Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007.
Par un jugement n° 1404147/2-3 du 29 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 15PA01073 du 20 octobre 2015, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.
Par une décision n° 395440 du 22 mai 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 20 octobre 2015 en tant qu'il s'est prononcé sur l'indemnité de 1 112 847,82 euros et renvoyé dans cette mesure l'affaire à ladite Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 mars 2015, 14 septembre 2015,
30 septembre 2015, 26 juin 2017 et 20 octobre 2017, M. et Mme B..., représentés par
Me Streichenberger, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1404147/2-3 du 29 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que l'indemnité perçue de 1 112 847,82 euros par M. B..., qui ne saurait être qualifié de mandataire social et dirigeant de la société Endemol, à l'occasion de son licenciement, lequel a été jugé sans cause réelle et sérieuse par les juridictions judiciaires, doit être regardée comme ayant été versée en application de l'article L. 122-14-4 du code du travail et est par suite exonérée d'impôt sur le revenu sur le fondement du 1. de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 juillet 2015 et 27 septembre 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 21 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au
20 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard, rapporteur,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de Me Streichenberger, représentant M. B....
1. Considérant que M. B... a exercé les fonctions de directeur du développement de la société Endemol du 1er février 2000 au 25 juin 2004, date de son licenciement ; que, par un arrêt en date du 4 juillet 2007, la Cour d'appel de Paris a estimé que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a condamné la société Endemol à verser au requérant une somme de 1 112 847,82 euros, en application du protocole du 13 décembre 1999 annexé à son contrat de travail, et une somme de 12 millions d'euros, en réparation du préjudice résultant de la perte de la faculté d'exercer ses options ; que, par un arrêt en date du 4 février 2009, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société Endemol à l'encontre de l'arrêt susmentionné du 4 juillet 2007 ; que l'administration fiscale a estimé que les sommes en litige étaient imposables, pour la première à hauteur de 732 877 euros, sur le fondement du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts et, pour la seconde en totalité, sur le fondement des articles 79 et 82 du même code ; que M. et Mme B... ont relevé appel du jugement en date du 29 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 ; que par un arrêt n° 15PA01073 du 20 octobre 2015, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement ; que par une décision n° 395440 du 22 mai 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 20 octobre 2015 en tant qu'il s'est prononcé sur l'indemnité de 1 112 847,82 euros et renvoyé dans cette mesure l'affaire à ladite Cour ;
2. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81 et des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable:/ 1° Les indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail ; / (...) 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (...) qui n'excède pas:/ a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ; / b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi (...) / 2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cession de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter. Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède les montants définis aux 3° et 4° du 1 est imposable (...) " ; qu'aux termes de l'article 80 ter du même code : " a Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu./ b Ces dispositions sont applicables :/ 1° Dans les sociétés anonymes : au président du conseil d'administration ; au directeur général ; à l'administrateur provisoirement délégué ; aux membres du directoire ; à tout administrateur ou membre du conseil de surveillance chargé de fonctions spéciales (...) " ;
3. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 122-14-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, repris à l'article L. 1235-3 du même code dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : " Si le licenciement d'un salarié survient sans observation de la procédure requise à la présente section, mais pour une cause réelle et sérieuse, le tribunal saisi doit imposer à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorder au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ; si ce licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le tribunal peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; en cas de refus par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie au salarié une indemnité. Cette indemnité, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité prévue à l'article L. 122-9. (...) " ;
4. Considérant que lorsqu'une indemnité globale est versée à l'occasion de la cessation simultanée de fonctions de salarié et de mandataire social, il convient, pour déterminer le régime fiscal applicable, d'apprécier dans quelle mesure celle-ci vise à réparer la rupture d'un contrat de travail, et dans quelle autre mesure elle tend à indemniser la cessation d'un mandat social ;
5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes du protocole d'accord du 13 décembre 1999, conclu lors du recrutement de M. B..., sur le fondement duquel lui a été versée l'indemnité litigieuse, ainsi que de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 4 février 2009 ayant entériné la mise en œuvre de ce protocole, que l'indemnité de 1 112 847,82 euros restant en litige était due, en raison de son licenciement pour une cause qui n'était pas réelle et sérieuse, au titre de la cession de son activité salariée, sur le fondement des dispositions de l'article
L. 122-14-4 devenu l'article L. 1235-3 du code du travail ; que si la qualification donnée par le juge judiciaire à une indemnité allouée au contribuable ne s'impose pas au juge de l'impôt, il appartient toutefois au ministre, compte tenu des considérations qui précèdent, d'apporter les éléments permettant de considérer que tout ou partie de l'indemnité en cause ne trouvait pas son origine dans la cessation du contrat de travail ; que le ministre n'est pas fondé à se prévaloir d'une prétendue unité des fonctions exercées par M. B..., tant en qualité de salarié que de mandataire social au sein de la société et de ses filiales, pour soutenir que l'indemnité en cause ne relève pas des dispositions précitées du 1. de l'article 80 duodecies du code général des impôts, et ne saurait non plus à cet égard utilement invoquer la nature des griefs faits à l'intéressé par son employeur, lesquels ont été jugés comme dépourvus de fondement par les juges compétents ; que si le ministre fait également valoir que l'établissement d'un tel protocole n'est pas usuel dans le cadre du recrutement d'un salarié et se prévaut de l'importance de l'indemnité prévue par ledit protocole, de telles circonstances ne sauraient suffire à faire regarder ladite indemnité comme ne sanctionnant pas la rupture sans motif du contrat de travail ; que si le ministre soutient par ailleurs que M. B... exerçait, depuis février 2002, la fonction de premier président d'une filiale de la société Endemol, et qu'il a quitté ses fonctions quelques jours après son licenciement, et qu'il a exercé différents mandats au sein de sociétés du groupe, il ne donne sur les modalités d'exercice desdites fonctions et desdits mandats et les conditions de leur rémunération aucun élément permettant de considérer que leur cessation aurait également été indemnisée dans le cadre du versement de la somme de 1 112 847,82 euros ; qu'il ne conteste d'ailleurs pas l'affirmation du requérant selon laquelle les fonctions de mandataire social au sein des filiales de la société Endemol étaient exercées dans le cadre du lien de subordination résultant du contrat de travail le liant à la maison mère ; que l'indemnité versée relevant ainsi des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, c'est à tort que l'administration l'a imposée sur le fondement du 2. du même article ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'exonération de l'indemnité de 1 112 847,82 euros qui a été versée au cours de l'année 2007 à M. B... par la société Endemol et à la décharge correspondante de l'impôt sur le revenu mis à leur charge au titre de ladite année ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : L'indemnité de 1 112 847,82 euros versée au cours de l'année 2007 à M. B... par la société Endemol est exonérée d'impôt sur le revenu.
Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et celles qui résultent de l'application de l'article précédent.
Article 3 : Le jugement n° 1404147/2-3 du 29 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Appèche, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jimenez, premier conseiller,
Lu en audience publique le 28 mars 2018.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
S. APPECHE
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01886