Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale afin d'évaluer son préjudice corporel, d'autre part, de condamner, in solidum, la commune de Barbizon et le département de Seine-et-Marne à réparer les préjudices qu'il a subis du fait de sa chute du 7 octobre 2010, et enfin de condamner, in solidum, la commune de Barbizon et le département de Seine-et-Marne à lui verser une provision de
50 000 euros à valoir sur la réparation définitive de ses préjudices.
Par un jugement n° 1409335 du 21 novembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 18 janvier 2017 et le 12 juillet 2017, M. C...A..., représenté par Me Dupont-Barrellier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1409335 du 21 novembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de juger que la responsabilité de la commune de Barbizon et du département de
Seine-et-Marne est engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public qui a occasionné sa chute survenue le 7 octobre 2010 ;
3°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale afin d'évaluer son préjudice corporel et les conséquences de l'accident qu'il a subi du fait de sa chute survenue le 7 octobre 2010 ;
4°) de condamner solidairement la commune de Barbizon et le département de
Seine-et-Marne à lui verser une provision de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel et de sursoir à statuer sur le préjudice dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;
5°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Barbizon et du département de
Seine-et-Marne le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la preuve de la matérialité des faits était insuffisante ;
- il établit qu'il a subi un préjudice qui justifie la désignation d'un expert médical spécialisé en orthopédie ;
- en l'état du dossier et au vu des justificatifs produits, il convient de condamner solidairement la commune de Barbizon et le département de Seine-et-Marne à lui verser une provision de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel et de sursoir à statuer sur le préjudice dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2017, le département de Seine-et-Marne, représenté par Me Phelip, conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a considéré que la responsabilité du département n'était pas engagée ; à titre subsidiaire, à ce qu'il soit constaté qu'aucun défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ne saurait être reproché à l'administration et à ce qu'il soit constaté que les fautes de la victime sont à l'origine de son accident ; à titre très subsidiaire, de condamner la commune de Barbizon et la société des Eaux de Melun à garantir le département des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; à titre plus subsidiaire encore, de constater que le montant de l'indemnité provisionnelle réclamée est exorbitant. Le département de Seine-et-Marne demande que le versement de la somme de 2 500 euros soit mis à la charge de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2017, la commune de Barbizon, représentée par la SCP Saidji et Moreau, conclut au rejet de la requête et à la mise hors de cause de la commune et à ce qu'il soit constaté que les fautes de la victime sont à l'origine de son accident ; à titre subsidiaire, dans le cas où la responsabilité de la commune serait engagée, de condamner la société des Eaux de Melun à garantir la commune des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; à titre très subsidiaire, de rejeter la demande de provision formée par M. A.... La commune de Barbizon demande que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 21 juillet 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, représentée par la SELARL Kato et Lefebvre Associés, conclut à ce que ses droits, quant au recouvrement de sa créance soient réservés, à ce qu'il soit donné acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à la demande d'expertise médicale sollicitée par le requérant et à ce que la provision qui serait éventuellement allouée à M. A...soit imputée sur ses préjudices non soumis à recours.
Par un mémoire, enregistré le 20 novembre 2017, la Société des eaux de Melun, représentée par MeB..., conclut à ce que la commune de Barbizon soit déboutée de sa demande de garantie et à ce qu'elle soit mise hors de cause. Elle demande que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de la commune de Barbizon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les plaques et autres tampons incorporés à la voie publique ne sont pas des dépendances du service des eaux ou de tout autre service public et que, de jurisprudence constante, ils sont des ouvrages publics incorporés à la voie publique dont ils sont une dépendance nécessaire, et que, de surcroît, comme l'a jugé le Tribunal administratif de Melun, il n'existe pas de lien certain entre la chute de M. A...et le préjudice allégué deux ans et demi après cette chute.
