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05/04/2018 | FRANCE | N°16PA02174

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 avril 2018, 16PA02174


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat des importateurs et distributeurs de Nouvelle-Calédonie (SIDNC) a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté n° 2015-1071/GNC du 23 juin 2015 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie portant modification de l'arrêté n° 2014-3787/GNC du 23 décembre 2014 relatif au programme annuel des importations pour l'année 2015 en tant qu'il instaure une suspension des importations toutes origines et provenances pour les positions du tarif des douanes 3917.21.12, 3917.21.14

, 3917.23.13, 3917.23.15, 3917.32.14, 3917.32.41 et 7610.90.90.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat des importateurs et distributeurs de Nouvelle-Calédonie (SIDNC) a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté n° 2015-1071/GNC du 23 juin 2015 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie portant modification de l'arrêté n° 2014-3787/GNC du 23 décembre 2014 relatif au programme annuel des importations pour l'année 2015 en tant qu'il instaure une suspension des importations toutes origines et provenances pour les positions du tarif des douanes 3917.21.12, 3917.21.14, 3917.23.13, 3917.23.15, 3917.32.14, 3917.32.41 et 7610.90.90.

Par un jugement n° 1500364 du 4 mai 2016, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé l'arrêté attaqué seulement en tant qu'il instaure une suspension des importations toutes origines et provenances des produits visés à la position 7610.90.90 du tarif des douanes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 juillet 2016 et 5 octobre 2017, le SIDNC, représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500364 du 4 mai 2016 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2015-1071/GNC du 23 juin 2015 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en tant qu'il instaure une suspension des importations toutes origines et provenances pour les positions du tarif des douanes 3917.21.12, 3917.21.14, 3917.23.13, 3917.23.15, 3917.32.14 et 3917.32.41 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 23 juin 2015 en tant qu'il instaure une suspension des importations toutes origines et provenances pour les positions du tarif des douanes 3917.21.12, 3917.21.14, 3917.23.13, 3917.23.15, 3917.32.14 et 3917.32.41 ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le Tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que les dispositions contestées ne visent qu'à assurer des débouchés pour une usine en projet ;

- les dispositions contestées de l'arrêté du 23 juin 2015 méconnaissent les articles Lp. 410-1 et Lp. 421-1 du code de commerce de Nouvelle-Calédonie, portent atteinte à la libre concurrence et au principe de liberté du commerce et de l'industrie et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elles placent le groupe ESQ en situation de monopole et le conduisent à fixer des prix qui ne sont pas établis par le libre jeu du marché et qu'elles font obstacle à l'importation de produits répondant à des normes de sécurité impératives, sauf à obtenir une dérogation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2017, la Nouvelle-Calédonie, représentée par Me Descombes, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge du SIDNC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le SIDNC ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution,

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie,

- le code de commerce de Nouvelle-Calédonie,

- la délibération n° 252 du 28 décembre 2006 du congrès de la Nouvelle-Calédonie relative aux protections de marché en Nouvelle-Calédonie,

- 1'arrêté modifié n° 2007-889/GNC du 1er mars 2007 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie relatif à l'application des mesures de protection de marché en Nouvelle-Calédonie,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeA...,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant Me Descombes, avocat de la Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° 2014-3787/GNC du 23 décembre 2014 relatif au programme annuel des importations pour l'année 2015, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a défini les mesures de restrictions quantitatives applicables cette année-là à l'importation de marchandises, lesquelles étaient énumérées à son annexe 1. Cet arrêté, publié au journal officiel de la Nouvelle-Calédonie du 30 décembre 2014, a pris effet le 1er janvier 2015. Par un arrêté n° 2015-1071/GNC du 23 juin 2015, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a modifié l'annexe 1 de l'arrêté précité en y ajoutant la suspension des importations toutes origines et provenances de produits relevant de douze positions du tarif des douanes et en supprimant toute restriction à l'importation des gâteaux " langues de chat ".

