Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 16 mars 2016 par lesquels le préfet de police, d'une part, lui a retiré sa carte de résident et, d'autre part, a prononcé son expulsion.
Par un jugement nos 1605007, 1605008 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 mars et 10 novembre 2017, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de police du 16 mars 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que le préfet de police a méconnu l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en outre, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des arrêtés contestés sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant que M. A..., de nationalité turque, entré en France, selon ses déclarations, le 19 octobre 2001, a demandé, en 2003, la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que sa demande a été successivement rejetée par l'Office de protection des réfugiés et apatrides et la Commission de recours des réfugiés les 25 mars 2003 et 27 janvier 2004 ; que, toutefois, à la suite d'une demande de réexamen présentée le 15 novembre 2006, la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié par une décision du 21 mai 2007 ; que, le 6 juillet 2009, le préfet du Val-de-Marne lui a alors délivré une carte de résident valable du 15 octobre 2007 au 14 octobre 2017 ; que, par un arrêt rendu le 17 avril 2015, la Cour d'assises de Paris a condamné M. A... à cinq ans d'emprisonnement, dont deux ans assortis du sursis, pour avoir commis, le 30 juin 2012, des faits d'agression sexuelle et de violence en état d'ivresse suivie d'une incapacité temporaire supérieure à huit jours ; que, par deux arrêtés du 16 mars 2016, le préfet de police a décidé de retirer la carte de résident de M. A... et de prononcer son expulsion ; que, par un arrêté du 25 mars 2016, le préfet de police l'a ensuite assigné à résidence à Paris sur le fondement de l'article L. 523-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A... relève appel du jugement du 23 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 16 mars 2016 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ; que l'autorité compétente pour prononcer une telle mesure de police administrative, qui a pour objet de prévenir les atteintes à l'ordre public qui pourraient résulter du maintien d'un étranger sur le territoire français, doit caractériser l'existence d'une menace grave au vu du comportement de l'intéressé et des risques objectifs que celui-ci fait peser sur l'ordre public ;
3. Considérant que si le comportement de M. A... à l'égard d'une jeune femme a été à l'origine d'une rixe, en 2012, dans laquelle il a été entraîné, et au cours de laquelle un individu est décédé sous le coup de plusieurs coups de couteau, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'analyse des chefs d'accusation, des motifs et du dispositif de l'arrêt rendu par la Cour d'assises de Paris le 17 avril 2015, que M. A... n'a pas été reconnu coupable des coups mortels portés à cet individu et n'a pas non plus commis d'actes de grande violence ; que, dans ces conditions, la présence sur le territoire français de l'intéressé, qui n'a fait l'objet que de cette seule condamnation, dont le préfet de police n'allègue pas qu'elle reflète un comportement général habituellement violent de l'intéressé, lequel est par ailleurs gérant de deux restaurants, ne constitue pas, dans les circonstances particulières de l'espèce, une menace grave pour l'ordre public ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2016 prononçant son expulsion et, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police lui a retiré sa carte de résident et à demander l'annulation de ce jugement et de ces arrêtés ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Considérant que si l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de police délivre à M. A... le titre de séjour qu'il sollicite, elle implique en revanche nécessairement qu'il procède au réexamen de la situation de M. A... en l'invitant, au besoin, à présenter une nouvelle demande de titre de séjour ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner au préfet de police, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de procéder à un tel réexamen ; qu'il n'y a en l'espèce pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais que M. A... a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1605007, 1605008 du tribunal administratif de Paris en date du 23 février 2017 est annulé.
Article 2 : Les arrêtés du préfet de police en date de 16 mars 2016 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de procéder au réexamen de la situation administrative de M. A....
Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Heers, président de chambre,
M. Auvray, président assesseur,
M. Boissy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 29 décembre 2017.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA00929 2