Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Maisons Lofts et Ateliers a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés au titre de la période du 1er mars 2009 au 31 décembre 2010.
Par un jugement n° 1600441/1-3 du 8 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 avril, 6 octobre et 19 novembre 2017, la société Maisons Lofts et Ateliers, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 8 février 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de rectification dont elle a fait l'objet est irrégulière dès lors que la vérification de sa comptabilité a excédé le délai de trois mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, et qui lui est applicable, son chiffre d'affaire pour la période en cause étant nul ;
- la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas exigible sur l'encaissement des acomptes, s'agissant de vente en état futur d'achèvement, mais à la date du transfert de propriété ;
- les encaissements antérieurs au 11 mars 2010 ne sont pas taxables en l'absence de transfert de propriété ;
- la proposition de rectification du 17 juillet 2012 est insuffisamment motivée, les motifs de droit du rehaussement de 1 495 000 euros étant erronés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 2 août et 2 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Maisons Lofts et Ateliers ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société Maisons Lofts et Ateliers.
1. Considérant que la société Maisons Lofts et Ateliers, qui exerce une activité de promotion immobilière et de marchand de biens, relève appel du jugement n°1600441/1-3
du 8 février 2017, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés au titre de la période du 1er mars 2009 au 31 décembre 2010 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts " ; que l'article 302 septies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 2009 et 2010, prévoyait que la limite mentionnée à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales était, pour toutes les entreprises à l'exception de celles dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets fournitures, denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement, respectivement, de 230 000 et de 231 000 euros ;
3. Considérant que la société Maisons Lofts Ateliers soutient que la procédure de rectification dont elle a fait l'objet est irrégulière dès lors qu'elle a fait suite à une vérification de comptabilité ayant excédé la durée de trois mois prévue par les dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires déclaré par la société était supérieur, au titre de chacun des deux exercices vérifiés, respectivement clos le 31 mars 2010 et le 31 décembre 2010, à la limite prévue à l'article 302 septies A du code général des impôts ; que ce chiffre d'affaires s'élevait, en effet, à 519 748 euros pour le premier exercice vérifié et à 840 732 euros pour le second ; que, par suite, le moyen susmentionné ne peut qu'être écarté, sans que la société requérante puisse utilement soutenir que son chiffre d'affaires était en réalité nul au titre de la période en cause ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; que la proposition de rectification du 17 juillet 2012 énonce les considérations de droit et de fait qui fondent les rehaussements litigieux et précise les modalités selon lesquelles les encaissements constatés sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle permettait ainsi à la société requérante de présenter utilement ses observations ; que la double circonstance que n'ait pas été reprise, pour la période postérieure au 11 mars 2010, la citation d'un article du code général des impôts cité au titre de la période antérieure et dont la rédaction est d'ailleurs inchangée, et qu'ait été indiquées les dispositions d'un article inapplicable aux faits de l'espèce, si elle est de nature à affecter le bien-fondé du raisonnement juridique développé dans ledit document, est en tout état de cause sans influence sur sa régularité ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la proposition de rectification du
17 juillet 2012 serait insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 5, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, dont les dispositions ont été reprises au paragraphe 1 de l'article 14 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : " Est considéré comme " livraison d'un bien " le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire " ; qu'aux termes du 2 de l'article 10 de la même directive du 17 mai 1977, dont les dispositions ont été reprises en substance aux articles 64 et 65 de la directive du
28 novembre 2006 : " Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée. Les livraisons de biens autres que celles visées à l'article 5 § 4 b et les prestations de services qui donnent lieu à des décomptes ou à des paiements successifs sont considérés comme effectuées au moment de l'expiration des périodes auxquelles ces décomptes ou paiements se rapportent (...) " ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 11 mars 2010 : " 1. Le fait générateur de la taxe se
produit : (...) c) Pour les mutations à titre onéreux (...) entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, à la date de l'acte qui constate l'opération ou, à défaut, au moment du transfert de propriété ; (...) 2. La taxe est exigible : a. Pour les livraisons et (...) pour les opérations mentionnées aux b, c, d et e du 1, lors de la réalisation du fait générateur " ; qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts dans sa version applicable : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles (...) " ; qu'aux termes de l'article 1601-3 du code civil : " La vente en l'état futur d'achèvement est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes au fur et à mesure de leur exécution ; l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux. " ;
7. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour les ventes en l'état futur d'achèvement, le transfert de propriété des constructions résultant non du contrat mais de l'exécution des travaux, la livraison et, par suite, le fait générateur et la date d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée n'interviennent pas à la date de l'acte qui constate l'opération, mais à l'expiration des périodes auxquelles se rapportent les paiements successifs liés à l'avancement des travaux ; que la taxe devient en conséquence exigible au moment de l'encaissement par le vendeur des acomptes réclamés pendant la période de construction de l'immeuble ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce qu'avant le 11 mars 2010 la taxe sur la valeur ajoutée n'était pas exigible sur l'encaissement des acomptes, s'agissant de vente en état futur d'achèvement, mais à la date du transfert de propriété, et qu'en conséquence les encaissements antérieurs au 11 mars 2010 ne sont pas taxables en l'absence d'un tel transfert constaté au cours de la période en cause, ne peut qu'être écarté, alors même que la société requérante n'aurait pas exercé l'option pour le paiement de la taxe sur les encaissements alors prévue par les dispositions de l'article 252 de l'annexe II au code général des impôts ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Maisons Lofts et Ateliers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Maisons Lofts et Ateliers est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Maisons Lofts et Ateliers et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 21 février 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 14 mars 2018.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01177