Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Docks calédoniens de sanitaires de marques (DCSM) a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté n° 2015-1071/GNC du 23 juin 2015 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie portant modification de l'arrêté n° 2014-3787/GNC du 23 décembre 2014 relatif au programme annuel des importations pour l'année 2015.
Par un jugement n° 1500322 du 4 mai 2016, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 juin 2016, 28 septembre 2016 et 6 juillet 2017, la société DCSM, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500322 du 4 mai 2016 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté n° 2015-1071/GNC du 23 juin 2015 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;
3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en vertu du 3ème alinéa de l'article 128 de la loi organique, le président du gouvernement était incompétent pour prendre seul l'arrêté contesté, lequel est en outre entaché d'une irrégularité de forme en l'absence de contreseing ; qu'à cet égard, le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs et d'une erreur de droit, dès lors qu'il constate l'apposition d'une seule signature au bas de l'arrêté litigieux, mais admet néanmoins la régularité de l'arrêté contesté ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure, dès lors qu'il ne pouvait modifier l'arrêté du 23 décembre 2014 sans respecter la procédure de saisine et de consultation prévue par la délibération n° 252 du 28 décembre 2006 du congrès de la Nouvelle-Calédonie et par 1'arrêté du 1er mars 2007 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; que l'adoption de l'arrêté du 23 décembre 2014 a clos la procédure de demande de protection initiée en 2014 ; qu'à cet égard, le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, d'un défaut de motivation et d'une erreur de droit, dès lors qu'il relève que la délibération n° 252 n'impose une nouvelle saisine des autorités qu'en cas de changement des circonstances de fait ou de droit, mais admet la régularité de l'arrêté contesté qui ne pouvait modifier l'arrêté du 23 décembre 2014 qu'en cas de changement des circonstances de fait ou de droit ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit, dès lors que l'article 127 de la délibération n° 252 ne permet pas l'adoption de mesures d'interdiction totale d'importation ; que, sur ce point, le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- le jugement attaqué est entaché d'une autre contradiction de motifs et d'une erreur de droit, en retenant que l'arrêté contesté n'emportait pas une double protection (interdite par l'article 2 de la délibération n° 252) tout en constatant l'application de la taxe conjoncturelle pour la protection de la production locale (TCPPL) à la date de son adoption et en indiquant que tout importateur pourra exceptionnellement ou par démonstration de l'absence de fabrication locale obtenir une autorisation dérogatoire d'importation ;
- l'arrêté contesté interdit l'importation de biens non produits localement en violation de l'article 7 de la délibération n° 252 ; sur ce point, le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la mesure de protection en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et n'aura pour seul effet que de créer une situation de monopole et, par suite, de créer une atteinte grave au principe du commerce et de l'industrie sans intérêt restitué pour la Nouvelle-Calédonie et les consommateurs en termes de prix ou de qualité des matériaux ; qu'à cet égard, le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il a considéré que la mesure en litige faciliterait la distribution des produits locaux et favoriserait l'emploi local et le développement industriel de la Nouvelle-Calédonie ;
- l'arrêté contesté est entaché de détournement de pouvoir et le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur ce point.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 février 2017 et 31 août 2017, la Nouvelle-Calédonie, représentée par Me Descombes, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société DCSM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Docks calédoniens de sanitaires de marques ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution,
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie,
- la délibération n° 252 du 28 décembre 2006 du congrès de la Nouvelle-Calédonie relative aux protections de marché en Nouvelle-Calédonie,
- la délibération modifiée n° 2015-26D/GNC du 3 avril 2015 chargeant les membres du gouvernement de la Nouvelle- Calédonie d'une mission d'animation et de contrôle d'un secteur de l'administration,
- 1'arrêté modifié n° 2007-889/GNC du 1er mars 2007 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie relatif à l'application des mesures de protection de marché en Nouvelle-Calédonie,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeB...,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- les observations de Me E...A..., substituant Me Patrice Tehio, avocat de la société DCSM,
- et les observations de MeC..., substituant Me Descombes, avocat de la Nouvelle-Calédonie.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté n° 2014-3787/GNC du 23 décembre 2014 relatif au programme annuel des importations pour l'année 2015, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a défini les mesures de restrictions quantitatives applicables cette année-là à l'importation de marchandises, lesquelles étaient énumérées à son annexe 1. Cet arrêté, publié au journal officiel de la Nouvelle-Calédonie du 30 décembre 2014, a pris effet le 1er janvier 2015. Par un arrêté n° 2015-1071/GNC du 23 juin 2015, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a modifié l'annexe 1 de l'arrêté précité en y ajoutant la suspension des importations toutes origines et provenances de produits relevant de douze positions du tarif des douanes et en supprimant toute restriction à l'importation des gâteaux " langues de chat ".
2. Il ressort des termes mêmes de la requête d'appel de la société Docks calédoniens de sanitaires de marques (DCSM) que celle-ci doit être regardée comme demandant l'annulation du jugement du 4 mai 2016 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 23 juin 2015 seulement en tant qu'il instaure une suspension des importations toutes origines et provenances pour les positions du tarif des douanes 3917.21.12, 3917.21.14, 3917.23.13 et 3917.23.15, correspondant à certains types de tubes et tuyaux rigides en polymères de l'éthylène et en polymères de chlorure de vinyle (PVC).
