Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. I...D...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 avril 2017 par lequel le préfet de police l'a transféré aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande de protection internationale.
Par un jugement n° 1707225 du 12 mai 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 5 juin 2017 sous le n° 17PA01919, M. D..., représenté par Me Boudjelti, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 19 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, dans un délai de 48 heures à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 100 euros par jours de retard, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. D...soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le premier juge n'a pas, contrairement aux dispositions de l'article R. 776-27 du code de justice administrative, communiqué le dispositif du jugement sur place aux parties et que l'affaire, dans l'application Sagace, avait toujours un statut " en cours de délibéré " plusieurs jours après sa date de lecture ;
- la décision contestée est entachée d'un vice d'incompétence et d'une insuffisance de motivation ;
- la décision contestée a méconnu le droit à l'information garanti par les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 et du 1. et 4. de l'article 4 et de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard de la décision 2015/1601 du conseil du 22 septembre 2015.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par M. D...ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 5 juin 2017 sous le n° 17PA01920, M. D..., représenté par Me Boudjelti, demande à la Cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1707225 du 12 mai 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. D...soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le premier juge n'a pas, contrairement aux dispositions de l'article R. 776-27 du code de justice administrative, communiqué le dispositif du jugement sur place aux parties et que l'affaire, dans l'application Sagace, avait toujours un statut " en cours de délibéré " plusieurs jours après sa date de lecture ;
- la décision contestée est entachée d'un vice d'incompétence ;
- la décision contestée a méconnu le droit à l'information garanti par les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 et du 1. et 3. de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard de la décision n° 2015/1601 du conseil du 22 septembre 2015.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Boudjelti, avocat de M.D....
1. Considérant que l'appel et la demande de sursis à exécution ont été formés par le même requérant contre un même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a dès lors lieu de les joindre et de statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M.D..., de nationalité soudanaise, entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 28 septembre 2016, s'est ensuite présenté devant les services de la préfecture de police le 1er août suivant pour solliciter son admission provisoire au séjour afin de saisir l'Office de protection des réfugiés et apatrides d'une demande de protection internationale ; que, par un arrêté du 19 avril 2017, le préfet de police a décidé de transférer l'intéressé aux autorités italiennes pour l'examen de cette demande ; que le requérant relève appel du jugement du 12 mai 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 19 avril 2017 et demande par ailleurs à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier d'appel et de première instance que le dispositif du jugement attaqué a été lu le 12 mai 2017 alors que, dans l'application Sagace, l'affaire avait toujours un statut " en cours de délibéré " plusieurs jours après sa date de lecture ; que le requérant est dès lors fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité et à en demander l'annulation pour ce motif ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. D... ;
5. Considérant, en premier lieu, que le requérant soutient que Mme C...B...n'était pas compétente pour signer l'arrêté contesté ;
6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'arrêté n° 2017-00120 du 15 février 2017, alors en vigueur, relatif aux missions et à l'organisation de la direction de la police générale de la préfecture de police, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 21 février 2017 et de l'arrêté n° 2017-00158 du 28 février 2017, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris le 1er mars 2017, que le préfet de police alors en fonction, M.A..., a délégué sa signature à Mme C...B..., attachée d'administration placée sous l'autorité de M. G..., chef du 10ème bureau, en cas d'absence ou d'empêchement de M.F..., sous directeur de l'administration des étrangers, de M. E..., adjoint au sous-directeur de l'administration des étrangers et de M.G..., aux fins de signer les décisions relatives à l'application de la réglementation relative au séjour et à l'éloignement des étrangers et, notamment, des demandeurs d'asile ; que M. D... n'établit ni même n'allègue que M. F..., M. E...et M. G...n'auraient pas été absents ou empêchés ;
7. Considérant, d'autre part, que la délégation accordée par un préfet de police en fonction devient caduque à compter de l'entrée en fonctions de son successeur ; que la circonstance que M. H..., qui a pris la succession de M. A..., a été nommé préfet de police par un décret du 19 avril 2017, d'ailleurs publié au journal officiel du 20 avril suivant, n'est pas de nature à établir qu'il a effectivement pris ses fonctions à cette date ; qu'il n'est pas contesté qu'il a en réalité été installé dans ses fonctions le 21 avril seulement ; que, par suite, la délégation de signature mentionnée au point 6 n'était pas caduque lorsque Mme B...a signé, le 19 avril 2017, l'arrêté en litige ;
8. Considérant, par suite, que le moyen tiré de ce que Mme B...n'était pas compétente pour signer l'arrêté litigieux manque en fait ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. (...) La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres (...) " ; que le modèle de cette brochure commune figure sous l'annexe X au règlement n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ; qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...). / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) "; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative te décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend " ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du même code : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article
L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger " ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après que les empreintes digitales de M. D...ont été exploitées par le système " Eurodac ", le préfet de police a engagé la procédure de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, au sens des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ; que M. D...a reçu, contre sa signature, le 21 novembre 2016, les informations requises par les dispositions de l'article 29 du règlement n° 603/2013, et par les dispositions de l'article 4 du règlement précité n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; qu'en outre, il a bénéficié, à la même date, d'un entretien, tenu dans les conditions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 et a apposé sa signature au bas du compte rendu de cet entretien qui mentionne que ce dernier s'est déroulé avec l'assistance d'un interprète en langue arabe par téléphone ; que si le requérant soutient qu'il est analphabète et qu'il parle l'arabe dialectal soudanais, il n'établit pas ne pas avoir été en mesure de comprendre les informations qui lui ont été délivrées à cette occasion ; que dès lors, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 et des 1 et 3 de l'article 4 et de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doivent être écartés ;
11. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du paragraphe 2 du 2. de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillance systémique dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable " ;
12. Considérant que le requérant soutient que les conditions d'accueil des migrants en Italie ne sont pas satisfaisantes, les autorités italiennes ne pouvant faire face à l'afflux de migrants ; que toutefois, l'Italie, État membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas de la documentation publique disponible que les procédures italiennes d'accueil et d'examen des demandes d'asile présentent des défaillances systémiques ; que les éléments fournis par le requérant ne permettent pas de caractériser une situation de défaillance systémique dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en envisageant son transfert vers l'Italie, le préfet de police n'aurait pas procédé à l'examen particulier de sa situation avant de prendre l'arrêté litigieux au regard de la décision 2015/1601 du conseil du 22 septembre 2015 et aurait méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté ;
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
14. Considérant que le présent arrêt statue sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué ; que, dès lors, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce même jugement sont devenues sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande M. D... au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement n° 1707225 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris en date du 12 mai 2017.
Article 2 : Le jugement n° 1707225 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris en date du 12 mai 2017 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. I...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 2 février 2018.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
M. HEERSLe greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 17PA01919, 17PA01920 2