Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions des 16 juin 2014 et 20 juin 2014 par lesquelles le directeur du centre pénitentiaire de Fresnes a décidé, respectivement, son placement provisoire à l'isolement et la prolongation de cet isolement jusqu'au 16 septembre 2014.
Par un jugement n° 1406408 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 décembre 2016, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1406408 du 10 novembre 2016 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler les décisions de placement à l'isolement prises à son encontre les 16 juin 2014 et 20 juin 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est a tort que le tribunal administratif a considéré que le principe du contradictoire n'a pas été méconnu et a ajouté au motif retenu par l'administration, qu'il a toujours contesté, celui de sa prétendue dangerosité ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pu être assisté d'un avocat ;
- l'administration n'avait aucune raison sérieuse de le placer à l'isolement ;
- l'administration a écarté d'autres possibilités d'assurer la sécurité de l'établissement que son placement à l'isolement, et ce en méconnaissance des dispositions de la circulaire du 14 avril 2011 relative au placement à l'isolement des personnes détenues ;
- la décision du 20 juin 2014 méconnaît les dispositions de l'article R. 57-7-65 du code de procédure pénale en décomptant son placement à l'isolement à compter du 20 juin 2014, alors que la durée de placement devait être décomptée dès le 16 juin 2014.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Legeai,
- et les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.
1. Considérant que M.C..., incarcéré depuis le 28 février 2013 en exécution d'un mandat de dépôt du chef de recel de biens provenant d'un vol avec violence, d'homicide volontaire, de destruction du bien d'autrui commise en bande organisée et à l'aide de moyen dangereux, de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, de vol en bande organisée avec arme, de détention d'arme de première ou quatrième catégorie ainsi qu'en exécution d'une peine de six mois d'emprisonnement pour extorsion par menace, violence ou contrainte et de deux autres peines d'emprisonnement, a fait l'objet, le 16 juin 2014, d'une décision de transfert administratif par mesure d'ordre et de sécurité de la maison d'arrêt de Villepinte vers le centre pénitentiaire de Fresnes ; que, le même jour, le directeur du centre pénitentiaire de Fresnes l'a placé provisoirement à l'isolement, puis, par une décision du 20 juin 2014, a décidé de prolonger cette mesure pour une période de trois mois jusqu'au 16 septembre 2014 ; que M. C... relève régulièrement appel du jugement du 10 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation des décisions de placement à l'isolement des 16 et 20 juin 2014 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que M. C...soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le principe du contradictoire n'a pas été méconnu et qu'il a ajouté au motif retenu par l'administration, qu'il a toujours contesté, celui de sa prétendue dangerosité ; que ces moyens relèvent du bien-fondé et non de la régularité du jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale : " Lorsqu'une décision d'isolement d'office initial ou de prolongation est envisagée, la personne détenue est informée, par écrit, des motifs invoqués par l'administration, du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations. Le délai dont elle dispose ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat, si elle en fait la demande (...) Les observations de la personne détenue et, le cas échéant, celles de son avocat sont jointes au dossier de la procédure. Si la personne détenue présente des observations orales, elles font l'objet d'un compte rendu écrit signé par elle (...) " ;
4. Considérant que le requérant soutient que la procédure contradictoire a été méconnue dès lors qu'il n'a pu être assisté d'un conseil, son avocat ayant informé l'administration qu'il ne pourrait être présent, pour des raisons médicales, lors du débat contradictoire du 20 juin 2014 à 10 heures, et l'administration pénitentiaire n'ayant pas contacté l'avocat de permanence ; que, toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que l'avocat désigné par M. C... a été contacté par l'administration pénitentiaire en temps utile, le 18 juin 2014 à 15 heures 17, et qu'il ne s'est ni présenté ni fait représenter lors du débat contradictoire qui s'est tenu le 20 juin 2014 à 10 heures ; que, d'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire, ni même aucune disposition de la circulaire sans valeur réglementaire du 14 avril 2011 qu'invoque le requérant, n'oblige l'administration, au cas où l'avocat du détenu, dûment prévenu, se déclare empêché, de " contacter un avocat de permanence " ; que dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 20 juin 2014 est entachée d'un vice de procédure et méconnait le principe du contradictoire et les droits de la défense ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-62 du même code : " La mise à l'isolement d'une personne détenue, par mesure de protection ou de sécurité, qu'elle soit prise d'office ou sur la demande de la personne détenue, ne