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30/11/2017 | FRANCE | N°16PA03741

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 30 novembre 2017, 16PA03741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tradedoubler a demandé au Tribunal administratif de Paris le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 234 002 euros.

Par un jugement n° 1514720/1-3 du 5 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2016, la société Tradedoubler, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1514720/1-3 du 5 octo

bre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de lui accorder le remboursement du crédit de taxe su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tradedoubler a demandé au Tribunal administratif de Paris le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 234 002 euros.

Par un jugement n° 1514720/1-3 du 5 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2016, la société Tradedoubler, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1514720/1-3 du 5 octobre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de lui accorder le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ;

3°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas répondu à l'ensemble de ses moyens ;

- en raison d'un mauvais paramétrage du système d'auto-facturation avec ce prestataire, les factures émises au nom et pour le compte de la société Blue Jetcost sur la période d'avril 2010 à mars 2011 ne faisaient pas ressortir de taxe sur la valeur ajoutée ; elle a, pour cette raison, omis d'imputer cette taxe en temps utile ;

- la règle selon laquelle, pour pouvoir déduire la taxe dont la déclaration a été omise, il incombe à celui qui acquitte une facture ne faisant pas apparaître le montant de cette taxe de se faire délivrer une facture rectificative dans le délai prévu à l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts n'est valable que si le client n'ignore pas que le fournisseur ou le prestataire était redevable de la taxe acquittée par le client mais dont le montant n'apparaissait pas sur la facture initiale ; l'envoi d'une facture rectificative à un client dans l'ignorance de ce fait constitue un événement rouvrant le délai de réclamation ; elle ignorait que le défaut de mention de la taxe sur la valeur ajoutée sur les factures établies au nom de la société Blue Jetcost procédait d'une erreur, cette société n'ayant pas contesté en 2010 et 2011 le contenu des factures émises en son nom et ne l'ayant alertée qu'en 2014 ;

- elle fait l'objet d'un traitement discriminatoire, moins favorable que celui qui serait réservé au client d'un redevable faisant l'objet d'un rappel, lequel client serait en droit d'opérer la déduction du complément de taxe facturé par le redevable jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la facturation rectificative ;

- le refus d'accepter la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée entraîne un enrichissement sans cause de l'Etat ;

- le droit positif français, qui autorise le refus de déduction litigieux, est incompatible avec le droit communautaire et les principes de neutralité et d'effectivité.

Par un mémoire, enregistré le 22 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- elle est insuffisamment motivée et par voie de conséquence irrecevable ;

- aucun des moyens de la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CEE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- et les conclusions de M. Platillero, rapporteur public.

1. Considérant que la société Tradedoubler relève appel du jugement en date du 5 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 234 002 euros, dont elle estimait disposer au 30 avril 2015 ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'action et des comptes publics, la requête de la société Tradedoubler, qui ne se borne pas à reproduire le contenu de ses écritures de première instance, répond aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que le Tribunal a omis d'examiner le moyen soulevé par la société Tradedoubler, tiré de ce que le droit interne français apparaît, compte tenu de la discrimination dont elle fait l'objet, comme incompatible avec le droit communautaire, en particulier les principes de neutralité et d'effectivité ; qu'il y a lieu en conséquence d'annuler le jugement attaqué et de statuer par voie d'évocation sur la demande présentée par la société Tradedoubler devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur le bien-fondé de la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) " ; qu'en vertu de l'article 269 du même code, pour les prestations de services, la taxe est exigible chez le redevable lors de l'encaissement du prix ; qu'aux termes de l'article 289 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. - 1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers (...) II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture (...) " ; qu'aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : (...) 8° Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable ou, le cas échéant, le bénéfice d'une exonération (...) 11° Le montant de la taxe à payer et, par taux d'imposition, le total hors taxe et la taxe correspondante mentionnés distinctement (...) " ; enfin, qu'aux termes de l'article 208 de cette même annexe : " I. - Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que, d'une part, le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez le prestataire de services et non lors de la délivrance de factures rectifiant l'omission de la mention de la taxe sur les factures adressées initialement au bénéficiaire des prestations ; que, d'autre part, ce droit ne peut être exercé que lorsque le bénéficiaire des prestations s'est acquitté du prix demandé et qu'il détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée et qu'enfin, le délai pour réparer une omission de déclaration de la taxe déductible court à compter de l'exigibilité de la taxe chez le fournisseur ; qu'en conséquence, pour pouvoir déduire la taxe dont la déclaration a été omise, il incombe à celui qui acquitte une facture ne faisant pas apparaître le montant de cette taxe, alors qu'il n'ignore pas que le prestataire en est redevable, de se faire délivrer dans le délai prévu à l'article 208 de l'annexe II une facture répondant aux exigences de l'article 289 précité ; que ce délai, qui n'est pas moins favorable que celui prévu pour présenter une réclamation, n'est pas contraire aux dispositions de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 dont l'article 18 paragraphe 3, repris à l'article 180 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, n'interdit pas que soient prévues en droit national des forclusions du droit à déduction ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont la société Tradedoubler demande le remboursement résulte de l'imputation sur sa déclaration de chiffre d'affaires du mois de septembre 2014 d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible de 279 867 euros, correspondant, à hauteur de la somme de 234 002 euros, aux prestations facturées par son fournisseur Blue Jetcost entre les mois d'avril 2010 et mars 2011, qu'elle n'avait pas alors déduite de la taxe due au titre de ses opérations, faute que les factures établies au nom et pour le compte de la société Blue Jetcost aient fait apparaître le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, et, à hauteur de la somme de 45 864 euros, à un complément de prix facturé le 1er septembre 2014 par la société Blue Jetcost pour les prestations de la période d'avril 2010 à mars 2011 ;

