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29/12/2017 | FRANCE | N°17PA00233

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 décembre 2017, 17PA00233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 11 mai 2016 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1604708/3 du 15 décembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2017, M

. B..., représenté par Me Moutsouka, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement précité du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 11 mai 2016 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1604708/3 du 15 décembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2017, M. B..., représenté par Me Moutsouka, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement précité du tribunal administratif de Melun du 15 décembre 2016 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer sa situation dans un délai raisonnable et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "salarié" ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision de refus de titre de séjour :

- est entachée d'une erreur de fait ;

- est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet de police a omis de saisir la commission du titre de séjour compte tenu de sa durée de présence en France ;

- méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- méconnait les stipulations de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié en ce qu'il justifie d'une présence en France entre 2005 et 2015 ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- et les observations de Me Moutsouka, avocat de M. B....

1. Considérant que M. B..., ressortissant tunisien né le 19 janvier 1975, est entré sur le territoire français en 2003 selon ses déclarations ; que, reçu le 19 octobre 2015 par la préfecture de Seine-et-Marne, il a sollicité son admission au séjour en tant que salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit

d'asile ; que, par une décision du 11 mai 2016, le préfet de Seine-et-Marne a opposé un refus à sa demande et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. B...relève appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, que M. B...reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'erreur de fait que le préfet de Seine-et-Marne aurait commise en indiquant " qu'il est entré irrégulièrement en France en 2003 et qu'il a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, une promesse d'embauche de la société " EURL Eminem " pour travailler en qualité de trieur de colis " ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le Tribunal administratif de Melun au point 2 de son jugement du 15 décembre 2016 ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article

L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ; que l'article L. 313-14 du même code prévoit que " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...). " ;

4. Considérant que M. B...persiste à faire valoir qu'il réside en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté ; que, toutefois, les documents qu'il produit ne permettent pas d'établir, en raison de leur nombre insuffisant et de leur faible valeur probante, qu'il y a séjourné de manière continue et habituelle durant ces dix années ; qu'il ne verse notamment pour l'année 2009 qu'un relevé de son livret A indiquant les intérêts acquis au titre de cette même année, qu'aucune pièce n'est versée au titre de l'année 2010 et que seuls trois récépissés de Western Union sont produits au titre de l'année 2011 ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour devait être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

6. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du

17 mars 1988 prévoit les conditions dans lesquelles les ressortissants tunisiens sont admis au séjour en France en qualité de salarié, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article

L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien ; que, toutefois, les stipulations de cette convention n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant tunisien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que si M. B...fait valoir, sans l'établir, qu'il justifie d'une présence continue sur le territoire français depuis 2003 qui doit être prise en compte pour juger du caractère exceptionnel de sa demande d'admission au séjour et qu'il a fixé le centre de ses intérêts en France ainsi que l'illustrent ses déclarations concernant la présence de son père et de son frère sur le territoire national ainsi que la promesse d'embauche de la société

" EURL Eminem " qu'il dit avoir produite devant le préfet, il ne fait pas état de motifs d'ordre professionnel de nature à justifier une admission exceptionnelle au séjour ; que, par suite, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, dans sa rédaction issue de l'article 2 de l'accord-cadre du

28 avril 2008 : " Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations que seuls les ressortissants tunisiens justifiant d'une résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord du 28 avril 2008, sont admissibles au bénéfice de ces stipulations ;

9. Considérant qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B...aurait sollicité un titre de séjour sur le fondement d'autres dispositions que celles de l'article

L. 313-14 ; qu'en tout état de cause, M. B...a déclaré être entré en France en 2003 ; qu'il ne pouvait donc prétendre justifier d'une résidence habituelle de plus de dix ans au 1er juillet 2009 ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être

écarté ;

10. Considérant, en sixième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...)/ 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

11. Considérant que M. B...soutient vivre en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté ; que toutefois, comme indiqué ci-dessus, les pièces produites ne peuvent pas être regardées comme constituant des justificatifs probants et suffisants de sa présence habituelle en France pendant plus de dix ans ; que, célibataire et sans enfant, il n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie ; que s'il déclare que son père et l'un de ses frères résident en France, il n'en rapporte pas la preuve et ne démontre pas, en tout état de cause, disposer d'attaches familiales et sociales stables et intenses sur le territoire

français ; que dans ces conditions, la décision du 11 mai 2016 du préfet de Seine-et-Marne refusant à M. B...la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 décembre 2017.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 17PA00233


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00233
Date de la décision : 29/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : MOUTSOUKA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-29;17pa00233 ?
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