimant que les observations présentées au cours de la phase contentieuse pouvaient être prises en compte pour apprécier le bien-fondé de la procédure contradictoire et une erreur matérielle en exagérant la décote demandée par la société sur les appartements loués ;

- les premiers juges ont écarté sommairement l'expertise présentée par la société au regard du bien-fondé de l'impôt et ne l'ont pas prise en compte pour apprécier le bien-fondé des pénalités ;

- ils ont simplement entériné les taux d'abattement proposés par le service ;

- les points de comparaison retenus par le service sont inadaptés ;

- l'abattement pour vente par bloc est admis par la doctrine et est en l'espèce insuffisant ;

- la méthode de l'administration aboutit à des montants disproportionnés par rapport à six autres méthodes ;

- l'existence de baux résidentiels de six ans et de baux conventionnés de vingt ans justifie des taux d'abattement de 30% et 40 % ;

- le taux d'abattement pour occupation est insuffisant ;

- l'abattement pour fiscalité latente est un usage professionnel ;

- l'administration ne démontre pas que cet usage ne lui est pas applicable et qu'il n'est pas applicable aux transactions litigieuses ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées, le prétendu écart significatif avec les prix du marché ayant été réduit au cours de la procédure, la société ayant eu une attitude prudente de professionnel, et l'Etat n'ayant été privé d'aucune base imposable.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Anor ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au

23 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de Me C...et MeD..., représentant la société Anor.

Une note en délibéré, enregistrée le 4 avril 2018, a été présentée par Me C...pour la société Anor.

1. Considérant que la SARL Anor, qui exerce une activité de gestion immobilière, a créé, le 2 décembre 2008, dix sociétés civiles immobilières (SCI) dont le capital social,

de 1 000 euros chacune, était détenu à hauteur de 99 % par elle-même et à hauteur de 1 % par

M. B...A., actionnaire de la SARL Anor ; que, le 21 décembre 2009, la SARL Anor a apporté à huit de ces dix sociétés les immeubles figurant à son actif pour une valeur globale d'inscription de 4 151 000 euros, cet apport se traduisant par une augmentation d'un égal montant du capital de ces SCI ; que, le 23 décembre 2009, la SARL Anor a cédé les droits sociaux des huit SCI en cause à la SARL Planète Communication, société de droit luxembourgeois détenue par M. B...A. et par son fils, M. E...A., pour un prix de cession correspondant exactement au capital nominal consolidé de ces SCI ; que l'administration a estimé que la société avait commis un acte anormal de gestion en minorant la valeur des apports de ses immeubles aux huit SCI qu'elle détenait ; que la société Anor relève appel du jugement du 15 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge en conséquence au titre de l'année 2009 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les erreurs matérielles ou les erreurs de droit dont serait entaché le jugement attaqué sont sans influence sur sa régularité ; que par suite, la société Anor ne saurait contester ladite régularité au motif que le tribunal aurait commis une erreur de droit en estimant que les observations présentées au cours de la phase contentieuse pouvaient être prise en compte pour apprécier le bien-fondé de la procédure contradictoire et une erreur matérielle en exagérant la décote demandée par la société sur les appartements loués ; que par ailleurs, les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par les contribuables à l'appui de leurs moyens, ont régulièrement statué sur les moyens qui leur étaient soumis et notamment sur le moyen tiré de ce que l'existence de baux résidentiels de six ans et de baux conventionnés de vingt ans justifierait des taux d'abattement supérieurs à ceux retenus par le service, alors même qu'ils n'auraient pas détaillé les raisons pour lesquels ils écartaient le rapport d'expertise produit par la société et qu'ils auraient entériné les taux proposés par l'administration fiscale ; que le moyen tiré de ce qu'en conséquence de ce qui précède le jugement attaqué serait insuffisamment motivé ne peut dès lors qu'être écarté ; que les premiers juges ont régulièrement statué sur la validité des pénalités pour manquement délibéré appliquées à la société requérante, alors même qu'ils n'auraient pas répondu à l'argument tiré de ce que les estimations retenues par la société correspondaient à celles retenues dans des rapports d'experts ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant que l'administration est en droit, lorsqu'elle ne modifie pas le fondement légal des rehaussements, d'invoquer au cours de la procédure de redressement et sans être tenue d'adresser au contribuable une nouvelle proposition de rectification, de nouveaux éléments de nature à justifier des rehaussements précédemment notifiés ; qu'elle n'a ainsi pas méconnu le principe du contradictoire en se bornant, sans modifier les motifs des rehaussements en cause, à proposer des termes de comparaison supplémentaires au stade du recours hiérarchique ; que la circonstance que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en ait tenu compte pour déterminer son avis est en tout état de cause sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la méthode utilisée par le service :

4. Considérant que la société requérante ne conteste pas valablement la méthode par comparaison utilisée par le service en faisant valoir qu'elle aboutit à des résultats différents de celui obtenu à partir du retraitement des résultats d'un rapport d'expertise non contradictoire dont les estimations ne sont d'ailleurs étayées par aucun exemple précis ;

En ce qui concerne les points de comparaison retenus par le service :

