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30/11/2017 | FRANCE | N°16PA03777

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 30 novembre 2017, 16PA03777


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bank Saderat Iran a demandé au Tribunal administratif de Paris la restitution de la retenue à la source qu'elle a acquittée au titre de l'année 2009.

Par un jugement n° 1508498/1-2 du 18 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2016, la société Bank Saderat Iran, représentée par la société d'avocats Taj, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 150

8498/1-2 du 18 octobre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de lui accorder la restitution de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bank Saderat Iran a demandé au Tribunal administratif de Paris la restitution de la retenue à la source qu'elle a acquittée au titre de l'année 2009.

Par un jugement n° 1508498/1-2 du 18 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2016, la société Bank Saderat Iran, représentée par la société d'avocats Taj, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1508498/1-2 du 18 octobre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de lui accorder la restitution de la retenue à la source qu'elle a acquittée au titre de l'année 2009, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre une somme de 10 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car le tribunal n'explique pas, dans les motifs du jugement, pourquoi le gel des avoirs décidé par l'Union européenne ne permet pas de prouver qu'aucune distribution n'a été perçue par les associés de la société de droit iranien ; par ailleurs, le tribunal a omis de répondre au moyen selon lequel la présomption posée par l'article 115 quinquies est une présomption simple, qui peut être combattue, et au moyen concernant la répétition de l'indu ;

- la retenue à la source pratiquée sur les bénéfices réalisés par son établissement stable français constitue une imposition non sur les bénéfices mais sur les distributions ; or elle n'a pu en l'espèce procéder à aucune distribution au profit de ses associés, en raison des mesures restrictives adoptées le 26 juillet 2010 à l'encontre de l'Iran par le Conseil de l'Union européenne, qui empêchaient son établissement français de transférer des fonds vers l'Iran ;

- un expert doit être désigné pour vérifier le traitement du résultat de l'exercice 2009 de sa succursale française ;

- son établissement stable en France est imposé plus sévèrement que ne le serait une entreprise française exerçant la même activité, contrairement à ce que prévoit la clause de non discrimination de l'article 24 de la convention franco-iranienne ;

- la retenue qu'elle a acquittée est " indue ", au sens de l'article 1235 du code civil et doit lui être restituée, en vertu du principe de répétition de l'indu.

Par un mémoire, enregistré le 14 avril 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale franco-iranienne du 7 novembre 1973 ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- et les conclusions de M. Platillero, rapporteur public.

1. Considérant que la société Bank Saderat Iran a spontanément acquitté le 3 mai 2010 la retenue à la source exigible en vertu des articles 115 quinquies et 119 bis du code général des impôts, à raison du bénéfice réalisé en 2009 par sa succursale française, réputé distribué à des associés non résidents en France ; qu'estimant avoir acquitté à tort cette imposition, elle en a demandé la restitution le 30 juin 2011, puis le 6 mai 2014 ; que sa réclamation ayant été expressément rejetée le 23 mars 2015, elle a saisi le Tribunal administratif de Paris ; que, par la présente requête, elle relève appel du jugement du 18 octobre 2016, par lequel le Tribunal a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que la société requérante soutient que le Tribunal n'a pas précisé les raisons pour lesquelles, ainsi qu'il l'affirme dans les motifs du jugement, le gel des avoirs décidé par l'Union européenne ne permet pas de prouver qu'aucune distribution n'a été perçue par les associés de la société de droit iranien ; que, cependant, le jugement est suffisamment motivé sur ce point, dès lors que le Tribunal a également relevé que les comptes de l'établissement français de la société Bank Saderat Iran étaient consolidés au niveau de la société mère, que le gel des avoirs datait du 26 juillet 2010 et que rien ne permettait d'établir qu'il avait été immédiatement respecté ; que, par ailleurs, si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui desdits moyens ; que, par suite, les premier juges n'ont pas entaché leur décision d'irrégularité en ne répondant pas aux arguments selon lesquels la présomption posée par l'article 115 quinquies est une présomption simple, qui peut être combattue ; qu'en revanche, ils n'ont pas statué sur les conclusions subsidiaires de la société Bank Saderat Iran, qui faisait valoir que la retenue qu'elle a acquittée est indue, au sens de l'article 1235 du code civil et qu'elle devait lui être restituée, en vertu du principe de répétition de l'indu ; qu'il y a lieu d'annuler, dans cette mesure, le jugement attaqué et de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de la société Bank Saderat Iran relatives à la répétition de l'indu ;

Sur le bien-fondé de la retenue à la source :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 115 quinquies du code général des impôts : " 1. Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France. /Les bénéfices visés au premier alinéa s'entendent du montant total des résultats, imposables ou exonérés, après déduction de l'impôt sur les sociétés (...) /2. Toutefois, la société peut demander que la retenue à la source exigible en vertu des dispositions du 1 et de l'article 119 bis 2 fasse l'objet d'une nouvelle liquidation dans la mesure où les sommes auxquelles elle a été appliquée excèdent le montant total de ses distributions effectives. /L'excédent de perception lui est restitué (...) " ; qu'aux termes de l'article 119 bis du même code : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette disposition (...) " ; que l'article 380 de l'annexe II au code général des impôts dispose : " I. La société peut demander que la retenue à la source acquittée dans les conditions définies à l'article 379 fasse l'objet d'une nouvelle liquidation sur la base de ses distributions effectives. /Les distributions à retenir pour l'application de cette disposition s'entendent des distributions au sens des articles 109 et suivants du code général des impôts qui ont été effectuées au cours de la période de douze mois qui suit la clôture de l'exercice ou de la période dont les résultats ont été retenus pour le calcul de la retenue à la source, quel que soit l'exercice auquel elles se rapportent (...) " ; qu'il résulte des dispositions combinées du 1 de l'article 115 quinquies et des articles 119 bis et 187 du code général des impôts que les bénéfices réalisés en France par des personnes morales étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile réel ou leur siège social en France et donnent lieu à l'application d'une retenue à la source ; que cette retenue est due du simple fait que la société étrangère a réalisé des bénéfices en France, sous réserve de l'application des conventions internationales destinées à éviter les doubles impositions et sous réserve de la possibilité, ouverte à la société étrangère par le 2 de l'article 115 quinquies, de combattre la présomption établie par le 1 du même article ;