constitue pas une mesure disciplinaire. La personne détenue placée à l'isolement est seule en cellule. Elle conserve ses droits à l'information, aux visites, à la correspondance écrite et téléphonique, à l'exercice du culte et à l'utilisation de son compte nominatif. Elle ne peut participer aux promenades et activités collectives auxquelles peuvent prétendre les personnes détenues soumises au régime de détention ordinaire, sauf autorisation, pour une activité spécifique, donnée par le chef d'établissement. Toutefois, le chef d'établissement organise, dans toute la mesure du possible et en fonction de la personnalité de la personne détenue, des activités communes aux personnes détenues placées à l'isolement. La personne détenue placée à l'isolement bénéficie d'au moins une heure quotidienne de promenade à l'air libre " ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-65 de ce même code : " En cas d'urgence, le chef d'établissement peut décider le placement provisoire à l'isolement de la personne détenue, si la mesure est l'unique moyen de préserver la sécurité des personnes ou de l'établissement. Le placement provisoire à l'isolement ne peut excéder cinq jours. A l'issue d'un délai de cinq jours, si aucune décision de placement à l'isolement prise dans les conditions prévues par la présente sous-section n'est intervenue, il est mis fin à l'isolement. La durée du placement provisoire à l'isolement s'impute sur la durée totale de l'isolement " ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-66 du même code : " Le chef d'établissement décide de la mise à l'isolement pour une durée maximale de trois mois. Il peut renouveler la mesure une fois pour la même durée (...) " ;
6. Considérant que si le placement à l'isolement d'un détenu contre son gré constitue, eu égard à l'importance de ses effets sur les conditions de détention, une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, le juge administratif exerce un contrôle restreint sur les motifs d'une telle mesure ;
7. Considérant, d'une part, que pour procéder au placement provisoire à l'isolement de l'intéressé et à la prolongation de cet isolement pour une durée de trois mois, le directeur du centre pénitentiaire de Fresnes s'est fondé sur les circonstances que son transfert de la maison d'arrêt de Villepinte vers le centre pénitentiaire de Fresnes faisait suite à des informations concordantes selon lesquelles il préparait une évasion et qu'une période d'évaluation de sa personnalité était nécessaire afin de déterminer l'affectation la plus adaptée au centre pénitentiaire de Fresnes ; que si M. C... soutient que la circonstance invoquée par l'administration pénitentiaire selon laquelle il préparait un projet d'évasion avec arme est infondée, il ressort des pièces du dossier qu'en estimant, au vu des indices recueillis, du passé pénal et des charges récentes pesant sur M. C..., qui révélaient sa dangerosité, que son placement à l'isolement était nécessaire pour une durée limitée, le directeur du centre pénitentiaire de Fresnes n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant, d'autre part que M. C...soutient que son placement à l'isolement est illégal dès lors que l'administration pénitentiaire n'a pas examiné si des mesures alternatives, telle que son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés, auraient permis d'assurer la sécurité dans l'établissement et a ainsi méconnu les dispositions de la circulaire du 14 avril 2011 relative au placement à l'isolement des personnes détenues ; que, toutefois, cette circulaire se borne à formuler des recommandations à l'administration pénitentiaire et ne peut être utilement invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir ; que comme dit précédemment, la mesure de placement à l'isolement n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, alors notamment que M. C... ne soutient pas qu'il présentait une fragilité psychique ou physique particulière la rendant inappropriée ;
9. Considérant, en troisième lieu, que la décision du 20 juin 2014 précise qu'elle prendra fin le 16 septembre 2014, soit exactement trois mois après le placement à l'isolement par la décision du 16 juin 2014 et ce conformément aux dispositions de l'article R. 57-7-65 du code de procédure pénale qui prévoient que la durée du placement provisoire à l'isolement s'impute sur la durée totale de l'isolement et aux dispositions de l'article R. 57-7-66 selon lesquelles le chef d'établissement décide de la mise à l'isolement pour une durée maximale de trois mois ; que le moyen tiré de ce que la décision du 20 juin 2014 méconnaîtrait ces dispositions en décomptant trois mois de placement à l'isolement à compter du 20 juin 2014 manque en fait ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 16 juin 2014 et 20 juin 2014 ; que sa requête d'appel, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, prenne en charge ses frais de procédure sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Legeai, premier conseiller,
- Mme Nguyên-Duy, premier conseiller.
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Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.
Le rapporteur,
A. LEGEAILa présidente,
S. PELLISSIERLe greffier,
M. B...La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03823