5. Considérant que la SARL Anor n'établit ni même n'allègue que les transactions utilisées par le service à titre de termes de comparaison n'étaient pas relatives à des immeubles de qualité comparables, situés dans des secteurs où les prix de marchés sont analogues à ceux pratiqués dans les secteurs où sont situés les immeubles litigieux ; qu'elle se borne à faire valoir que les éléments de comparaison opposés par l'administration, qui sont relatifs à des appartements à l'unité, ne sont pas comparables aux transactions litigieuses, qui relèvent de la vente par bloc ; qu'une telle argumentation ne saurait être admise dès lors qu'un taux d'abattement de 30 % a été admis par le service en ce qui concerne les locaux vendus par bloc ; qu'il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que les locaux en cause, pris individuellement, seraient affectés de caractéristiques particulières privant de pertinence les comparaisons effectuées par le service ; que l'administration était par suite en droit de fonder son estimation des locaux vendus sur les éléments de comparaison retenus, sans procéder à une estimation individuelle de chaque local ; que la société Anor ne conteste pas valablement les prix au mètre carré retenus par l'administration, qui correspondent d'ailleurs pour certains locaux au prix retenu par l'expert, en se prévalant de rapports d'expertise qui ne font état, pour leur part, d'aucune transaction comparable ;

En ce qui concerne l'abattement pour vente par bloc :

6. Considérant que l'administration a appliqué aux immeubles vendus par bloc un abattement de 30%, conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que les rapports d'expertise produits au dossier, qui ne sont appuyés sur aucun exemple précis, ne sauraient suffire à justifier que ce taux d'abattement doive être porté à 35 % ; que les passages invoqués de la réponse ministérielle à M. F...A...16/09/1991 p. 3724 et de la fiche descriptive 3035, qui ne comprennent d'ailleurs que de simples recommandations pour l'évaluation des immeubles, ne font en tout état de cause pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède ;

En ce qui concerne les abattements pour les baux d'une durée de six ans et les baux conventionnés d'une durée de vingt ans :

7. Considérant que, pour déterminer la valeur réelle des appartements litigieux, l'administration a appliqué des abattements respectifs de 20 % sur les appartements occupés avec des baux de six ans et de 35 % sur les appartements occupés avec des baux de vingt ans ; que la SARL Anor soutient que la méthode d'évaluation utilisée par l'administration fiscale doit prendre en compte un abattement de 30 % sur les baux de six ans et de 40 %, voire de 45 % sur les baux conventionnés de vingt ans ; que contrairement à ce qui est soutenu, les abattements appliqués par le service correspondent aux taux usuels sur le marché immobilier et ne sauraient être regardés comme insuffisants ; que les exemples en sens contraire produits par la société requérante concernent, pour une large part, des immeubles totalement ou partiellement occupés en vertu de baux commerciaux, ou détenus en usufruit ; que les taux retenus par les différentes expertises produites par l'intéressée ne sont appuyés sur aucun exemple précis ; qu'aucune information n'est en outre fournie sur les caractéristiques spécifiques des baux en cause, qui seraient de nature à justifier un abattement supérieur à celui retenu par l'administration ; que le moyen relatif à l'insuffisance de ces abattements ne peut par suite qu'être écarté ;

En ce qui concerne l'abattement pour fiscalité latente :

8. Considérant que la SARL Anor soutient que la méthode d'évaluation de l'administration fiscale ne tient pas compte de l'abattement pour fiscalité latente et qu'ainsi la valeur des actifs immobiliers des huit SCI bénéficiaires des apports doit être réduite d'une décote correspondant à la fiscalité latente, à un taux de 33,33 % ; que si une décote correspondant à la fiscalité latente est pratiquée sur le marché, notamment dans les cas où l'acquéreur anticipe qu'en cas de cession ultérieure des immeubles, la plus-value imposable entre ses mains inclura la plus-value latente constatée à la date d'acquisition, la seule circonstance qu'un immeuble pourrait ultérieurement être vendu ne saurait justifier une telle décote, en l'absence d'éléments précis permettant d'identifier un passif fiscal à la date de l'acquisition ; que la société Anor ne fournit aucun élément permettant à la Cour de constater qu'à la date à laquelle elle a apporté les immeubles aux SCI en cause, celles-ci pouvaient anticiper une dette fiscale correspondant à la période antérieure à l'apport et résultant d'une autre cause que la sous-évaluation des immeubles apportés ; que la société requérante ne saurait par suite être regardée comme étant dans le cas où une pratique de marché justifierait une décote pour fiscalité latente ;

Sur les pénalités :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 p. 100 en cas de manquement délibéré (...) " ;

10. Considérant que, pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré, l'administration fiscale fait valoir qu'en tant que professionnelle de l'immobilier, la SARL Anor ne pouvait ignorer ni les règles fiscales applicables en la matière, ni, au cas d'espèce, la circonstance que la valeur d'apport des immeubles litigieux présentait un écart significatif par rapport au prix de vente d'appartements similaires situés dans le même quartier et s'écartait ainsi de la valeur vénale réelle des biens ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, laquelle ne saurait utilement se prévaloir de ce que la minoration ne serait que de 35 % une fois pris en compte l'abattement pour fiscalité latente, la base rehaussée à l'issue de la procédure contentieuse demeure conséquente, en dépit des réductions de base obtenues avant le début de l'instance contentieuse ; qu'en outre, l'administration fait valoir, sans être utilement contredite, la relation d'intérêt existant entre les parties à l'opération ; que, dans ces conditions, et alors même que la société Anor a eu recours à l'avis d'un expert, que le montage adopté pour la cession des actifs de l'intéressée n'aurait pas eu pour objet d'échapper à l'impôt en France, et que l'administration n'a pas maintenu l'intégralité des rehaussements initialement notifiés, le caractère intentionnel de la minoration et la volonté d'éluder l'impôt en résultant doivent être regardés comme établis ; que, par suite, l'administration fiscale justifie l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Anor n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Anor est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Anor et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 11 avril 2018.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 17PA01642


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01642
Date de la décision : 11/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : AARPI DENTONS EUROPE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-04-11;17pa01642 ?
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