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22/03/2018 | FRANCE | N°16PA02949

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 mars 2018, 16PA02949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Long Long Hair a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 13 juin 2014 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une somme de 34 900 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi de deux travailleurs étrangers démunis d'autorisation de travail, ainsi que la somme de 4 618 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réachemineme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Long Long Hair a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 13 juin 2014 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une somme de 34 900 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi de deux travailleurs étrangers démunis d'autorisation de travail, ainsi que la somme de 4 618 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue à l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1410243 du 19 juillet 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 septembre 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 23 février 2018, la société Long Long Hair représentée par MeG..., demande la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1410243 du 19 juillet 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 13 juin 2014 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

3°) de condamner l'OFII à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance ;

Elle soutient que :

- le procès-verbal daté du 10 septembre 2012 est nul, la société n'ayant débuté son activité que le 1er octobre 2012 ;

- la décision de l'OFII est fondée sur un procès-verbal qui n'a pas été communiqué à la société ;

- le signataire de cette décision ne justifie pas de sa compétence ;

- la société a accompli toutes les formalités d'embauche pour l'emploi de Mme D...A... qui s'est trompée de bonne foi sur son droit de travailler en France ;

- MmeB..., qui dispose d'un titre de séjour, ne se trouvait sur place que dans le cadre d'une entraide familiale ;

- les condamnations prononcées par le Tribunal de grande instance de Meaux par jugement du 22 octobre 2014 sont très faibles ;

- les sanctions prononcées méconnaissent le principe de proportionnalité.

Par un mémoire en défense enregistré 18 décembre 2017, l'OFII, représenté par

MeE..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la société Long Long Hair à lui verser la somme de 2 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code du travail,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeF...,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Courtot, avocat de la société Long Long Hair.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 13 juin 2014, le directeur de l'OFII a mis à la charge de la société

Long Long Hair une somme de 34 900 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article

L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi irrégulier de deux travailleurs étrangers démunis d'autorisation de travail, ainsi qu'une somme de 4 618 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue à l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La société Long Long Hair relève appel du jugement du 19 juillet 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 juin 2014.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en

France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code dans sa rédaction applicable à la date de la décision de l'OFII : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. ". Enfin, l'article L. 8113-7 de ce même code dispose : " Les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. (...). " et aux termes de l'article R. 8253-3 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. ".

4. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. L'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, précise désormais que les sanctions " n'interviennent qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ". Le silence des textes ne saurait donc faire obstacle à la communication du procès-verbal d'infraction à la personne visée, en particulier lorsqu'elle en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution spéciale, qui revêt le caractère d'une sanction administrative.

5. Il résulte de l'instruction que l'OFII a adressé à la société Long Long Hair, par lettre recommandée du 4 novembre 2013, un courrier lui indiquant qu'à la suite d'un contrôle effectué le 10 septembre 2012 ayant donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal, il était envisagé de mettre à sa charge les contributions litigieuses et qu'elle disposait d'un délai de 15 jours pour présenter ses observations. La société Long Long Hair a adressé ses observations à l'OFII par courrier daté du

13 novembre 2013 dans lequel, après avoir fait référence au procès-verbal établi à la suite du contrôle effectué le 10 septembre 2012, elle indiquait ne pouvoir faire des remarques complémentaires sans avoir eu connaissance des " procès-verbaux d'audition ", dont il était demandé communication à l'OFII. Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, cette imprécision ne laisse aucun doute sur la demande du procès-verbal d'infraction cité par le courrier de l'OFII et s'analyse comme une demande de communication du dossier la concernant, au sens de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration précité. Par suite, la société

Long Long Hair, est fondée à soutenir que le défaut de communication de ce procès-verbal, préalablement à l'édiction de la sanction, a entaché la procédure suivie à son encontre d'une méconnaissance du principe du contradictoire et de demander, pour ce motif, l'annulation de la décision litigieuse et la décharge subséquente des contributions mises à sa charge.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la société Long Long Hair est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Long Long Hair, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à l'OFII la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 500 euros à verser à la société Long Long Hair sur le fondement de ces mêmes dispositions et de rejeter la demande de cette dernière au titre des dépens de l'instance, dont elle ne justifie pas.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1410243 du 19 juillet 2016 du Tribunal administratif de Melun et la décision du 13 juin 2014 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sont annulés.

Article 2 : L'OFII versera à la société Long Long Hair une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Long Long Hair et le conclusions de l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Long Long Hair et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- MmeF..., première conseillère,

- MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 mars 2018.

La rapporteure,

M. F...Le président,

I. LUBEN La greffière,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA02949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02949
Date de la décision : 22/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SAINT YVES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-22;16pa02949 ?
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