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08/03/2018 | FRANCE | N°15PA02414

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 08 mars 2018, 15PA02414


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume à Paris 7ème, la société civile Jasso A., la société civile Jasso L., la société civile Jasso C., M. E... M..., M. L... N..., la société civile immobilière NICNAT, Mme K... D..., Mme J...B..., la société civile immobilière EMCA, Mme F... H..., M. A... H...et M. C... M...ont demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, de condamner l'Etat à procéder à la suppression des tourelles d'extraction d'air et de la

centrale de traitement de l'air, à repositionner les autres équipements sur le ve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume à Paris 7ème, la société civile Jasso A., la société civile Jasso L., la société civile Jasso C., M. E... M..., M. L... N..., la société civile immobilière NICNAT, Mme K... D..., Mme J...B..., la société civile immobilière EMCA, Mme F... H..., M. A... H...et M. C... M...ont demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, de condamner l'Etat à procéder à la suppression des tourelles d'extraction d'air et de la centrale de traitement de l'air, à repositionner les autres équipements sur le versant intérieur du toit de l'Hôtel de l'Artillerie, 1, place Saint-Thomas d'Aquin, propriété de l'Etat, à occulter les verrières, à réaménager les écoulements sauvages des eaux pluviales et à désolidariser la gaine d'ascenseur du mur d'enceinte du même bâtiment, dans un délai de quatre mois à compter du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de condamner l'Etat à verser à M. N...une indemnité de 5 000 euros, à la SCI NICNAT une indemnité de 5 000 euros, à Mme D...une indemnité de 3 000 euros, à la SCI EMCA et à Mme B...une indemnité de 5 000 euros, à M. et Mme H...une indemnité de 5 000 euros, à M. M...une indemnité de 5 000 euros, au titre du préjudice de jouissance, et à titre subsidiaire de désigner un expert ayant pour mission de relever et décrire les désordres affectant l'immeuble situé 14, rue Saint-Guillaume et celui situé 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs ainsi que les non-conformités de l'immeuble situé 1, place Saint-Thomas d'Aquin, en détailler l'origine, les causes et l'étendue, indiquer les conséquences de ces désordres et nuisances quant à la solidité, l'habitabilité et l'esthétique de l'immeuble situé 14, rue Saint-Guillaume et de celui situé 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs, donner son avis sur les solutions appropriées pour y remédier, évaluer les coûts des travaux utiles, donner son avis sur les préjudices induits par ces désordres et rapporter toutes autres constations utiles.

Par un jugement n° 1412275/5-1 du 16 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés respectivement le 18 juin 2015, le 8 mars 2017 et le 20 mars 2017, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume à Paris 7ème, M. L... N..., la société civile immobilière NICNAT, Mme K...D..., Mme J...B..., la société civile immobilière EMCA, Mme F...H..., M. A... H..., M. C... M..., la société civile Jasso A., la société civile Jasso L., la société civile Jasso C. et M. E... M..., représentés par MeI..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1412275/5-1 du 16 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) à titre principal, de condamner l'Etat, à payer à titre de dommages et intérêts, pour trouble anormal et spécial :

- la somme de 10 000 euros à M. L... N..., copropriétaire occupant du lot W226 de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume ;

- la somme de 10 000 euros à la société civile immobilière NICNAT, copropriétaire du lot W506 de 1'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume occupé par son associé-gérant, Mme K...D... ;

- la somme de 10 000 euros à Mme K...D..., copropriétaire occupant du lot W256 de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume ;

- la somme de 10 000 euros à la SCI EMCA et Mme J...B..., copropriétaires indivis du lot n° 4 72 de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume occupé par Mme J...B... ;

- la somme de 10 000 euros à Mme F...H...et M. A...H..., copropriétaires indivis dans l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume ;

- la somme de 10 000 euros à M. C...M..., occupant en tant qu'associé de la société JASSO A de l'appartement du 1er étage de l'immeuble du 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs ;