2. Par la présente requête, le Syndicat des importateurs et distributeurs de Nouvelle-Calédonie (SIDNC) demande l'annulation du jugement du 4 mai 2016 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2015-1071/GNC du 23 juin 2015 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en tant qu'il instaure une suspension des importations toutes origines et provenances pour les positions du tarif des douanes 3917.21.12, 3917.21.14, 3917.23.13, 3917.23.15, 3917.32.14 et 3917.32.41, correspondant à certains types de tubes et tuyaux rigides en polymères de l'éthylène et en polymères de chlorure de vinyle (PVC) et à certains types de tubes et tuyaux souples non renforcés en polymères de l'éthylène non réticulé et en polymères du propylène.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Le syndicat requérant soutient que le Tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que les dispositions contestées de l'arrêté du 23 juin 2015 " ne visent qu'à assurer des débouchés pour une usine en projet ". Il ressort toutefois des écritures de première instance du SIDNC qu'il ne s'agissait que d'une simple argumentation au soutien des moyens tirés de l'atteinte à la libre concurrence et au principe de liberté du commerce et de l'industrie. Or, le juge du fond, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par les requérants au soutien d'un moyen, a suffisamment répondu à ces moyens. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 127 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée : " Le gouvernement : / (...) / 2° Etablit le programme des importations / (...) ". Aux termes de l'article 1er de la délibération du 28 décembre 2006 susvisée : " En vue de faciliter l'écoulement des produits fabriqués en Nouvelle-Calédonie sur le marché local, de leur permettre de devenir concurrentiels par rapport aux produits importés et de favoriser ainsi le développement des entreprises locales, il peut être instauré, lorsque l'intérêt économique général de la Nouvelle-Calédonie le justifie, dans les conditions définies par la présente délibération, des mesures de protections de marché destinées à restreindre l'importation de produits concurrents. / L'opportunité d'instaurer une protection de marché s'apprécie, notamment, au regard du supplément de valeur ajoutée apporté par la fabrication locale de biens par rapport à l'importation de biens identiques ou similaires et au regard de l'atteinte portée au droit et au bien-être du consommateur. Les mesures prises peuvent également s'inscrire dans une logique de filière, participer au rééquilibrage économique de la Nouvelle-Calédonie et doivent concourir au développement durable. / La mise en place de protections de marché doit tenir compte de l'évolution du contexte économique de la Nouvelle-Calédonie. Les données fournies et les objectifs énoncés par les demandeurs lors de l'instruction d'une nouvelle demande de protection font l'objet, dans les conditions de la présente délibération et de ses textes d'application, d'un suivi qui permet, dès lors que les protections accordées ne répondent plus à l'intérêt général économique de la Nouvelle-Calédonie, de les réviser ". Aux termes de l'article 2 de cette même délibération : " Ces protections peuvent prendre la forme soit de restrictions quantitatives à l'importation dans le cadre du programme des importations de la Nouvelle-Calédonie, soit de protections tarifaires ". Enfin, aux termes de l'article 13 de cette même délibération : " Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est habilité à prendre, en tant que de besoin, les arrêtés réglementaires nécessaires à la mise en oeuvre de la présente délibération ".

5. Dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions précitées, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie doit se conformer aux principes généraux du droit et en particulier au principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique, notamment, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. Les règles de la concurrence, telles que rappelées par le code de commerce de Nouvelle-Calédonie, doivent également être prises en compte et une règlementation ne doit pas placer une personne en situation d'exploiter une position dominante de façon abusive.

6. Il ressort des pièces du dossier, qu'à la date d'intervention de l'arrêté contesté, la société ESQ et sa filiale à 99 % la société Plastinord étaient les seuls fabricants de tubes et tuyaux en matières plastiques sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie. La mesure contestée a donc conduit à la création d'une situation de monopole s'agissant de la fourniture des biens qu'elle vise. Ne sont toutefois concernées que six catégories de tubes et tuyaux en matières plastiques parmi les trente-deux que compte la nomenclature douanière. En outre, l'arrêté contesté, qui se borne à interdire l'importation de certains biens, n'a ni pour objet ni pour effet de placer le groupe ESQ en situation d'exploiter sa position dominante de façon abusive. Le syndicat requérant soutient que les prix ne seront pas établis par le libre jeu du marché, mais il n'apporte aucun élément sur les prix pratiqués par le groupe ESQ, qui étaient stables à la date d'intervention de l'arrêté contesté. Par ailleurs, si le syndicat requérant fait valoir que la mesure ferait obstacle à l'importation de produits répondant à des normes de sécurité impératives, il indique lui-même qu'il sera possible d'obtenir dans ce cas une dérogation. Enfin, la seule circonstance que la mesure contestée favorise le développement d'une entreprise locale, ce qui constitue l'un des objectifs des mesures de protection de marché en Nouvelle-Calédonie ainsi qu'il ressort des dispositions précitées de l'article 1er de la délibération du 28 décembre 2006, n'est pas de nature à établir l'illégalité de la mesure contestée. Par suite, le SIDNC n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'arrêté du 23 juin 2015 qu'il conteste auraient porté une atteinte excessive au principe de la liberté du commerce et de l'industrie et aux règles de la concurrence et seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le SIDNC n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le SIDNC demande au titre des frais de l'instance. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SIDNC le versement de la somme que la Nouvelle-Calédonie demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du SIDNC est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat des importateurs et distributeurs de Nouvelle-Calédonie et au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- MmeD..., première conseillère,

- Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 5 avril 2018.

La rapporteure,

A. A...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02174
Date de la décision : 05/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Principes généraux - Liberté du commerce et de l'industrie - Réglementation des activités privées - Ne portant pas à la liberté une atteinte illégale.

Outre-mer - Droit applicable - Régime économique et financier - Importations et droits de douane.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SELARL RAPHAELE CHARLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-04-05;16pa02174 ?
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