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21/12/2017 | FRANCE | N°17PA01092

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 décembre 2017, 17PA01092


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCP Lecoq-Vallon et Ferron-Poloni a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des majorations et pénalités y afférentes, d'autre part, des pénalités appliquées aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2010

au 31 décembre 2011.

Par un

jugement n° 1516837/1-2 du 31 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCP Lecoq-Vallon et Ferron-Poloni a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des majorations et pénalités y afférentes, d'autre part, des pénalités appliquées aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2010

au 31 décembre 2011.

Par un jugement n° 1516837/1-2 du 31 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 mars, 20 juillet et 21 novembre 2017 la SCP Lecoq-Vallon et Ferron-Poloni, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 31 janvier 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités litigieuses et le remboursement des sommes versées assorties des intérêts moratoires ;

3°) de transmettre le dossier au Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative et de surseoir à statuer à cet effet ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 800 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le risque de reversement de l'indemnité transactionnelle versée à M. A...étant établi, le risque de reversement de l'honoraire de résultat l'est également ;

- l'administration a la charge de la preuve de l'absence de risque compte tenu de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- le risque de remboursement des honoraires perçus dans le dossier CREF est également établi, notamment par la production des réclamations des clients ;

- la demande à titre principal de la société a été ignorée par le tribunal administratif ;

- les majorations pour manquement délibéré ne sont pas justifiées, tant en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés que la taxe sur la valeur ajoutée ;

- les premiers juges ont inversé la motivation des pénalités en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Lecoq-Vallon et Ferron-Poloni ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeC..., représentant la SCP Lecoq-Vallon et Ferron-Poloni.

1. Considérant que la SCP Lecoq-Vallon et Ferron-Poloni, société d'avocats, relève appel du jugement n° 1516837/1-2 du 31 janvier 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, ainsi que des pénalités y afférentes et des pénalités dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les premiers juges ont statué sur la demande en décharge d'imposition qui leur était soumise ainsi que sur les moyens soulevés à l'appui de cette demande tirés du caractère déductible des provisions constituées relatives aux dossiers " X " et

" CREF " ; qu'il n'ont toutefois pas statué sur le moyen, qui n'était pas inopérant, et qui devait être regardé comme une demande de compensation, tiré de ce que les produits ayant fait l'objet des provisions litigieuses n'étaient en fait pas imposables, étant eux-mêmes constitutifs de provisions sur honoraires et devant être comptabilisés au titre des produits constatés d'avance ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué ; qu'il y a également lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société requérante devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, que la SCP requérante fait valoir devant la Cour que les produits correspondant à des honoraires de résultat doivent être regardés comme des avances sur honoraires à comptabiliser en produits constatés d'avances non imposables ; qu'il est constant que les honoraires en cause ont été comptabilisés en produits taxables ; que la SCP requérante doit en conséquence être regardée comme demandant, par la voie de la compensation, la correction de l'erreur comptable qu'elle aurait commise par le fait de cette comptabilisation ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que ces honoraires ont été facturés et d'ailleurs encaissés ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué qu'au regard des conventions établies entre la SCP requérante et ses clients, ils n'aient pas été dus au titre de l'exercice au cours duquel ils ont été comptabilisés ; que par suite, la SCP requérante ne fournissant en tout état de cause aucun élément permettant de regarder les sommes en litige comme des produits constatés d'avance, le moyen susmentionné ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code :

" Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5 notamment (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant des charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de la clôture et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, et alors même que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires aurait donné un avis défavorable au rehaussement, de justifier tant du montant des provisions qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ;

5. Considérant qu'en se bornant à produire un courrier de l'ordre des avocats de Paris indiquant qu'un honoraire de résultat doit être restitué en cas d'infirmation du jugement ayant donné lieu à son versement, la transaction établie entre M.A..., client de la société requérante, et la compagnie d'assurance avec laquelle il était en litige, et un courrier de M. A...admettant que certains motifs pourraient le conduire à restituer le montant perçu lors de la transaction susmentionnée, et en l'absence de toute démarche tant de la part de la compagnie d'assurance tendant à se voir reverser la somme perçue lors de ladite transaction que de la part de M. A...tendant à se voir restituer les honoraires versés à son avocat, la SCP Lecoq-Vallon et Ferron-Poloni ne produit aucun élément permettant de regarder le remboursement desdits honoraires comme probable eu égard aux circonstances constatées à la date de la clôture de l'exercice en cause, alors même qu'il existerait effectivement des configurations juridiques où le reversement de la somme perçue lors de la transaction et le remboursement des honoraires en cause pourraient intervenir ; que les courriers établis par des fonctionnaires faisant état des difficultés de la procédure engagée pour obtenir l'indemnisation du préjudice subi à l'occasion de la faillite de la CREF n'établissent pas non plus que la SCP requérante était exposée, dans ce dossier, à un risque probable de restitution d'honoraires ; que d'ailleurs la SCP requérante ne produit même pas la convention d'honoraires permettant d'apprécier les conditions dans lesquelles la restitution d'honoraires pourrait être demandée ;

Sur les pénalités :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré " ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'en relevant que la société requérante a déduit de manière persistante, sans être en mesure de justifier de leur principe et de leur montant, d'importantes provisions, lesquelles ont conduit à une minoration importante des résultats taxables, l'administration a suffisamment motivé et justifié sa décision d'appliquer cette majoration, alors même que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis défavorable au rehaussement relatif aux provisions ; que les pénalités pour manquement délibéré mises à la charge de la société requérante en matière d'impôt sur les sociétés procédant de ce seul chef de rehaussement, l'intéressée n'est par suite pas fondée à soutenir, au motif que l'administration a porté, en matière de pénalités, une appréciation d'ensemble sur les rectifications qui lui ont été notifiées, et qu'à la suite de l'entretien avec l'interlocuteur départemental, le rehaussement relatif à une provision a été abandonné, que cet abandon ferait obstacle à l'application des pénalités pour manquement délibéré restant en litige ;

8. Considérant, en second lieu, qu'en relevant que les montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible figurant sur les déclarations mensuelles étaient, de manière répétée, supérieurs à ceux que la société requérante comptabilisait dans ses propres écritures, l'administration a suffisamment motivé et justifié sa décision d'appliquer à cet égard la majoration pour manquement délibéré ; que la société requérante ne saurait faire obstacle à l'application de ladite majoration en invoquant la circonstance que le cabinet comptable n'intervenait que rarement et qu'elle-même n'avait en conséquence pas conscience de l'exagération des déductions opérées en cours d'exercice ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement

n° 1516837/1-2 du 31 janvier 2017 du Tribunal administratif de Paris et, sans qu'il y ait lieu de transmettre le dossier au Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ni de surseoir à statuer à cet effet, de rejeter la demande présentée par la société Lecoq-Vallon et Ferron-Poloni devant ce tribunal ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Articler 1er : Le jugement n° 1516837/1-2 du 31 janvier 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par la SCP Lecoq-Vallon et Ferron-Poloni devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Lecoq-Vallon et Ferron-Poloni et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal

d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 21 décembre 2017.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 17PA01092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01092
Date de la décision : 21/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SELARL G et G AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-21;17pa01092 ?
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