4. Considérant qu'il est constant que l'établissement français de la société Bank Saderat Iran a réalisé en 2009 un bénéfice de 6 230 326 euros, soit 3 264 614 euros après imputation de l'impôt sur les sociétés ; que la convention franco-iranienne du 7 novembre 1973 ne fait pas obstacle à l'imposition en France de ce bénéfice réputé distribué dès lors que le paragraphe 6 de son article 10 prévoit que " Les sociétés qui sont résidentes de l'Iran et qui possèdent un établissement stable en France restent soumises en France à la retenue à la source dans les conditions prévues par la législation interne française, étant toutefois entendu que la base d'imposition est réduite d'un tiers et que le taux applicable est celui prévu au paragraphe 2 du présent article " et que la retenue à la source litigieuse, d'un montant de 623 033 euros, acquittée par la société Bank Saderat Iran, a été calculée selon le taux de 15 % prévu par ces stipulations ; que, par ailleurs, si la société revendique le bénéfice des dispositions du 2 de l'article 115 quinquies, elle n'établit ni n'allègue que le montant total des distributions effectives auxquelles elle a procédé au cours de la période de référence, soit, en l'occurrence, au cours de l'année 2010, était inférieur au montant des bénéfices réalisés en France en 2009 et retenus pour le calcul de la retenue à la source ; que la société Bank Saderat Iran est par suite, en principe, redevable de la retenue à la source prévue par les dispositions combinées des articles 115 quinquies et 119 bis du code général des impôts, à raison du bénéfice réalisé en 2009 par son établissement français ;

5. Considérant que la société requérante soutient que la retenue à la source pratiquée sur les bénéfices réalisés par son établissement stable français constitue une imposition non sur les bénéfices mais sur les distributions et qu'elle n'a pu en l'espèce procéder à aucune distribution au profit de ses associés, en raison des mesures restrictives résultant du règlement d'exécution n° 668/2010 du Conseil du 26 juillet 2010 mettant en oeuvre l'article 7 § 2 du règlement n° 423/2007, qui empêchaient son établissement français de transférer des fonds vers l'Iran ; que, cependant, en raison de l'unicité de la personne juridique qu'elle formait avec son établissement français, elle est réputée avoir appréhendé automatiquement les bénéfices de cet établissement ; que les pièces qu'elle verse au dossier, à savoir de simples attestations qu'elle a elle-même établies, une demande d'autorisation de transfert adressée à la direction générale du Trésor le 15 mars 2012 et un document comptable faisant apparaître la comptabilisation du bénéfice de l'année 2009 en report à nouveau au passif du bilan de l'exercice 2010 de l'établissement français, ne suffisent pas en l'espèce à établir qu'elle n'aurait pu appréhender antérieurement au 26 juillet 2010 les produits générés par l'activité en 2009 de son établissement français et qu'elle n'aurait donc pas été situation de pouvoir effectuer des distributions au profit de ses associés, à l'aide de ces produits ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la convention franco-iranienne : " L'imposition d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant n'est pas établie dans cet autre Etat d'une façon moins favorable que l'imposition des entreprises de cet autre Etat qui exercent la même activité " ; que la société Bank Saderat Iran fait valoir que son établissement stable en France est imposé plus sévèrement que ne le serait une entreprise française exerçant la même activité dès lors qu'il supporte la retenue à la source, en sus de l'impôt sur les sociétés ; que, cependant, l'application de la retenue à la source à l'établissement de la société Bank Saderat Iran est justifiée par le fait qu'il est réputé opérer des distributions à l'étranger ; qu'une entreprise française ayant la même activité en France que cet établissement, qui verserait des distributions à l'étranger, supporterait également la retenue à la source, outre l'impôt sur les sociétés ; que si la société requérante soutient que précisément son cas est différent dès lors qu'en raison de la mesure restrictive adoptée par l'Union européenne, elle n'a pu effectuer de distributions à l'étranger, elle n'établit pas avoir été dans l'impossibilité d'effectuer de telles distributions, ainsi qu'il a été dit au point précédent ;

Sur la répétition de l'indu :

7. Considérant que la retenue la source acquittée par la société Bank Saderat Iran n'étant pas indue, celle-ci n'est pas fondée à demander le bénéfice de l'article 1235 du code civil, en tout état de cause, à supposer même que les dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ne fassent pas obstacle à ce qu'une action en répétition de l'indu soit exercée à l'encontre de l'Etat pour obtenir le remboursement d'une créance de nature fiscale ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de désigner un expert, d'une part, que la société Bank Saderat Iran n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions principales de sa demande, d'autre part, que les conclusions subsidiaires relatives à la répétition de l'indu, présentées devant le Tribunal administratif de Paris doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la société Bank Saderat Iran tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1508498/1-2 du 18 octobre 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions subsidiaires de la société Bank Saderat Iran relatives à la répétition de l'indu.

Article 2 : Les conclusions subsidiaires de la société Bank Saderat Iran relatives à la répétition de l'indu présentées devant le Tribunal administratif de Paris sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la société Bank Saderat Iran est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bank Saderat Iran et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 novembre 2017.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03777


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03777
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : GOUPILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-30;16pa03777 ?
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