3°) à titre accessoire, d'enjoindre à l'Etat, sous astreinte de 1 000 euros par jour au-delà de quatre mois à compter de l'arrêt à intervenir, d'effectuer les travaux propres à mettre un terme aux nuisances, à savoir :

1. La suppression des tourelles d'extraction d'air et un repositionnement, sur le versant intérieur du toit de l'Hôtel de l'Artillerie, des équipements, sous forme de grilles et non plus d'extracteurs, sans moteur extérieur, conformément au permis de construire, supprimant ainsi les nuisances sonores et visuelles ;

2. la suppression de la centrale de traitement de l'air, installée sur la terrasse orientée Nord-Est de l'Hôtel de l'Artillerie et donnant sur l'immeuble du 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs, à l'origine des nuisances sonores et visuelles ;

3. l'occultation des verrières, supprimant ainsi les vues directes et les nuisances lumineuses ;

4. le réaménagement des écoulements sauvages des eaux de pluie tombant du toit de l'Hôtel de l'Artillerie ;

5. la désolidarisation de l'édicule de la gaine d'ascenseur du mur du 14, rue Saint-Guillaume ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat au paiement, au titre de réparation des préjudices déjà subis, de :

- la somme de 10 000 euros à M. L... N..., copropriétaire occupant du lot W226 de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume ;

- la somme de 10 000 euros à la société civile immobilière NICNAT, copropriétaire du lot W506 de 1'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume occupé par son associé-gérant, Mme K...D... ;

- la somme de 10 000 euros à Mme K...D..., copropriétaire occupant du lot W256 de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume ;

- la somme de 10 000 euros à la SCI EMCA et Mme J...B..., copropriétaires indivis du lot n° 4 72 de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume occupé par Mme J...B... ;

- la somme de 10 000 euros à MmeF... H...et M. A...H..., copropriétaires indivis dans l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume ;

- la somme de 10 000 euros à M. C...M..., occupant en tant qu'associé de la société JASSO A de l'appartement du 1er étage de l'immeuble du 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs ;

5°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat au paiement, jusqu'à réalisation des travaux de :

1. suppression des tourelles d'extraction d'air et repositionnement, sur le versant intérieur du toit de l'Hôtel de l'Artillerie, des équipements, sous forme de grilles, et non plus d'extracteurs, sans moteur extérieur, conformément au permis de construire, supprimant ainsi les nuisances sonores et visuelles ;

2. suppression de la centrale de traitement de l'air, installée sur la terrasse orientée Nord-Est de l'Hôtel de l'Artillerie et donnant sur l'immeuble du 10 bis, rue du Pré aux Clercs, à l'origine des nuisances sonores et visuelles ;

3. occultation des verrières supprimant ainsi les vues directes et les nuisances lumineuses ;

4. réaménagement des écoulements sauvages des eaux de pluie tombant du toit de l'Hôtel de l'Artillerie ;

5. désolidarisation de l'édicule de la gaine d'ascenseur du mur du 14, rue Saint-Guillaume ;

• de la somme de 5 000 euros par an à M. L... N..., copropriétaire occupant du lot W226 de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume ;

• de la somme de 5 000 euros par an à la société civile immobilière NICNAT, copropriétaire du lot W506 de 1'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume occupé par son associé-gérant, Mme K...D... ;

• de la somme de 5 000 euros par an à Mme K...D..., copropriétaire occupant du lot W256 de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume ;

• de la somme de 5 000 euros par an à la SCI EMCA et Mme J...B..., copropriétaires indivis du lot n° 4 72 de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume occupé par Mme J...B... ;

• de la somme de 5 000 euros par an à MmeF... H...et M. A...H..., copropriétaires indivis dans l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume ;

• de la somme de 5 000 euros par an à M. C...M..., occupant en tant qu'associé de la société JASSO A de l'appartement du 1er étage de l'immeuble du 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs ;

