Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 1er février 2016 du préfet du Val-de-Marne en tant qu'il a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays de destination.
Par un jugement n° 1604600 du 15 décembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 avril 2017, MmeD..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1604600 du 15 décembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er février 2016 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme D...soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé, dès lors qu'il ne mentionne pas des éléments de sa vie familiale ; les premiers juges n'ont pas pris en compte les pièces qu'elle avait produites ;
- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête de Mme D...a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il ressort des mentions de la copie de l'acte de naissance produite par Mme D... qu'elle est née le 2 septembre 1985 d'un père qui était, à cette date, titulaire de la nationalité française. Le litige soumis à la Cour soulève ainsi une question de nationalité qui présente une difficulté sérieuse ne ressortissant pas à la compétence de la juridiction administrative.
Par un mémoire enregistré le 16 octobre 2017, présentée pour Mme D...en réponse au moyen relevé d'office communiqué par la Cour, Mme D...a informé la Cour de ce qu'elle avait sollicité la délivrance d'un certificat de nationalité française auprès du préfet du Val-de-Marne, son père étant de nationalité française.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 31 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Poupineau a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant MmeD..., ressortissante centrafricaine, est entrée en France le 26 novembre 2014 et a sollicité, le 27 août 2015, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de ses attaches familiales sur le territoire français ; que, par un arrêté du 1er février 2016, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite à l'expiration de ce délai ; que Mme D...fait appel du jugement en date du 15 décembre 2016, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;
3. Considérant qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal a mentionné les différents éléments de sa situation personnelle et familiale dont elle s'était prévalue dans ses écritures et a examiné les pièces qu'elle avait produites pour justifier de la réalité et de l'intensité de ses attaches familiales en France ; que, par suite, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du code civil : " Est français l'enfant, légitime ou naturel, dont l'un des parents au moins est français " ; qu'aux termes de l'article 29 du même code : " Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire à l'exception des juridictions répressives comportant un jury criminel " ; qu'aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle " ; qu'aux termes de l'article 1039 du code de procédure civile : " Le tribunal de grande instance territorialement compétent est celui du lieu où demeure la personne dont la nationalité est en cause ou, si cette personne ne demeure pas en France, le tribunal de grande instance de Paris " ;
5. Considérant que Mme D...a produit devant les premiers juges la copie intégrale de son acte de naissance, dont les mentions ne sont pas contestées par le préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ; que cet acte mentionne que Mme D...est la fille de M.A..., qui l'a reconnue à sa naissance et que celui-ci était, à cette date, titulaire de la nationalité française ;
6. Considérant que le présent litige soulève une question de nationalité présentant un caractère sérieux, qui relève, en vertu de l'article 29 précité du code civil, de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire ; qu'il y a lieu, dès lors, pour la Cour de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête de Mme D...jusqu'à ce que le tribunal de grande instance territorialement compétent ait tranché la question de la nationalité de l'intéressée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de Mme D...dirigée contre l'arrêté du 1er février 2016 du préfet du Val-de-Marne jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si Mme D...possède la nationalité française.
Article 2 : La question mentionnée à l'article précédent est transmise au Tribunal de grande instance de Créteil.
Article 3 : Tous droits et moyens sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt demeurent....
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au président du Tribunal de grande instance de Créteil.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 15 février 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 mars 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA01349