Une ordonnance de clôture d'instruction a été prise le 14 novembre 2017 pour une clôture le 1er décembre à 12 heures 00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- les observations de MeD..., substituant Me Dupont-Barrellier, avocat de M.A...,
- les observations de Me Moreau, avocat de la commune de Barbizon,
- et les observations de Me Phelip, avocat du département de Seine-et-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...soutient que, le dimanche 7 novembre 2010 à 0 heure 15, alors qu'il sortait du bar le " Bard'Art ", situé au 6 bis D607 à Barbizon (77630), il est tombé dans le regard permettant d'accéder au compteur d'arrivée d'eau de cet établissement, alors dépourvu de la plaque de fonte le recouvrant habituellement, ce qui lui a occasionné une luxation de l'épaule droite ainsi que, ultérieurement, d'autres séquelles. Il a notamment produit, à l'appui de ses dires, d'une part les trois attestations concordantes de son voisin, qui l'a emmené, immédiatement après sa chute, au service des urgences de l'hôpital d'Evry, de son épouse, qui l'accompagnait, et d'une personne qui se produisait ce soir-là dans cet établissement, qui a été elle-même victime d'une chute dans le même regard et qui précise que deux autres personnes sont tombées au même endroit dans la soirée, d'autre part le compte-rendu du service des urgences de l'hôpital d'Evry indiquant qu'il s'était présenté dans ce service le 7 novembre 2010 à 1 heure 42 et que le motif médical de son admission était un traumatisme du membre supérieur et une suspicion de luxation de l'épaule droite, et enfin un croquis des lieux et des photographies annotées sur lesquelles apparaît le regard en question. La seule circonstance que ces attestations aient été rédigées longtemps après les faits, pour les besoins de la procédure de demande d'indemnisation, ne saurait leur ôter leur valeur probante. Bien que les photographies, issues d'un site Internet de cartographie, aient été prises longtemps après l'accident et qu'elles représentent le regard litigieux recouvert de sa plaque de fonte, elles permettent néanmoins de visualiser la configuration des lieux et d'établir la présence du regard dont s'agit. Par suite, M.A..., par les éléments qu'il a produits, établit tant la matérialité de sa chute survenue dimanche 7 novembre 2010 que le lien de causalité entre cette chute et la présence d'un regard ouvert devant le bar le " Bard'Art ", contrairement à ce qu'a estimé le jugement attaqué, et sans qu'il n'y ait aucune incertitude sur la date et le lieu exacts de l'accident, comme le soutiennent le département de Seine-et-Marne et la commune de Barbizon.
Sur la responsabilité de la commune de Barbizon :
2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend (...) l'éclairage (...) " et aux termes de l'article L. 2213-1 du même code : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dès lors que, comme il a été dit, le lieu de l'accident est en dehors de l'agglomération, la responsabilité de la commune de Barbizon ne saurait être engagée du fait du défaut allégué d'éclairage public de la zone en cause.
3. Cependant, le regard d'accès au compteur d'eau qui a occasionné la chute de M. A...est un accessoire du réseau de distribution d'eau potable, propriété de la commune de Barbizon, qui est responsable des dommages qu'il peut occasionner aux tiers, le cas échéant en étant garantie par la société exploitant par délégation ce réseau.
4. Toutefois, eu égard à l'emplacement du regard en cause, situé, de manière très visible, devant le bar Bard'Art, établissement recevant du public, à quelques mètres de son entrée principale, si ce regard avait été découvert sans sa plaque d'obturation dans la journée précédant l'accident, alors que le bar organisait une soirée le soir même, il aurait nécessairement été obturé et/ou signalé aux services communaux par le personnel de l'établissement ou par le public fréquentant ce bar. L'ouverture de la plaque fermant ce regard n'a donc pu survenir que dans les heures précédant l'accident dont M. A...a été victime. Dans ces conditions, la commune de Barbizon, qui ne pouvait être informée avec suffisamment de diligence pour qu'elle ait pu procéder à la fermeture de ce regard ou à la mise en place d'un dispositif de signalisation avant que M. A...ne chute, doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de l'ouvrage constitué par le regard, accessoire du réseau communal de distribution d'eau, et ne saurait donc voir sa responsabilité engagée du fait des préjudices subis par M.A....
Sur la responsabilité du département de la Seine-et-Marne :
5. Il résulte de l'instruction que le regard en cause se situe sur le trottoir, utilisé occasionnellement comme un espace de stationnement, dépendance de la route départementale 607, et se trouve ainsi sur le domaine public routier départemental. Eu égard aux circonstances que cette route, à cet endroit, qui est en dehors de l'agglomération, est droite, large, et ne comportait aucun obstacle potentiellement dangereux pour les usagers de la voie, la circonstance qu'il n'y ait eu qu'un seul mât d'éclairage de l'autre côté de la route ne peut être regardé comme un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public routier qui engagerait la responsabilité de son propriétaire, le département de la Seine-et-Marne.
6. Il s'en suit que les conclusions de M. A...tendant à ce que soit ordonnée avant dire droit une expertise médicale afin d'évaluer son préjudice corporel et les conséquences de l'accident qu'il a subi du fait de sa chute et de condamner solidairement la commune de Barbizon et le département de la Seine-et-Marne à lui verser une provision de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ne peuvent qu'être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 21 novembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à ce qu'une expertise médicale afin d'évaluer son préjudice corporel soit diligentée avant dire droit et que la commune de Barbizon et le département de Seine-et-Marne soient condamnés solidairement à lui verser une provision de 50 000 euros à valoir sur la réparation définitive de ses préjudices. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la commune de Barbizon, du département de la Seine-et-Marne et de la société des eaux de Melun les frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Barbizon, le département de la Seine-et-Marne et la société des eaux de Melun, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à la commune de Barbizon, au département de Seine-et-Marne, à la Société des eaux de Melun et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne.
Copie en sera délivré à la mutuelle Squadra.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 décembre 2017.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADELe greffier,
A. CLEMENT La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00243