La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2018 | FRANCE | N°17PA02716

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 15 mars 2018, 17PA02716


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B..., épouse A...a, par trois demandes distinctes, demandé au Tribunal administratif de Paris, sous le n° 1505303, d'annuler la décision implicite de rejet opposée à sa demande de versement des indemnités journalières pour accident du travail, à compter du 1er septembre 2010, tant qu'elle demeurera en position d'activité et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts, sous le n° 1600225, d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le ministr

e de la défense l'a placée en congé de longue maladie du 1er mars 2010 au 28 fé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B..., épouse A...a, par trois demandes distinctes, demandé au Tribunal administratif de Paris, sous le n° 1505303, d'annuler la décision implicite de rejet opposée à sa demande de versement des indemnités journalières pour accident du travail, à compter du 1er septembre 2010, tant qu'elle demeurera en position d'activité et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts, sous le n° 1600225, d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le ministre de la défense l'a placée en congé de longue maladie du 1er mars 2010 au 28 février 2011, à demi-traitement à compter du 1er septembre 2010 et, sous le n° 1600227, d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2015 par lequel le ministre de la défense l'a radiée des contrôles pour invalidité à compter du 1er mars 2011.

Par un jugement n° 1505303, 1600225 et 1600227/5-3 du 7 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris, joignant ces trois demandes, a annulé les arrêtés du 24 juillet 2015 portant radiation de Mme B...des contrôles pour invalidité à compter du 1er mars 2011 et du 29 septembre 2015 la plaçant en congé de longue maladie du 1er mars 2010 au 28 février 2011, condamné l'Etat à verser à Mme B...une somme de 4 000 euros en réparation du préjudice subi et rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 2 août 2017, le ministre des armées demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1505303, 1600225, 1600227/5-3 du 7 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris en tant seulement que, par ce jugement, les premiers juges ont annulé son arrêté du 24 juillet 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...sous le n° 1600227 devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- l'administration n'est pas tenue de rechercher un poste de reclassement lorsque, en raison de l'altération de son état de santé, l'agent ne peut plus exercer d'activité et ne peut ainsi faire l'objet d'aucune mesure de reclassement ; il ressort du procès-verbal de la commission de réforme du 23 avril 2015 que les infirmités dont souffre Mme B...la placent dans l'impossibilité définitive et absolue d'exercer toute profession ;

- en application du 2° de l'article 3 du décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat le droit à pension est acquis sans condition de durée de service aux agents se trouvant dans l'impossibilité d'assurer leur emploi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2017, MmeB..., représentée par l'AARPI Galy-Couzinet-Condon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune recherche d'adaptation de son poste ou de reclassement n'a été mise en oeuvre préalablement à sa mise à la retraite ;

- les lésions graves dont elle souffre ne sont pas de nature à la rendre inapte à toute activité professionnelle, soit au sein du ministère, soit dans l'une quelconque des administrations de l'Etat, pourvu que la station debout soit limitée ;

- l'administration a l'obligation de maintenir l'agent public dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à la reprise de service ou jusqu'à sa mise à la retraite, qui ne peut prendre effet rétroactivement.

Par ordonnance du 4 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 janvier 2018, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour Mme B...a été enregistré le 27 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- les conclusions de M. Platillero, rapporteur public,

- et les observations de Me Galy, avocat de MmeB....

