Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Fuji Tomy a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision du 29 septembre 2014 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 34 900 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à titre subsidiaire, de la décharger du paiement de la contribution spéciale, enfin, à titre très subsidiaire, de la décharger du paiement de la contribution spéciale à hauteur de 20 940 euros.
Par un jugement n° 1428402 du 29 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour
Par une requête enregistrée le 23 mai 2016, la société Fuji Tomy, représentée par Me B..., demande la Cour :
1°) avant dire droit, d'enjoindre à l'OFII de communiquer sous huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, les documents justifiant de l'absence ou de l'empêchement de Mme C...le jour de la signature de l'acte critiqué, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
2°) d'annuler le jugement du 29 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler la décision du 29 septembre 2014 par laquelle l'OFII a mis à sa charge les sommes de 34 900 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) à titre subsidiaire, de la décharger du paiement de la contribution spéciale, enfin, à titre très subsidiaire, de la diminuer à un montant de 13 960 euros ;
5°) de condamner l'OFII à lui verser la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision litigieuse ;
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;
- le procès-verbal visé ne lui a pas été communiqué malgré la demande qui en a été faite à l'OFII, en violation du principe du contradictoire garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et rappelé par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- la décision litigieuse a été prise sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail qui est contraire au principe de proportionnalité des peines garanti par la Constitution et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision litigieuse est contraire au principe " non bis in idem " garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 du protocole n° 7 à la convention, dès lors que deux sanctions administratives lui ont été infligées et qu'une procédure pénale a déjà été engagée à son encontre ;
- le montant de la contribution spéciale, qui est manifestement disproportionné par rapport aux faits reprochés, doit être modulé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et par le juge ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la société établit s'être acquittée des salaires et des charges sociales de ses deux salariés et pouvait donc prétendre au taux minoré de la contribution spéciale.
Par un mémoire en défense enregistré 20 décembre 2017, l'OFII, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la société Fuji Tomy à lui verser la somme de 2 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête de la société Fuji Tomy ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code du travail,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Julliard a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'un contrôle effectué le 24 septembre 2013, les services de police ont constaté que la société Fuji Tomy employait deux personnes n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche et dépourvues d'un titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, ainsi que d'un titre de séjour pour l'une d'entre elles. Par une décision du 29 septembre 2014, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, consécutivement à cette infraction, mis à la charge de la société Fuji Tomy la contribution spéciale, prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 34 900 euros ainsi que la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 309 euros. La société Fuji Tomy relève appel du jugement du 29 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 septembre 2014 de l'OFII.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin de statuer sur les conclusions avant dire droit de la requête :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code dans sa rédaction applicable à la date de la décision de l'OFII : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. ". Enfin, l'article L. 8113-7 de ce même code dispose : " Les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font fois jusqu'à preuve du contraire. (...). " et aux termes de l'article R. 8253-3 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. ".
4. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. L'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, précise désormais que les sanctions " n'interviennent qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ". Le silence des textes ne saurait donc faire obstacle à la communication du procès-verbal d'infraction à la personne visée, en particulier lorsqu'elle en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution spéciale, qui revêt le caractère d'une sanction administrative.
5. Il résulte de l'instruction que l'OFII a adressé à la société Fuji Tomy, par lettre recommandée du 26 mars 2014 réceptionnée le 4 avril 2014, un courrier lui indiquant, par référence au procès-verbal établi lors du contrôle du 24 septembre 2013, qu'il était envisagé de mettre à sa charge les contributions litigieuses et qu'elle disposait d'un délai de 15 jours pour présenter ses observations. La société Fuji Tomy a adressé ses observations à l'OFII par courrier du 10 avril 2014, réceptionné le 14 avril suivant, dans lequel elle sollicitait la communication du procès-verbal du 24 septembre 2013, sans qu'il ait été donné suite à sa demande. Par suite, elle est fondée à soutenir que le défaut de communication de ce procès-verbal préalablement à l'édiction de la sanction a entaché la procédure d'une méconnaissance du principe du contradictoire et de demander, pour ce motif, l'annulation de la décision litigieuse et la décharge subséquente des contributions mises à sa charge.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SARL Fuji Tomy est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SARL Fuji Tomy, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à l'OFII la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 500 euros à verser à la SARL Fuji Tomy sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1428402 du 29 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris et la décision du 29 septembre 2014 par laquelle l'OFII a mis à la charge de la SARL Fuji Tomy les sommes de 34 900 euros au titre de la contribution spéciale en application de l'article L. 8253-1 du code du travail et de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont annulés.
Article 2 : L'OFII versera à la SARL Fuji Tomy une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par l'OFII à ce titre sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Fuji Tomy et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Julliard, première conseillère,
- MmeA..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 mars 2018.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
I. LUBEN
La greffière,
A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01698