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29/12/2017 | FRANCE | N°17PA00549

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 décembre 2017, 17PA00549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 juin 2015 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et a procédé au retrait, pour obtention frauduleuse, des cartes de séjour temporaires délivrées entre le 22 septembre 2010 et le 23 septembre 2013.

Par un jugement n° 1519476/3-2 du 14 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué et, d'autre part, enjoint au préfet de police

de délivrer à Mme C...une carte de résident dans un délai de trois mois à compter de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 juin 2015 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et a procédé au retrait, pour obtention frauduleuse, des cartes de séjour temporaires délivrées entre le 22 septembre 2010 et le 23 septembre 2013.

Par un jugement n° 1519476/3-2 du 14 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué et, d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à Mme C...une carte de résident dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous réserve d'un changement dans sa situation de droit ou de fait.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 10 février et le 12 mai 2017, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement précité du Tribunal administratif de Paris du 14 décembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C...devant le Tribunal administratif.

Il soutient que :

- l'examen de la situation de Mme C...révèle un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants permettant d'établir que la reconnaissance de l'enfant de l'intéressée par un ressortissant français constitue une reconnaissance de complaisance effectuée afin de faciliter l'octroi de la nationalité française à l'enfant pour que sa mère obtienne la délivrance d'un titre de séjour ;

- aucun des autres moyens soulevés par Mme C...n'est fondé.

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2017, présenté pour Mme C...par Me Fenze, non communiqué.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du

19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- et les observations de Me Fenze, avocat de MmeC....

1. Considérant que MmeC..., ressortissante camerounaise née en 1979, serait entrée en France, selon ses déclarations, en 2007 ; qu'elle y a donné naissance en 2009 à un enfant dont la paternité a été reconnue par M. B...A..., de nationalité française ; que Mme C...a obtenu en novembre 2010 la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français, renouvelée en 2011, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, par un arrêté du 4 juin 2015, le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et a procédé au retrait des cartes de séjour temporaires précédemment obtenues, au motif que l'admission au séjour de Mme C...avait été obtenue par fraude ; que, par un jugement du 14 décembre 2016 dont le préfet de police relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté au motif que le caractère frauduleux de la paternité n'était pas établi ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) " ;

3. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ou de procéder, le cas échéant, à son retrait ;

4. Considérant que, pour retirer à Mme C...ses précédents titres et refuser de renouveler son droit au séjour, le préfet de police s'est fondé sur le fait que Mme C...n'a jamais vécu avec le père de l'enfant, qui d'ailleurs ne porte pas son nom et qu'il apparaît que le ressortissant français qui a reconnu l'enfant de Mme C...est à l'origine de six autres reconnaissances de complaisance de paternité, circonstances constituant un faisceau d'indices concordants pour caractériser une fraude à la reconnaissance de paternité ;

5. Considérant, toutefois, que le préfet de police à qui incombe une telle charge de la preuve, n'établit pas, par ces seuls éléments, que le père déclarant ne serait pas le père biologique de l'enfant de Mme C...; qu'il ne peut utilement se fonder, au regard des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur les circonstances que Mme C...ne vit pas et n'a jamais vécu avec le père de son enfant, avec lequel elle n'aurait pas eu de projet de vie commune, et qu'il n'est pas établi que le père de l'enfant entretiendrait des liens avec son enfant et contribuerait effectivement à ses besoins et à son éducation ; que s'il ressort des pièces du dossier que le père déclarant de l'enfant de Mme C...qui a reconnu six autres enfants de différentes mères de nationalité étrangère en situation irrégulière en France et que le procureur de la République près du Tribunal de grande instance de Paris a été saisi par le préfet de police pour reconnaissance de paternité de complaisance, le préfet de police, qui n'a produit aucune enquête concernant la situation de MmeC..., n'apporte cependant pas d'éléments précis et concordants de nature à établir que ce ressortissant français ne serait pas le père biologique de l'enfant de Mme C...; que c'est par suite à juste titre que les premiers juges ont estimé que les éléments invoqués par le préfet de police ne suffisaient pas, à eux seuls, à établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité du père de l'enfant de Mme C...et qu'elle était ainsi fondée à soutenir que le préfet de police ne pouvait légalement retirer les cartes de séjour précédemment obtenues et lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 mars 2016 et qu'il lui a enjoint de délivrer à Mme C...une carte de résident ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 décembre 2017.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 17PA00549


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00549
Date de la décision : 29/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : FENZE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-29;17pa00549 ?
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