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la délibération du 28 décembre 2006 susvisée : " En vue de faciliter l'écoulement des produits fabriqués en Nouvelle-Calédonie sur le marché local, de leur permettre de devenir concurrentiels par rapport aux produits importés et de favoriser ainsi le développement des entreprises locales, il peut être instauré, lorsque l'intérêt économique général de la Nouvelle-Calédonie le justifie, dans les conditions définies par la présente délibération, des mesures de protections de marché destinées à restreindre l'importation de produits concurrents ". Aux termes de l'article 5 de cette même délibération : " Le comité du commerce extérieur est consulté sur tout projet ou proposition se rapportant : / (...) aux mesures de restrictions quantitatives (...) destinés à protéger la production locale / (...) ". Aux termes de l'article 6 de cette même délibération : " Les personnes physiques ou morales qui exercent une activité de production dans l'un des secteurs d'activités suivants, peuvent déposer une demande de protection : a) l'industrie et l'artisanat de production. Par industrie et artisanat de production, il faut entendre la production, la fabrication, la transformation de biens corporels mobiliers / (...) ". Aux termes de l'article 8 de cette même délibération : " La demande de protection est établie, déposée et instruite dans les conditions définies par arrêté du gouvernement ". Enfin, aux termes de l'article 10 de cette même délibération : " La mesure de protection est accordée pour une durée initiale qui ne peut excéder cinq ans. Elle est renouvelable successivement pour des périodes identiques sauf aux services de l'administration à démontrer, notamment, au regard des critères définis en annexe de la présente délibération qu'elle n'est plus adaptée. / Les chambres consulaires concernées sont consultées dans les conditions de délai fixé par arrêté du gouvernement ".
4. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'arrêté du 1er mars 2007 susvisé dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Les demandes de protection de marché sont déposées à la direction régionale des douanes de Nouvelle-Calédonie (DRDNC), (...) ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Dans un délai de deux semaines suivant l'accusé de réception du dossier, la DRDNC le transmet aux chambres consulaires et aux services administratifs concernés. Ceux-ci disposent d'un délai de trois mois à compter de la date de cette transmission pour lui adresser leurs avis. / Les avis émis doivent se prononcer formellement sur la mise en place d'une mesure de protection ou sur son rejet, notamment au regard des critères fixés en annexe de la délibération n° 252 du 28 décembre 2006 susvisée. / (...) / Au plus tard, dans les trois semaines suivant l'expiration des délais impartis, la DRDNC transmet, que les avis lui soient communiqués ou non, la synthèse du dossier au comité du commerce extérieur pour avis ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 6 du même arrêté dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Le comité du commerce extérieur émet son avis sur la mesure préconisée dans le mois suivant sa saisine ".
5. Un arrêté de nature réglementaire qui modifie la liste des marchandises soumises à des restrictions quantitatives à l'importation constitue, comme l'arrêté initial fixant cette liste, une mesure d'application de la délibération du 28 décembre 2006 et de l'arrêté du 1er mars 2007 susvisés et ne peut, par suite, régulièrement être pris qu'à l'issue de la procédure prévue par leurs dispositions précitées.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'en avril 2014, dans le cadre des dispositions précitées de l'article 6 de la délibération du 28 décembre 2006, la société ESQ et sa filiale la société Plastinord ont déposé une demande de protection portant notamment sur leur production de tubes et tuyaux rigides en polymères de l'éthylène et en PVC. Dans le courant de l'année 2014, la direction des affaires économiques du secrétariat général du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, la chambre de commerce et d'industrie et le comité du commerce extérieur ont émis des avis sur les mesures demandées. A l'issue de cette procédure de consultation, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a adopté son programme annuel d'importation pour l'année 2015 par un arrêté du 23 décembre 2014 prenant effet le 1er janvier 2015. Il ressort de son annexe 1 que cet arrêté ne prévoyait aucune restriction quantitative à l'importation des tubes et tuyaux en cause.
7. Ainsi que le reconnaît en défense la Nouvelle-Calédonie, l'arrêté contesté du 23 juin 2015 a modifié l'annexe 1 de l'arrêté précité du 23 décembre 2014 sans qu'une nouvelle demande de protection soit déposée et sans qu'il soit procédé à une nouvelle consultation de la direction des affaires économiques, de la chambre de commerce et d'industrie ou du comité du commerce extérieur conformément aux dispositions précitées de la délibération du 28 décembre 2006 et de l'arrêté du 1er mars 2007. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que l'arrêté du 23 juin 2015 est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement ou d'examiner les autres moyens de la requête, que la société DCSM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2015 en tant qu'il instaure une suspension des importations toutes origines et provenances pour les positions du tarif des douanes 3917.21.12, 3917.21.14, 3917.23.13 et 3917.23.15.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société DCSM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Nouvelle-Calédonie demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 1 500 euros à verser à la société DCSM sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté n° 2015-1071/GNC du 23 juin 2015 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est annulé en tant qu'il instaure une suspension des importations toutes origines et provenances pour les positions du tarif des douanes 3917.21.12, 3917.21.14, 3917.23.13 et 3917.23.15.
Article 2 : Le jugement n° 1500322 du 4 mai 2016 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la société DCSM tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2015 en tant qu'il instaure une suspension des importations toutes origines et provenances pour les positions du tarif des douanes 3917.21.12, 3917.21.14, 3917.23.13 et 3917.23.15.
Article 3 : La Nouvelle-Calédonie versera à la société DCSM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Docks calédoniens de sanitaires de marques et au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- MmeD..., première conseillère,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 5 avril 2018.
La rapporteure,
A. B...Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02076