6°) à titre infiniment subsidiaire, avant-dire-droit, de désigner un expert avec pour mission de :

- relever et décrire les désordres et nuisances allégués dans la requête introductive de première d'instance et affectant l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume et du 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs, ainsi que les non-conformités de l'immeuble du 1, place Saint-Thomas d'Aquin ;

- en détailler l'origine, les causes et l'étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres sont imputables, et dans quelles proportions ;

- indiquer les conséquences de ces désordres et nuisances quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique du bâtiment situé 14, rue Saint-Guillaume et du 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs, et, plus généralement quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;

- donner son avis sur les solutions appropriées pour y remédier, telles que proposées par les parties ;

- évaluer le coût des travaux utiles à l'aide de devis d'entreprises fournis par les parties ;

- donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres et nuisances sur leur évaluation ;

- rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacun des requérants de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé, les premiers juges s'étant bornés à indiquer qu'il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration en dehors des cas prévus par la loi en réponse aux conclusions aux fins d'injonction ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il a écarté les conclusions subsidiaires tendant à ce qu'une expertise soit diligentée sans en expliquer les motifs, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- c'est à tort que le jugement attaqué a estimé qu'un préjudice anormal et spécial n'était pas établi du fait des nuisances sonores, des nuisances visuelles, et de l'écoulement des eaux de pluie dans les jardins des immeubles du 14, rue Saint-Guillaume et du 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs ;

- une injonction sous astreinte d'effectuer les travaux propres à mettre un terme aux nuisances doit être prononcée ;

- à titre infiniment subsidiaire, un expert doit être désigné avant-dire-droit.

Par un mémoire en défense et des nouveaux mémoires, enregistrés respectivement le 29 juillet 2016, le 8 mars 2017 et le 6 avril 2017, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les consorts requérants ne sauraient demander la condamnation de l'Etat à la réalisation de travaux ; ces conclusions, qui doivent être regardées comme des conclusions à fin d'injonction présentées en dehors des cas prévus par le code de justice administrative, sont irrecevables ;

- dès lors que l'immeuble en cause a été cédé par l'Etat le 23 décembre 2016, il en résulte que les conclusions de la requête aux fins d'injonction, celles tendant à la condamnation de l'Etat au paiement de sommes jusqu'à la réalisation des travaux et celles présentées à titre infiniment subsidiaire tendant à la désignation d'un expert doivent être écartées comme irrecevables ;

- les moyens soulevés par les consorts requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume à Paris 7ème, la société civile Jasso A., la société civile Jasso L., la société civile Jasso C., M. E... M..., M. L... N..., la société civile immobilière NICNAT, Mme K... D..., Mme J...B..., la société civile immobilière EMCA, Mme F... H..., M. A... H...et M. C... M...le 21 février 2018.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir rappelé quelles étaient les conclusions présentées à titre principal par les consorts requérants, qui demandaient " de condamner l'Etat à procéder à la suppression des tourelles d'extraction d'air et de la centrale de traitement de l'air, à repositionner les autres équipements sur le versant intérieur du toit de l'Hôtel de l'Artillerie, 1, place Saint-Thomas d'Aquin, propriété de l'Etat, à occulter les verrières, à réaménager les écoulements sauvages des eaux pluviales et à désolidariser la gaine d'ascenseur du mur d'enceinte du même bâtiment, dans un délai de quatre mois, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ", ont estimé que ces conclusions devaient être regardées comme des conclusions à fin d'injonction et ont rappelé qu'il n'appartenait pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration en dehors des cas prévus par la loi pour les rejeter comme irrecevables. Les premiers juges ont, ainsi, suffisamment explicité le motif du rejet de ces conclusions.