1. Considérant que MmeB..., recrutée sous le statut d'ouvrière d'Etat du ministère de la défense et affectée à l'hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâce, a été victime le 25 août 1988 d'une chute ayant entraîné des lésions du genou droit, reconnue comme un accident du travail ; qu'à compter du 27 février 2006, elle a été placée en congé maladie ; que, par arrêté du 29 septembre 2011, Mme B...a été rétroactivement placée en congé de longue maladie avec perception du plein salaire pour une durée de six mois du 1er mars 2010 au 31 août 2010, puis maintenue dans cette position pour une nouvelle période de six mois du 1er septembre 2010 au 28 février 2011 avec perception du demi salaire ; qu'à la suite de la réunion de la commission de réforme en date du 15 septembre 2011, Mme B...a été reconnue inapte à tout emploi, avec un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 30 % ; que, par arrêté du 12 octobre 2011, elle a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er mars 2011 ; que cet arrêté a été annulé par le Tribunal administratif de Paris par jugement du 11 mars 2013 pour irrégularité de procédure ; que, le 23 avril 2015, la commission de réforme a émis l'avis que l'affection dont elle souffrait la plaçait dans l'impossibilité définitive et absolue d'exercer toute profession ; que, par un arrêté du 24 juillet 2015, le ministre de la défense l'a radiée des contrôles pour invalidité à compter du 1er mars 2011 ; que, par une demande enregistrée sous le n° 1600227, elle a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de cet arrêté ; que, par un jugement du 7 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris, joignant cette demande à deux autres demandes de l'intéressée, a annulé les arrêtés du 24 juillet 2015 portant radiation de Mme B... des contrôles pour invalidité à compter du 1er mars 2011 et du 29 septembre 2015 la plaçant en congé de longue maladie du 1er mars 2010 au 28 février 2011, condamné l'Etat à verser à Mme B...une somme de 4 000 euros en réparation du préjudice subi et rejeté le surplus des conclusions de ses demandes ; que le ministre des armées relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il a annulé son arrêté du 24 juillet 2015 ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 2004-1056 : " le droit de pension est acquis (...) 2°) sans condition de durée de service aux agents de trouvant dans l'impossibilité d'assurer leur emploi. Cette impossibilité est constatée dans les conditions prévues aux articles 23 et 24 " ; qu'aux termes de l'article 23 du même décret : " I. - Pour l'application du 2° de l'article 3, le ministre dont relève l'ouvrier constate, après avis de la commission de réforme, l'impossibilité définitive et absolue pour cet ouvrier d'exercer son emploi lorsque celle-ci survient avant que l'intéressé ait atteint la limite d'âge de son emploi. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'il résulte d'un principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un agent non titulaire employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur public de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement ou sa mise à la retraite ; que ce principe est applicable en particulier aux ouvriers de l'Etat, recrutés sur un poste permanent ; que, toutefois, l'administration n'est pas tenue de rechercher un poste de reclassement lorsque, en raison de l'altération de son état de santé, l'agent ne peut plus exercer aucune activité professionnelle et ne peut ainsi faire l'objet d'aucune mesure de reclassement ;

4. Considérant qu'il est constant que le ministre de la défense n'a pas examiné la possibilité de reclasser Mme B...dans un autre emploi ni ne l'a invitée à déposer une demande de reclassement ; qu'il fait valoir qu'il n'était pas tenu de rechercher le reclassement de Mme B...sur un autre poste dès lors que la commission de réforme a émis l'avis que Mme B...présentait une inaptitude définitive et absolue à exercer une profession quelconque ; que, si la commission de réforme a émis l'avis que la gonarthrose fémoro-patellaire, affection du genou, emportant un taux d'invalidité de 30 % dont elle est atteinte plaçait Mme B...dans l'incapacité d'exercer une profession quelconque, celle-ci conteste expressément cette impossibilité en soutenant que l'affection du genou droit dont elle est atteinte n'était pas de nature à la rendre inapte à toute activité professionnelle, sous réserve que la station debout soit limitée, et fait valoir sans être contredite qu'elle a bénéficié, en raison de lésions du même genou résultant d'un accident de service survenu en 1988 à l'origine d'un syndrome fémoro-patellaire, d'un poste aménagé de 1988 à 2005 et qu'il a été mis fin de fait à cet aménagement en 2005 par son affectation à un poste aux archives impliquant une station debout presque permanente ; que, par ailleurs, l'expertise médicale réalisée en 2013 par le Dr E...à la demande du ministère de la défense concluant à une gonarthrose emportant un taux d'incapacité permanente partielle de 30 % relève seulement que Mme B...est inapte à ses fonctions depuis le 27 février " 2005 " et ne permet pas d'exclure utilement toute possibilité de reclassement ou d'adaptation de son poste de travail dès lors que l'expert s'est borné à cet égard à relever que " le reclassement était possible jusqu'à cette date mais il est bien tard pour l'envisager car de facto Mme [B...] doit être considérée en retraite pour invalidité " ; qu'il en est de même de l'expertise médicale réalisée par le Dr C...en 2010, qui conclut seulement que " l'état actuel de la patiente est incompatible avec la reprise des activités professionnelles et l'arrêt de travail est toujours justifié " ; qu'il ne ressort ainsi ni de ces pièces, ni d'aucune autre pièce du dossier que du fait de son invalidité partielle Mme B...était effectivement inapte de façon totale et définitive à l'exercice de toute fonction ; que, dans ces conditions, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir qu'il était dispensé de son obligation de rechercher un reclassement ou une adaptation du poste de travail de l'intéressée ; qu'il s'ensuit que sa décision de radier des contrôles Mme B...dans ces conditions était illégale ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 juillet 2015 ; que, par voie de conséquence, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre des armées est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à Mme D...B..., épouseA....

Délibéré après l'audience du 1er mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 mars 2018.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNILe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02716


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02716
Date de la décision : 15/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Radiation des cadres. Inaptitude physique.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : BEZARD GALY COUZINET CONDON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-15;17pa02716 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award