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12/12/2017 | FRANCE | N°16PA03362

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 12 décembre 2017, 16PA03362


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant pour elle des faits de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1503450/5-1 du 22 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme C...la somme de 5 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2015, et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête e

t un mémoire, enregistrés les 18 novembre 2016 et 7 novembre 2017, le ministre de la défense dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant pour elle des faits de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1503450/5-1 du 22 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme C...la somme de 5 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2015, et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 novembre 2016 et 7 novembre 2017, le ministre de la défense demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1503450/5-1 du

22 septembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande de MmeC....

Il soutient que :

- les éléments produits par Mme C...ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement à son encontre ;

- elle a été affectée sur un poste en conformité avec ses grades et compétences et a fait l'objet d'évaluations élogieuses et d'une proposition de promotion ;

- l'état de santé de Mme C...est sans lien avec ses conditions de travail.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 7 janvier et 12 novembre 2017, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 5 000 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 70 374,51 euros en réparation de ses préjudices matériels et moraux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'établit que des tâches mineures, sans rapport avec la fiche de poste, avec son grade et ses compétences lui ont été confiées à l'Institut des hautes études de la défense nationale ;

- elle a été mutée d'office sur un poste de chargé de mission, qui ne correspondait pas à ses qualifications, au lieu du poste de chef de bureau qui lui avait été promis ;

- les pièces produites établissent que la dégradation de son état de santé a pour cause ses conditions de travail ;

- le harcèlement dont elle a été victime l'a privée d'une promotion et a engendré un préjudice financier en termes de primes à hauteur de 7 676,51 euros et de pension de retraite à hauteur de 32 698 euros ;

- elle a subi un préjudice moral qui doit être indemnisé à hauteur de 30 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 89-750 du 18 octobre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- et les conclusions de MmeA....

1. Considérant que Mme C... a été recrutée par contrat le 1er septembre 1975 en qualité d'ingénieur et affectée à l'Ecole nationale supérieure des techniques avancées ; qu'elle a été placée auprès de la Commission européenne en qualité d'expert national détaché, puis en tant qu'agent temporaire, du 1er février 1996 au 31 janvier 2002 ; qu'après sa titularisation intervenue après un examen, le 1er février 2001, dans le corps des ingénieurs d'études et de fabrication du ministère de la défense (IEF), elle a été intégrée le 1er février 2002 au Centre des hautes études de l'armement (CHEAR), puis, le 1er janvier 2010, à la suite de la réorganisation de cette structure, à l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) sur un poste de chargée de mission ; qu'elle a été placée en congé de longue maladie, puis en congé de longue durée, à compter du 4 janvier 2012 et a demandé le 3 septembre 2014 à être admise à faire valoir ses droits à pension pour invalidité imputable au service ; qu'estimant avoir fait l'objet d'un harcèlement au cours de sa carrière et notamment lors de cette dernière affectation, elle a vainement demandé au ministre chargé de la défense d'indemniser ses préjudices résultant selon elle de ces faits ; que le ministre des armées relève appel du jugement du 22 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à celle-ci une somme de

5 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du harcèlement moral dont elle a été victime ; que, par la voie de l'appel incident, Mme C...demande que le montant de cette indemnité soit porté à la somme totale de 70 374,51 euros ;

Sur l'appel principal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

3. Considérant que la seule circonstance que Mme C...n'ait pas bénéficié d'un avancement au grade d'ingénieur divisionnaire d'études et de fabrication, ni à celui d'administrateur civil, qui ne constitue pas un droit, ne suffit pas à faire présumer une situation de harcèlement alors qu'il n'est pas établi ni même soutenu que des agents faisant l'objet d'évaluations moins favorables auraient bénéficié de telles promotions ; qu'il n'est pas plus établi, par ses seules affirmations, que Mme C...se serait vu promettre, en janvier 2010, une affectation sur un poste de chef de bureau ;

4. Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que MmeC..., appartient depuis 2001 au corps de catégorie A des ingénieurs d'études et de fabrication du ministère de la défense qui, en application de l'article 1er du décret du 18 octobre 1989 portant statut particulier de ce corps, sont chargés de travaux de " préparation, de direction et de contrôle des travaux scientifiques, techniques ou industriels effectués dans les établissements et services du ministère de la défense. Ils organisent le travail du service dont ils ont la charge et en assurent l'encadrement. Ils peuvent aussi être chargés de missions de surveillance industrielle en usine. " ; qu'elle a été affectée à compter du 1er janvier 2010, au sein de l'IHEDN, sur un poste de chargé de mission " ingénierie évènementiel " dont la fiche descriptive ne fait pas apparaître de mission de conception ni d'encadrement ; que Mme C...produit une attestation émanant de l'une de ses collègues directes relatant qu'elle était, entre autres, chargée de tâches de classement et de transport de documents, de collage d'enveloppes et de saisie informatique ; que ces tâches, outre qu'elles ne sont pas conformes à son grade, sont en contradiction avec les contre-indications médicales au port de charges lourdes énoncées par son médecin traitant et le médecin de prévention compétent ; que concomitamment à cette affectation, l'intéressée a souffert, à partir du mois de janvier 2010, d'un syndrome anxio-dépressif qui a conduit à son placement en congé de longue maladie à compter du 4 janvier 2012 ; que plusieurs médecins ont relevé que ceci était en relation directe avec ses conditions de travail ; que le ministre des armées n'avance aucun élément susceptible de remettre en cause la véracité de ces faits ; qu'ils sont de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement à l'encontre de Mme C...au sein de l'IHEDN ;

5. Considérant qu'en se bornant à faire état des notations et appréciations élogieuses la concernant, des propositions d'avancement, non suivies d'effet, dont elle a fait l'objet, et en se bornant à affirmer que les décisions de gestion prises à son égard seraient légales et qu'il n'y aurait pas de preuve de l'imputabilité au travail de son état de santé, le ministre des armées ne renverse pas la présomption de harcèlement relevée à l'encontre de MmeC... ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a retenu l'existence d'un harcèlement moral au préjudice de MmeC... ;

Sur l'appel incident :

7. Considérant, en premier lieu, que Mme C...est fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Paris n'a pas fait une juste appréciation du préjudice moral subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime depuis son affectation à l'IHEDN, qui a conduit à son placement en congé maladie de longue durée, en lui allouant à ce titre une somme de 5 000 euros ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de porter ce montant à la somme de 10 000 euros ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C...établit en appel que son placement en congé de longue maladie, imputable au harcèlement dont elle a été victime, lui a fait perdre le bénéfice d'une prime mensuelle de 163,33 euros à compter du mois de janvier 2013 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant l'Etat à lui verser à ce titre une indemnité limitée à la somme de 7 676,51 euros qu'elle demande ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'en l'absence de toute faute commise par l'Etat du fait de l'absence de promotion de MmeC..., celle-ci n'est pas fondée à demander la réparation du préjudice financier qui résulterait selon elle de la différence entre le montant de la pension de retraite qui lui sera servi et celui dont elle aurait bénéficié si elle avait été promue au grade d'ingénieur divisionnaire d'études et de fabrication ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est seulement fondée à demander la réformation du jugement et que l'indemnité que l'Etat a été condamné à lui verser soit portée de la somme de 5 000 euros à celle de 17 676,51 euros ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à Mme C...est portée de la somme de 5 000 euros à celle de 17 676,51 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 22 septembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2017.

Le rapporteur,

P. HAMONLe président,

B. EVENLe greffier,

I. BEDRLa République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA03362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03362
Date de la décision : 12/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CHARLES EDOUARD PONCET S.E.LA.S AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-12;16pa03362 ?
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