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15/02/2018 | FRANCE | N°17PA01661

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 février 2018, 17PA01661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 18 avril 2017 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant son pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative ainsi que de l'arrêté du même jour prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1706785/8 du 22 avril 2017, le Tribunal admi

nistratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 18 avril 2017 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant son pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative ainsi que de l'arrêté du même jour prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1706785/8 du 22 avril 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mai 2017, M. F..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706785/8 du 22 avril 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 18 avril 2017 portant obligation de quitter le territoire sans délai, en fixant son pays de destination et le plaçant en rétention administrative ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 18 avril 2017 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "raison de santé", de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :

- l'auteur de la décision portant obligation de quitter le territoire était incompétent ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur de droit dès lors que le requérant est entré de manière régulière sur le territoire français ;

S'agissant de la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire :

- la décision est insuffisamment motivée dès lors que le préfet ne vise pas un des cas prévus à l'article L. 511-1 II 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'auteur de la décision attaquée était incompétent ;

- l'article L. 511-1 II 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est contraire aux objectifs de la directive retour ;

- le préfet a commis une erreur de fait dès lors que M. F...dispose d'un passeport, d'un visa et d'un justificatif de domicile ;

- il ne ressort pas de la décision attaquée que le préfet aurait exercé son pouvoir d'appréciation ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences graves de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2018 le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la directive n° 2008/115/CE,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. Lapouzade a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 22 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2017 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant son pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative ainsi que de l'arrêté du même jour prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Sur les moyens communs aux décisions portant obligation de quitter le territoire et refus d'octroi d'un délai volontaire :

2. En premier lieu, par arrêté n° 2016-00591 du 22 juin 2016, publié au recueil des actes administratifs de la ville de Paris du 28 juin 2016, le préfet de police a donné délégation à Mme D...G..., attachée d'administration de l'Etat, pour signer les décisions en matière de police des étrangers dans la limite de ses attributions. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit donc être écarté comme manquant en fait.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ".

4. L'arrêté contesté vise les textes applicables et précise que M. F... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et que l'intéressé est actuellement dépourvu de titre de séjour en cours de validité. En outre, s'agissant spécifiquement de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet de police a précisé qu'il existe un risque que M. F...se soustraie à l'obligation de quitter le territoire prononcée à son encontre dès lors qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes ; qu'en effet il ne peut justifier de documents d'identité en cours de validité et n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, et doit être regardé comme suffisamment motivé. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation desdites décisions doit être écarté comme manquant en fait.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. F...est entré en France de manière régulière le 11 mars 2017, en possession d'un passeport en cours de validité et d'un visa Schengen valable du 10 mars 2017 au 12 juin 2017 pour une durée de trente jours.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police ne pouvait légalement prononcer une obligation de quitter le territoire à l'encontre de M. F...en se fondant sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où celui-ci justifiait être entré régulièrement sur le territoire français. Dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a substitué à cette base légale erronée les dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du même code dès lors que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa et cette substitution de base légale n'a pas eu pour effet de priver l'intéressé d'une garantie et l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 précité doit être écarté.

Sur les conclusions dirigées contre la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

8. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. / (...) ".

9. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE, " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours. ".

10. Les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient qu'un délai de départ volontaire de trente jours est accordé à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Ce même article prévoit qu'il peut être dérogé à ce délai en cas de risque de fuite, si la personne constitue une menace pour l'ordre public ou si l'étranger s'est vu refuser une demande de titre de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse. Ainsi, ces dispositions reprennent les stipulations précitées de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE et ne méconnaissent pas ses objectifs. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives contraires aux objectifs de cette directive doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. F...est entré en France le 11 mars 2017 sous couvert d'un visa d'entrée et de court séjour, qu'il était en possession d'un passeport en cours de validité et qu'il avait déclaré lors de son audition par les services de la préfecture de police qu'il résidait chez son frère à Mantes-la-Jolie. Par suite, la décision portant refusant d'accorder un délai de départ volontaire ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du 3° f du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

13. En l'espèce, si M. F...est entré régulièrement sur le territoire français, il s'est maintenu au-delà de la durée de séjour prévue par son visa de court séjour, à savoir trente jours, sans être titulaire d'un premier titre de séjour. Ainsi, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les dispositions du 3° b du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles du 3° f du II de l'article L. 511-1 du même code dès lors, en premier lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en deuxième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet dès lors que M. F...dispose d'un passeport, d'un visa et d'un justificatif de domicile doit être écarté comme inopérant.

14. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas fait usage de son pouvoir d'appréciation. Par suite, le moyen doit être écarté.

15. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur les conclusions dirigées contre la décision ordonnant son placement en rétention administrative :

16. Aux termes du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " (...) La décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification, suivant la procédure prévue à la section 1 du chapitre II du titre V du présent livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par ordonnance unique lorsqu'il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l'article L. 552-1 (...) ".

17. Il résulte de ces dispositions que seul le juge de la liberté et de la détention est compétent pour connaître des conclusions dirigées contre les décisions de placement en rétention administrative. Par suite, les conclusions de la requête dirigées contre la décision portant placement en rétention doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

18. Si M. F...demande à la Cour l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, il n'assortit ces conclusions d'aucun moyen spécifique. En conséquence, celles-ci doivent être rejetées en conséquence du rejet des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- MmeE..., première conseillère,

- Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 février 2018.

Le président rapporteur,

J. LAPOUZADE

L'assesseure la plus ancienne,

M. E...

Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01661
Date de la décision : 15/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : AZGHAY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-02-15;17pa01661 ?
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