3. En second lieu, les premiers juges, après avoir écarté, de manière précise et détaillée, par les points 4 à 8 du jugement attaqué, les demandes indemnitaires des consorts requérants concernant les préjudices subis du fait de diverses nuisances alléguées, ont conclu en estimant, au point 9 du jugement, qu'il résultait de tout ce qui précédait, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que les conclusions du syndicat des copropriétaires du 14 rue Saint-Guillaume et autres aux fins d'indemnisation devaient être rejetées. Les premiers juges ont, ainsi, suffisamment explicité le motif du rejet des conclusions tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée.

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Les dommages subis par des tiers du fait de la réalisation de travaux publics ou de la présence d'un ouvrage public peuvent, même en l'absence de toute faute de l'administration, ouvrir un droit à réparation, lorsque la gêne subie excède les sujétions normales que les riverains doivent supporter dans l'intérêt de l'entretien et de la conservation de l'ouvrage public et revêt le caractère d'un préjudice anormal et spécial. L'ouvrage en cause dans la présente instance - un ensemble immobilier situé 1, place Saint-Thomas d'Aquin à Paris qui appartenait au ministère de la défense - présentant le caractère d'un ouvrage public, les dommages dont les consorts requérants demandent réparation sont ainsi susceptibles, sous réserve que soient réunies les conditions susmentionnées, d'engager la responsabilité de l'Etat à l'égard des requérants qui, étant copropriétaires et/ou occupants des immeubles contigus sis 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs et 14, rue Saint-Guillaume à Paris, ont la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage public.

En ce qui concerne les nuisances sonores :

5. Il résulte de l'instruction que le ministère de la défense, qui occupait un ensemble immobilier situé 1, place Saint-Thomas d'Aquin lui appartenant, a réalisé au cours de l'année 2006 et jusqu'en février 2007 d'importants travaux de rénovation qui consistaient, notamment, en l'installation de dispositifs de ventilation et de réfrigération sur le toit et la terrasse du bâtiment situé à l'ouest de l'ensemble immobilier, contigu des deux immeubles sis 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs et 14, rue Saint-Guillaume. Les consorts requérants, gênés par le bruit de fond généré nuit et jour par les tourelles d'extraction d'air situées sur le pan du toit du bâtiment qui faisait face à leurs appartements, après avoir saisi le ministère de la défense afin de tenter de faire cesser ce bruit, ont fait réaliser, par le service compétent de la préfecture de police, un audit acoustique. Il ressort du rapport de l'inspectrice de la préfecture de police du 4 avril 2008 (mesures effectuées chez trois personnes concernées au 14, rue Saint-Guillaume le 26 mars 2008 de 20 heures 15 à 21 heures 00) l'existence de nuisances sonores, particulièrement importantes dans les bandes d'octave de 1kHZ, 2kHZ et 4kHz, avec une émergence globale de 6,5 dB quand la tolérance est de 5 dB, dans l'appartement appartenant à M. et MmeH..., copropriétaires indivis. Le ministre de la défense fait valoir qu'à la suite des plaintes des riverains, il a, en mai 2010, fait modifier les horaires de fonctionnement des ventilations mécaniques contrôlées et des extracteurs d'air en toiture afin d'éviter les nuisances sonores la nuit, en juillet 2010, fait mettre en place un " fonctionnement dégradé " de la climatisation pour réduire les bruits, en octobre 2010, fait remplacer une pièce défaillante dans le groupe de puissance de la pompe à chaleur, en novembre 2010, fait remplacer un des caissons de ventilation mécanique contrôlée, ce qui a entraîné immédiatement la disparition des bruits aigus, en juillet 2011, fait mettre en place un écran acoustique sur la terrasse technique des bâtiments 03 et 04 afin d'insonoriser les groupes de ventilation en toiture et de permettre une atténuation du bruit (une photographie de l'écran acoustique installé étant produite) et en 2014, fait poser des silencieux et des variateurs de vitesse sur les extracteurs en toiture du bâtiment 03 et 04 et fait installer un contrôle horaire arrêtant ces extracteurs entre 20 heures 00 et 07 heures 45. Les consorts requérants soutiennent que malgré ces mesures techniques, les nuisances sonores ont perduré. A l'appui de leur allégation, ils ont produit en appel, joint au mémoire en réplique enregistré le 8 mars 2017, un constat de nuisances sonores réalisé le 24 septembre 2015 en période diurne par le bureau d'étude acoustique Orythie dans l'appartement de M. et MmeH..., copropriétaires indivis dans l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume ; il en ressort que, d'une part, le fonctionnement des équipements a été continu et que, d'autre part, la mesure réalisée à la fenêtre de la chambre de cet appartement a révélé une émergence de 7, alors que l'émergence maximale diurne autorisée est de 5 (la mesure réalisée à la fenêtre du salon a révélé, quant à elle, une émergence de 5, conforme à l'émergence maximale diurne autorisée de 5). Il résulte de ce qui précède que M. et MmeH..., copropriétaires indivis dans l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume, ont subi, depuis la réalisation des travaux de rénovation des bâtiments riverains appartenant au ministère de la défense en 2007-2008 et jusqu'à la mise en oeuvre des mesures techniques susmentionnées, des nuisances sonores significatives, et que ces nuisances sonores, quoiqu'atténuées par les mesures techniques énumérées ci-dessus, étaient toujours supérieures à l'émergence maximale diurne autorisée lors du second audit acoustique réalisé en septembre 2015 et constituaient dès lors un préjudice anormal. Par suite, il sera fait une juste appréciation de l'indemnité à laquelle la ministre des armées doit être condamnée en allouant à Mme F...H...et M. A...H..., copropriétaires indivis occupants de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume, une indemnité de 3 000 euros en réparation du préjudice constitué par les nuisances sonores qu'ils ont personnellement subies. Les autres demandes indemnitaires doivent être rejetées dès lors que, d'une part, elles ont été présentées par des personnes physiques qui n'ont pas établi, à la différence de M. et MmeH..., avoir subi des nuisances sonores constituant un préjudice anormal et que, d'autre part, elles ont été présentées au profit de personnes morales qui ne sauraient soutenir avoir souffert de nuisances sonores.

