La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2018 | FRANCE | N°16PA02374

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 février 2018, 16PA02374


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public industriel et commercial Régie autonome des transports parisiens (RATP) a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 12 janvier 2015 par laquelle le ministre chargé du travail a refusé de l'autoriser à révoquer M. E... B....

Par un jugement n° 1503578/3-3 du 28 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision attaquée et, d'autre part, enjoint au ministre chargé du travail, sous réserve d'un éventuel changem

ent de circonstances, d'autoriser la révocation de M. B....

Procédure devant la Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public industriel et commercial Régie autonome des transports parisiens (RATP) a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 12 janvier 2015 par laquelle le ministre chargé du travail a refusé de l'autoriser à révoquer M. E... B....

Par un jugement n° 1503578/3-3 du 28 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision attaquée et, d'autre part, enjoint au ministre chargé du travail, sous réserve d'un éventuel changement de circonstances, d'autoriser la révocation de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2016, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1503578/3-3 du 28 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par la RATP devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la RATP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure disciplinaire mise en oeuvre par la RATP est entachée de nombreuses irrégularités ;

- la décision contestée du ministre chargé du travail est bien fondée et bien motivée ;

- les poursuites disciplinaires ont été mises en oeuvre en raison de son mandat syndical.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2016, la RATP, représentée par Me Pelletier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 21 septembre 2017, la ministre du travail indique qu'elle s'en remet à la sagesse de la Cour quant à l'appréciation des suites à donner à la requête de M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le décret n° 59-1091 du 23 septembre 1959,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeA...,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Pelletier, avocat de la RATP.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., agent titulaire de l'établissement public industriel et commercial Régie autonome des transports parisiens (RATP), a été recruté le 19 juillet 1999 en qualité de machiniste receveur. Il était affecté au centre de bus " Charlebourg " à La Garenne Colombes (Hauts-de-Seine). Il exerçait par ailleurs les mandats de délégué du personnel titulaire et de représentant d'une section syndicale. Par courrier du 5 novembre 2012, la RATP a demandé à l'inspection du travail de l'autoriser à procéder à la révocation de M. B... pour motif disciplinaire. Par une décision du 31 décembre 2012, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder cette autorisation. Par une décision du 16 août 2013, le ministre chargé du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail, mais a également refusé d'autoriser la révocation de M. B.... Cette dernière décision a été annulée par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 10 septembre 2014 qui a enjoint au ministre de réexaminer la demande de la RATP. Par une décision du 12 janvier 2015, le ministre chargé du travail a de nouveau refusé d'autoriser la révocation de M. B.... Par la présente requête, M. B... demande l'annulation du jugement du 28 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision du 12 janvier 2015 et a enjoint au ministre chargé du travail, sous réserve d'un éventuel changement de circonstances, d'autoriser sa révocation.

Sur les conclusions de M. B... dirigées contre le jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail, et notamment durant des arrêts de travail pour maladie, ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.

3. Il ressort des pièces du dossier que la RATP a sollicité l'autorisation de révoquer M. B... au motif que celui-ci avait méconnu l'article 88 du statut de son personnel qui prohibe, sous peine de poursuites disciplinaires, l'exercice de toute activité, rémunérée ou non, aux bénéficiaires d'un congé de maladie, sauf autorisation expresse. La RATP faisait valoir que M. B... avait exercé des activités salariées non autorisées pendant vingt-neuf jours au cours de plusieurs périodes de congés de maladie de 2006 à 2008.

4. Par la décision litigieuse du 12 janvier 2015, le ministre chargé du travail a considéré que les faits reprochés à M. B... était établis et fautifs. Il a néanmoins refusé d'autoriser la révocation au motif que ces faits n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier une telle sanction. Il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que, pour regarder ces faits comme n'étant pas d'une gravité suffisante, le ministre s'est fondé sur trois circonstances : tout d'abord, la RATP n'a pas justifié du " préjudice réel causé par les agissements de M. B... ", ensuite, " depuis 2008 et l'arrêt de ses agissements fautifs, le salarié a donné satisfaction dans l'exercice de son activité professionnelle " et, enfin, " le salarié a lui-même mis fin à ses agissements quatre ans avant que les faits ne soient portés à la connaissance de son employeur ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la caisse de coordination aux assurances sociales (CCAS) de la RATP a invalidé la totalité des arrêts de travail pour maladie de M. B... pendant lesquels il avait exercé une activité professionnelle dans une société privée et que cette décision a été confirmée par un jugement du 16 octobre 2015 du Tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines. Par conséquent, la RATP a dû rembourser à la CCAS les sommes perçues au titre des prestations de maintien du salaire de M. B.... Celui-ci est en conséquence redevable envers son employeur d'une somme de 5 828,68 euros net, mais la RATP soutient sans être contredite que M. B... ne lui a pas remboursé cette somme à ce jour. La RATP fait également valoir que les salaires des agents auxquels elle a dû faire appel pour remplacer M. B... pendant ses arrêts de maladie non justifiés sont restés à sa charge. La RATP justifie donc d'un préjudice financier, contrairement à ce qu'a estimé le ministre dans sa décision en litige. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet de deux sanctions disciplinaires non contestées en juin et novembre 2013, consistant en un total de cinq jours de mise en disponibilité d'office. C'est donc à tort que la décision en litige s'est fondée sur la circonstance que " depuis 2008 et l'arrêt de ses agissements fautifs, le salarié a donné satisfaction dans l'exercice de son activité professionnelle ". Enfin, si la décision en litige se fonde sur la circonstance que le salarié a lui-même mis fin à ses agissements fautifs, cette affirmation doit être nuancée dans la mesure où M. B... ne conteste pas avoir mis fin à ses agissements à la demande d'un membre du syndicat qu'il souhaitait représenter. Par suite, en se fondant exclusivement sur des circonstances inexactes pour estimer que les faits fautifs commis par M. B... n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier sa révocation, le ministre chargé du travail a entaché sa décision d'erreurs de fait de nature à entraîner l'annulation de sa décision en litige.

6. Enfin, les moyens soulevés par M. B... tirés de ce que la procédure disciplinaire mise en oeuvre par la RATP serait irrégulière et serait en lien avec son mandat sont inopérants, dès lors que la décision en litige n'est pas fondée sur de tels motifs.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 12 janvier 2015 du ministre chargé du travail et a enjoint à ce ministre, sous réserve d'un éventuel changement de circonstances, d'autoriser sa révocation.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la RATP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme que la RATP demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la RATP présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- MmeD..., première conseillère,

- Mme A..., premier conseillère.

Lu en audience publique, le 15 février 2018.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02374


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02374
Date de la décision : 15/02/2018
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - motifs - Erreur de fait.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : VERDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-02-15;16pa02374 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award