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22/03/2018 | FRANCE | N°17PA01975

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 22 mars 2018, 17PA01975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 août 2016 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le Maroc comme pays de destination.

Par un jugement n° 1615849 en date du 6 avril 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juin

2017 et 2 mars 2018, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 août 2016 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le Maroc comme pays de destination.

Par un jugement n° 1615849 en date du 6 avril 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juin 2017 et 2 mars 2018, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1615849 du 6 avril 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 août 2016 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ; il n'est pas établi que celui-ci disposait du rapport médical qu'elle lui avait adressé, le préfet de police ayant produit devant le juge des référés un exemplaire vierge ; il appartient au préfet de police de communiquer ce rapport médical ;

- l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, n'a pas été transmis sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé, alors qu'elle justifie de circonstances humanitaires exceptionnelles qui auraient dû fonder une décision d'admission exceptionnelle au séjour ;

- le préfet de police s'est cru à tort lié par l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police et n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation ;

- il a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié au Maroc et qu'il est nécessaire que ce soit l'équipe chirurgicale de l'Institut Gustave Roussy qui connaît parfaitement les gestes chirurgicaux déjà effectués, qui réalise les opérations de reconstruction faciale ;

- le principe d'égalité de traitement entre les demandes de titre de séjour en qualité d'étranger malade présentées auprès de la préfecture de police et celles présentées auprès des autres préfectures est méconnu ; en effet, le médecin désigné par le préfet de police ne peut, même s'il l'estime nécessaire, tenir compte de circonstances humanitaires exceptionnelles pour justifier l'admission au séjour de l'intéressé ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ses parents sont décédés, qu'elle est accueillie et soutenue moralement et financièrement par son frère et sa belle-soeur, que ses autres frères ne peuvent la prendre en charge ;

- l'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision lui accordant un délai de départ volontaire et celle fixant le Maroc comme pays de renvoi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté pour Mme B...a été enregistré, après la clôture de l'instruction, le 5 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- et les observations de MeC..., pour MmeB....

1. Considérant que MmeB..., de nationalité marocaine, entrée en France le 23 décembre 2013 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 26 août 2016, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le Maroc comme pays de destination ; que Mme B...fait appel du jugement du 6 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été prise en charge par le département de cancérologie cervico-faciale de l'institut Gustave Roussy pour un ostéosarcome volumineux maxillaire droit ayant nécessité un traitement par chimiothérapie, une lourde intervention chirurgicale le 30 décembre 2013 consistant en une maxillectomie droite élargie et un traitement par radiothérapie postopératoire jusqu'en avril 2014 ; que pour refuser à Mme B...le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du 21 juillet 2016 du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, indiquant que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, toutefois, il ressort des pièces médicales versées au dossier, et en particulier du dossier médical de l'intéressée retraçant les consultations et les actes chirurgicaux subis jusqu'en juin 2017 au sein du département de cancérologie cervico-faciale de l'institut Gustave Roussy et du certificat médical en date du 12 janvier 2016 du docteur Qassemyar du service de chirurgie plastique et reconstructrice de ce même département, que le visage de Mme B...nécessite, en raison des importantes déformations invalidantes résultant de la maxillectomie élargie qu'elle a subie, plusieurs opérations de greffe et de reconstruction tendant notamment à repositionner plusieurs parties du visage et à lui permettre de retrouver un usage normal des cavités buccale et nasale ; qu'en février 2016, des complications sont apparues avec une fracture de la mandibule due à une ostéo-radionécrose qui a provoqué une déviation mandibulaire ; qu'en décembre 2016, des gestes de correction étaient toujours nécessaires avec notamment le retrait d'une plaque d'ostéosynthèse ; que la spécificité des gestes chirurgicaux que nécessitent les opérations de chirurgie reconstructive très importantes du visage de l'intéressée imposent que ce soit l'équipe pluridisciplinaire qui a pratiqué la maxillectomie et qui assure le suivi et la reconstruction faciale en cours qui prenne en charge ces opérations, et alors qu'au surplus, postérieurement à la décision contestée, la requérante a connu un épisode d'infection du matériel d'ostéosynthèse ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, Mme B...doit être regardée comme ne pouvant pas bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé au Maroc ; que, par suite, la requérante est fondée à soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à demander l'annulation de la décision de refus de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 août 2016 du préfet de police ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme B...un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais que Mme B...a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1615849 du 6 avril 2017 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 26 août 2016 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au préfet de police et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mars 2018.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01975
Date de la décision : 22/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : DEBBAGH BOUTARBOUCH

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-22;17pa01975 ?
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