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20/10/2015 | FRANCE | N°15PA01073

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 20 octobre 2015, 15PA01073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007.

Par un jugement n° 1404147/2-3 du 29 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour:

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2015, M. et MmeB..., représentés par Me Streichenberger, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le j

ugement n° 1404147/2-3 du 29 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007.

Par un jugement n° 1404147/2-3 du 29 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour:

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2015, M. et MmeB..., représentés par Me Streichenberger, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1404147/2-3 du 29 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le rattachement des indemnités perçues par M.B..., tant celle de 1 112 847,82 euros que celle de 12 millions d'euros, à l'occasion de son licenciement, qui a été jugé sans cause réelle et sérieuse par les juridictions judiciaires, ouvre droit, au regard de l'article L. 122-14-4 du code du travail, au bénéfice de l'exonération d'impôt prévue par l'article 80 duodecies du code général des impôts ;

- subsidiairement, s'agissant de l'indemnité de 1 112 847,82 euros, c'est à tort que M. B... a été qualifié de mandataire social et dirigeant de la société Endemol.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 14 septembre 2015, M. et Mme B...maintiennent leurs conclusions.

Ils reprennent leurs précédents moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me Streichenberger, avocat de M. et MmeB....

Une note en délibéré, enregistrée le 30 septembre 2015, a été présentée par Me Streichenberger pour M. et MmeB....

1. Considérant que M. B...a exercé les fonctions de directeur du développement de la société Endemol du 1er février 2000 au 25 juin 2004, date de son licenciement ; que, par un arrêt en date du 4 juillet 2007, la Cour d'appel de Paris a estimé que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a condamné la société Endemol à verser au requérant une somme de 1 112 847,82 euros, en application du protocole du 13 décembre 1999 annexé à son contrat de travail, et une somme de 12 millions d'euros, en réparation du préjudice résultant de la perte de la faculté d'exercer ses options ; que, par un arrêt en date du 4 février 2009, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société Endemol à l'encontre de l'arrêt susvisé du 4 juillet 2007 ; que l'administration fiscale a estimé que les sommes en litige étaient imposables, pour la première à hauteur de 732 877 euros, sur le fondement du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts et, pour la seconde en totalité, sur le fondement des articles 79 et 82 du même code ; que M. et Mme B...relèvent régulièrement appel du jugement en date du 29 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 ;

Sur l'indemnité d'un montant de 1 112 847,82 euros :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts dans sa version applicable au présent litige : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81 et des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable : 1° Les indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail ; (...) 2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter. Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède les montants définis aux 3 et 4 du 1 est imposable. " ; qu'aux termes de l'article 80 ter du même code : " a Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu. b Ces dispositions sont applicables : 1° Dans les sociétés anonymes : au président du conseil d'administration ; au directeur général ; à l'administrateur provisoirement délégué ; aux membres du directoire ; à tout administrateur ou membre du conseil de surveillance chargé de fonctions spéciales (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 122-14-4 du code du travail devenu L. 1235-3 du code du travail : " Si le licenciement d'un salarié survient sans observation de la procédure requise à la présente section, mais pour une cause réelle et sérieuse, le tribunal saisi doit imposer à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorder au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ; si ce licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le tribunal peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; en cas de refus par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie au salarié une indemnité. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt de la Cour de cassation que l'indemnité de 1 112 847,82 euros a été versée par la société Endemol à M. B...en application de l'article L. 122-14-4 devenu l'article L. 1235-3 du code du travail ; que, cependant, d'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette seule circonstance ne rend pas ladite indemnité non imposable s'agissant d'une indemnité versée à un mandataire social et dirigeant qui relève des dispositions précitées du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction, notamment de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 4 juillet 2007, que M.B..., directeur du développement de la société Endemol en qualité de salarié, était également " président ou membre dirigeant de toutes les filiales ou sous filiales prises en considération " ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que le protocole d'accord du 13 décembre 1999, conclu lors de son recrutement et sur le fondement duquel lui a été versée l'indemnité litigieuse, prévoyait l'exercice de ces fonctions et fixait des modalités contractuelles de licenciement réservées habituellement aux cadres dirigeants ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, il y a bien lieu de retenir l'unité de fonctions ainsi exercées par M. B...au sein de la société, y compris de ses filiales, sans que la circonstance qu'il était également lié par un contrat de travail à la société mère et donc salarié de cette dernière ne fasse obstacle à l'application des dispositions du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé, sur ce fondement de ladite unité de fonctions, la somme en litige ;

Sur l'indemnité d'un montant de 12 millions d'euros :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 79 du code général des impôts dans sa version alors applicable : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. " ; qu'aux termes de l'article 82 du même code : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits. " ;

6. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt susvisé de la Cour de cassation que l'indemnité de 12 millions d'euros a été versée par la société Endemol à M. B...à titre d'" indemnisation destinée à réparer le préjudice distinct résultant de la perte de la possibilité de lever les options d'actions en raison du licenciement abusif dont il avait fait l'objet avant le 1er janvier 2005 " ; que l'indemnité d'un montant de 12 millions d'euros n'a donc pas pour objet de réparer le préjudice lié à son licenciement sans cause réelle et sérieuse mais correspond à l'avantage dont l'intéressé aurait bénéficié s'il avait pu lever les options d'actions ; que cette indemnité, dont le montant correspond au gain que le requérant aurait réalisé s'il avait pu exercer son droit d'option, trouve, comme ce dernier, sa source dans le contrat de travail, même si, à la date à laquelle elle a été accordée, celui-ci avait pris fin ; qu'ainsi la somme en litige doit être regardée comme une indemnité au sens de l'article 79 du code général des impôts et non comme un gain résultant de l'exercice de ce droit, droit qui aurait pu être exercé par M. B...avant son licenciement, et qui, en l'espèce, n'a pu l'être en raison du licenciement en cause, imposable conformément aux prescriptions de l'article 82 du même code ; que, par suite c'est à juste titre et sans erreur de droit résultant d'une erreur de qualification juridique des faits, que l'administration fiscale, tirant les conséquences de la circonstance que M. B...n'a pu exercer ce droit avant son licenciement, a estimé que l'indemnité dont s'agit était imposable au titre de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées ; que les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens sont sans objet faute de dépens dans la présente instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 20 octobre 2015.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA01073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01073
Date de la décision : 20/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : BREDIN PRAT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-10-20;15pa01073 ?
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