En ce qui concerne les nuisances visuelles :

6. Les consorts requérants font valoir que les tourelles d'aération installées sur la toiture de l'immeuble riverain sont inesthétiques et que des verrières ont été créées dans cette toiture, qui occasionnent des vues directes sur les propriétés. Il résulte toutefois de l'instruction que, d'une part, les tourelles d'aération, de forme cubique et de taille réduite, peu nombreuses, ne sont pas de nature à constituer des nuisances visuelles objectives préjudiciables à la jouissance des appartements ayant vu sur elles, dont les requérants sont occupants et/ou copropriétaires. D'autre part, le ministre de la défense établit avoir fait poser des stores occultants sous les verrières dont s'agit à l'intérieur des locaux lui appartenant, et fait valoir qu'un système automatique permettant de descendre ces stores la nuit a été mis en place dans un premier temps, puis que ces stores ont ensuite été descendus en permanence afin de donner satisfaction aux requérants, un système d'horloge et d'abaissement de l'intensité lumineuse des spots plafonniers ayant été également mis en place. Par ailleurs, les consorts requérants n'établissent pas, par les photographies qu'ils produisent, que les verrières ainsi créées dans la toiture du bâtiment riverain, dont l'objet est d'assurer un éclairage zénithal des locaux qu'elles surplombent, permettraient des vues directes dans les appartements dont ils sont occupants et/ou copropriétaires. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que l'architecte des bâtiments de France aurait émis des réserves quant à l'installation de ces verrières est, en tout état de cause, sans incidence sur les conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat à l'égard des consorts requérants sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques. Par suite, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, les consorts requérants ne sont pas fondés à demander la réparation d'un prétendu trouble de jouissance résultant de nuisances visuelles et de vues directes occasionnées par l'installation d'un dispositif de ventilation et de réfrigération ou la création de verrières.

