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12/12/2017 | FRANCE | N°17PA02834

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 12 décembre 2017, 17PA02834


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Monsieur C...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 août 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion dont il a été l'objet le 31 juillet 1998.

Par un jugement n° 1620648/4-3 du 15 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 août 2017, M.D..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le juge

ment rendu par le Tribunal administratif de Paris le 15 juin 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 5 août ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Monsieur C...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 août 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion dont il a été l'objet le 31 juillet 1998.

Par un jugement n° 1620648/4-3 du 15 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 août 2017, M.D..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement rendu par le Tribunal administratif de Paris le 15 juin 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 5 août 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion du 31 juillet 1998 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer un titre de séjour temporaire assorti d'une autorisation de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- la décision du ministre de l'intérieur du 5 août 2016 porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré 9 novembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Even,

- et les conclusions de MmeA....

1. Considérant que M.D..., ressortissant marocain, né sur le territoire français le

9 février 1973, a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion le 31 juillet 1998 ; que l'intéressé a demandé au ministre de l'intérieur, le 29 février 2016, d'abroger cet arrêté et de le remplacer par une assignation à résidence ; que, par une décision du 5 août 2016, le ministre de l'intérieur a rejeté cette demande d'abrogation ; que M. D...relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 524-2 du même code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 521-4, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites. / (...) / A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 524-3 du même code : " Il ne peut être fait droit à une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion présentée plus de deux mois après la notification de cet arrêté que si le ressortissant étranger réside hors de France. Toutefois, cette condition ne s'applique pas : 1° Pour la mise en oeuvre de l'article L. 524-2 ; 2° Pendant le temps où le ressortissant étranger subit en France une peine d'emprisonnement ferme ; 3° Lorsque l'étranger fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence pris en application des articles L. 523-3, L. 523-4 ou L. 523-5 " ;

3. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens à l'appui d'un recours dirigé contre le refus d'abroger une mesure d'expulsion, de rechercher si les faits sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que la présence en France de l'intéressé constituait toujours, à la date à laquelle elle s'est prononcée, une menace pour l'ordre public sont de nature à justifier légalement que la mesure d'expulsion ne soit pas abrogée ; que, toutefois, si le ressortissant étranger réside en France et ne peut invoquer le bénéfice des exceptions définies par l'article L. 524-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui est le cas en l'espèce, le ministre de l'intérieur a compétence liée pour rejeter la demande d'abrogation présentée ; qu'en conséquence, les moyens de procédure et celui tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation sont inopérants et doivent donc être écartés ; qu'en revanche, le moyen tiré d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est opérant ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

5. Considérant qu'au soutien de sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion dont il a été l'objet, M. D...fait valoir sans être contesté qu'il est né en France, que ses frères et soeurs résident en France, qu'il ne dispose d'aucune attache au Maroc, qu'il est père de deux enfants, dont le second qu'il a eu avec sa compagne actuelle, qu'il participe à l'éducation et subvient aux besoins de ses enfants ; qu'il ajoute qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, dans la mesure où les condamnations dont il a fait l'objet sont anciennes et que les plaintes postérieures déposées à son encontre ont été classées sans suite ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été condamné à trois mois d'emprisonnement en 1994 pour détention non autorisée de stupéfiants, et à sept ans d'emprisonnement pour viol commis en réunion sur une personne mineure en 1997 ; qu'après l'exécution de la mesure d'expulsion dont il a été l'objet à partir de l'année 2000, il est revenu de façon irrégulière sur le territoire français au cours de l'année 2006 ; qu'il a pour ce motif été condamné à une peine de 6 mois de d'emprisonnement assortie d'une interdiction judiciaire du territoire pendant 10 années ; que son ancienne épouse a porté plainte en 2009 pour des faits de violences volontaires ayant entrainé une incapacité totale de travail de 6 jours ; que son actuelle compagne, mère de son enfant né en 2011, a déposé une plainte à son encontre en 2012 à la suite d'une dispute violente ; qu'il a été l'objet d'une main courante en 2013 après avoir laissé son enfant de deux ans seul sans surveillance dans la rue ; que si ces plaintes ont été classées sans suite, l'intéressé ne conteste pas la matérialité de ces faits ;

7. Considérant qu'eu égard à la gravité des faits relevés à l'encontre de l'intéressé ayant justifié ses deux condamnations pénales en 1994 et 1997, et à la persistance de son comportement violent au cours de la période récente à l'égard de son ancienne épouse et de son actuelle compagne, et nonobstant l'intensité de ses liens personnels et familiaux sur le territoire français, le refus d'abrogation contesté du 5 août 2016 de la mesure d'expulsion prise à l'encontre de M. D...en 1998 ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2017.

Le président rapporteur,

B. EVEN Le président assesseur,

P. HAMON

Le greffier,

I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 17PA02834


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02834
Date de la décision : 12/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : DODIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-12;17pa02834 ?
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