Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 septembre 2015 par laquelle le préfet de police l'a invité à quitter les lieux situés 5-7 rue Crespin du Gast, 75011 Paris, avant le 18 septembre 2015, d'enjoindre au préfet de police de le reloger, et de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 75 728,47 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de cette décision.
Par un jugement n° 1515354/3-2 du 21 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 mai 2017, M.C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1515354/3-2 du 21 mars 2017 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de police du 7 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de le reloger, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, 90 942,12 euros au titre de ses préjudices financiers et 5 643,15 euros au titre de son préjudice matériel ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros pour ses frais de procédure, plus une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en autorisant la force publique le préfet de police n'a pas exécuté le jugement rendu par le Tribunal administratif de Paris le 11 juin 2015 lui enjoignant de le reloger ;
- le tribunal administratif n'a pas statué sur ce moyen ;
- l'autorisation de la force publique contestée méconnaît l'objectif à valeur constitutionnelle tenant à la possibilité de toute personne de disposer d'un logement décent consacré par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat ;
- le préfet de police n'a pas respecté la circulaire du Premier ministre du 22 février 2008, ni celle du ministre de l'intérieur n° NORINTK1229203J du 26 octobre 2012 laquelle impose aux préfets de reloger effectivement les bénéficiaires du droit au logement qui sont sous la menace d'une expulsion et de ne pas mettre en oeuvre le concours de la force publique à l'égard d'une personne reconnue comme prioritaire par la commission de médiation DALO, cette règle de droit ayant une valeur règlementaire ;
- cette autorisation de l'intervention de la force publique porte atteinte à sa dignité dans la mesure où il est dans une situation d'extrême précarité, avec des ressources faibles, sans solution de relogement ;
- les jurisprudences invoquées par le préfet de police selon lesquelles la procédure d'octroi prioritaire de logement et celle d'octroi du concours de le force publique seraient indépendantes l'une de l'autre sont inopérantes ;
- sa décision du 7 septembre 2015 étant illégale, le préfet a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- il a subi de nombreux préjudices.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la Cour de rejeter la requête de M.C....
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des procédures civiles d'exécution ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Even a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C...relève appel du jugement du 21 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de police du 1er septembre 2015 octroyant le concours de la force publique pour assurer l'exécution de l'ordonnance du tribunal de grande instance de Paris du 22 novembre 2013 autorisant l'expulsion des locaux pris à bail par la SAS Pierre Valéry Constantin, dont M. C...est président, situés au sein de l'immeuble du 5-7, rue Crespin de Gast, à Paris 11ème, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices résultant pour lui de cette décision ; qu'il demande par ailleurs à la Cour d'enjoindre au préfet de police de le reloger, dans un délai de
15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort du jugement contesté que les premiers juges ont visé et statué au point 3 sur le moyen invoqué par M. C...tiré de ce qu'en autorisant le recours à la force publique, le préfet de police aurait méconnu l'injonction de relogement prioritaire le concernant, énoncée par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Paris du 11 juin 2015 ; que, par suite, le moyen de régularité tiré de l'existence d'une omission à statuer sur ce point doit être écarté comme manquant en fait ;
Sur la légalité de la décision de concours de la force publique contestée :
3. Considérant que toute décision de justice ayant force exécutoire peut donner lieu à une exécution forcée, la force publique devant, si elle est requise, prêter main forte à cette exécution, cette règle étant le corollaire du principe de la séparation des pouvoirs énoncé à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
4. Considérant, en premier lieu, que, si le Conseil constitutionnel a qualifié d'objectif de valeur constitutionnelle la " possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent ", il n'a pas consacré l'existence d'un droit au logement ayant rang de principe constitutionnel ; qu'en tout état de cause, M. C...ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision contestée du préfet de police octroyant le concours de la force publique, de cet objectif à valeur constitutionnelle dès lors que celui-ci n'est invocable qu'à l'encontre d'une norme de portée générale, et non d'un acte individuel ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que M. C...se prévaut de ce que le préfet de police, en autorisant la force publique pour le faire expulser, n'a pas exécuté le jugement rendu par le Tribunal administratif de Paris le 11 juin 2015 devenu définitif lui enjoignant de le reloger ; que si dans des circonstances exceptionnelles tenant à la sauvegarde de l'ordre public, l'autorité administrative peut, sans porter atteinte au principe sus-évoqué au point 3, ne pas prêter son concours à l'exécution d'une décision juridictionnelle, cette autorité ne saurait subordonner l'octroi d'un tel concours à l'accomplissement d'une diligence administrative ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'injonction de le reloger sur le fondement de la législation relative au droit au logement opposable issue de la Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale codifiée au sein du code de la construction et de l'habitation, édictée à son profit par le jugement du Tribunal administratif de Paris du 11 juin 2015, ferait obstacle par elle même à l'octroi du concours de la force publique est, du fait de l'indépendance qui existe entre ces deux régimes juridiques, inopérant ; qu'en outre, M. C...ne peut utilement se prévaloir à cet effet des énonciations de la circulaire du Premier ministre du
22 février 2008 et de l'instruction NOR INTK1229203J des ministres de l'intérieur et de l'égalité des territoires et du logement du 26 octobre 2012 portant modalités de mise en oeuvre du droit au logement opposable et gestion des expulsions locatives par les préfets qui ne constituent pas des lignes directrices ;
6. Considérant, en troisième lieu, que des considérations impérieuses tenant à la sauvegarde de l'ordre public ou à la survenance de circonstances postérieures à la décision judiciaire d'expulsion, telles que l'exécution de celle-ci serait susceptible d'attenter à la dignité de la personne humaine, peuvent légalement justifier, sans qu'il soit porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, le refus de prêter le concours de la force publique ; qu'en cas d'octroi de la force publique, il appartient au juge de rechercher si l'appréciation à laquelle s'est livrée l'administration sur la nature et l'ampleur des troubles à l'ordre public susceptibles d'être engendrés par sa décision ou sur les conséquences de l'expulsion des occupants compte tenu de la survenance de circonstances postérieures à la décision de justice l'ayant ordonnée, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en l'espèce, en se bornant à faire valoir qu'il est allocataire du revenu de solidarité active (RSA) et qu'il doit être relogé en priorité, M. C...n'invoque pas des éléments de nature à établir l'existence d'une telle erreur ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes d'annulation et à fin d'indemnisation ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. Dellevedove, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 décembre 2017.
Le président rapporteur,
B. EVEN Le président-assesseur,
P. HAMON
Le greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01732