En ce qui concerne l'écoulement des eaux de pluie dans les jardins des immeubles du

14, rue Saint-Guillaume et du 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs :

7. Il résulte de l'instruction, et notamment des photographies produites par le ministre de la défense, que le mur séparant les parcelles du 10 bis, rue du Pré-aux-Clercs et du 14, rue Saint-Guillaume de l'ensemble immobilier qui appartenait au ministère de la défense est recouvert d'une couvertine en zinc présentant une faible pente vers une gouttière à l'anglaise, située à l'aplomb de la parcelle qui appartenait à l'Etat, qui recueille ainsi d'un côté les eaux pluviales tombant sur cette couvertine, et de l'autre celles tombant sur le pan du toit du bâtiment, dont les dimensions sont adaptées à cet usage et dont le ministre de la défense fait valoir qu'elle est entretenue régulièrement pour éviter tout engorgement.

8. Cependant, les consorts requérants produisent une photographie du mur séparant la parcelle du 14, rue Saint-Guillaume de l'ensemble immobilier qui appartenait au ministère de la défense montrant une importante trainée verte allant du sommet du mur jusqu'au sol, formée vraisemblablement par des mousses. Si cette photographie établit l'existence d'un défaut dans le système d'évacuation des eaux pluviales, soit du fait d'une fuite dans la gouttière, soit du fait d'un débordement récurrent du trop-plein, de nature à dégrader le mur le long duquel les eaux pluviales s'écoulent ainsi comme à favoriser une humidité dans les locaux qui étaient occupés par les services du ministère de la défense, situés de l'autre côté de ce mur, les consorts requérants n'établissent toutefois ni que ce mur serait mitoyen, ni que l'écoulement des eaux pluviales dans le jardin de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume aurait nui aux plantes décoratives qui y auraient été implantées. Par suite, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, les consorts requérants ne sont pas fondés à demander la réparation des désordres allégués résultant de l'écoulement d'eaux pluviales dans leur propriété.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense :

9. Les consorts requérants ont présenté des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à l'Etat d'effectuer des travaux propres à mettre fin aux nuisances. Toutefois, il est constant que l'ensemble immobilier dénommé Hôtel de l'Artillerie a été vendu à la Fondation nationale des sciences politiques en décembre 2016. Par suite, les conclusions à fin d'injonction dirigées contre l'Etat sont devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant à ce qu'une expertise soit diligentée :

10. Dès lors qu'il est constant qu'à la suite de la vente, en décembre 2016, de l'ensemble immobilier dénommé Hôtel de l'Artillerie à la Fondation nationale des sciences politiques, celle-ci va engager de très importants travaux de transformation des locaux afin d'y créer un campus universitaire, les conclusions susvisées tendant à ce qu'une expertise soit diligentée sont devenues sans objet.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat (ministre des armées) le paiement aux consorts requérants, pris solidairement, de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La ministre des armées est condamnée à verser une indemnité de 3 000 euros à M. et Mme A...et ArletteH....

Article 2 : Le jugement n° 1412275/5-1 du 16 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat (ministre des armées) versera aux consorts requérants, pris solidairement, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 14, rue Saint-Guillaume à Paris 7ème, à M. L... N..., à la société civile immobilière NICNAT, à Mme K...D..., à Mme J...B..., à la société civile immobilière EMCA, à Mme F...H..., à M. A... H..., à M. C... M..., à la société civile Jasso A., à la société civile Jasso L., à la société civile Jasso C., à M. E... M...et à la ministre des armées.

Copie en sera délivrée à la Fondation nationale des sciences politiques.

Délibéré après l'audience du 15 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- MmeG..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELa greffière,

C. POVSELa République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02414
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité - Qualité de tiers.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SCP ZURFLUH LEBATTEUX SIZAIRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-08;15pa02414 ?
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