7. Considérant qu'en application du système d'auto-facturation prévu par le 2 du I de l'article 289 du code général des impôts et en vertu d'un mandat qu'elle lui avait expressément donné, la société Tradedoubler établissait matériellement pour le compte de la société Blue Jetcost, les factures que celle-ci lui destinait ; qu'elle soutient qu'en raison d'un " mauvais paramétrage du système d'auto-facturation avec ce prestataire " les factures émises au nom et pour le compte de la société Blue Jetcost sur la période d'avril 2010 à mars 2011 ne faisaient pas ressortir de taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle a, pour cette raison, omis d'imputer cette taxe en temps utile ; que, cependant, il lui appartenait en vertu de la règle rappelée au point 5, d'effectuer les diligences nécessaires pour obtenir, dans le délai prévu par les dispositions précitées de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, des factures comportant les mentions nécessaires à la déduction de la taxe ; que, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée était devenue exigible chez le prestataire de services Blue Jetcost au moment de l'encaissement des sommes portées sur les factures correspondant à la période d'avril 2010 à mars 2011, le délai de deux ans prévu par cet article pour exercer le droit à déduction courait à compter de chacune des années correspondantes et était expiré lorsque la société a exercé ce droit en 2014 ; qu'en tout état de cause, la facture rectificative établie le 1er septembre 2014 par la société Blue Jetcost ne mentionnait pas la taxe, d'un montant total de 234 002 euros, relative aux opérations des années 2010 et 2011, dont la déduction a été omise par la société Tradedoubler, mais une taxe d'un montant de 45 864 euros, afférente à un complément de prix demandé en 2014 par la société Blue Jetcost ; que l'administration était par suite en droit, comme elle l'a fait, de refuser de restituer à hauteur de la somme de 234 002 euros le crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont la société Tradedoubler estimait disposer ;

8. Considérant que la société requérante soutient que la règle exposée au point 5 ne vaut que que si le client n'ignore pas que le fournisseur ou le prestataire était redevable de la taxe acquittée par le client mais dont le montant n'apparaissait pas sur la facture initiale et que l'envoi d'une facture rectificative à un client dans l'ignorance de ce fait constitue un événement rouvrant le délai de réclamation ; qu'elle fait valoir qu'elle ignorait que le défaut de mention de la taxe sur la valeur ajoutée sur les factures établies au nom de la société Blue Jetcost procédait d'une erreur, cette société n'ayant pas contesté en 2010 et 2011 le contenu des factures émises en son nom et ne l'ayant alertée qu'en 2014 ; que, cependant, la société Tradedoubler ne conteste pas que les prestations réalisées par la société Blue Jetcost étaient imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle indique elle-même qu'aux termes du mandat d'auto-facturation, la société Blue Jetcost demeurait redevable légal de la taxe sur la valeur ajoutée à collecter sur les prestations qui lui étaient rendues ; que, par ailleurs, dès lors qu'elle établissait matériellement les factures de son prestataire Blue Jetcost, elle ne pouvait ignorer l'erreur consistant à ne pas mentionner la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures ;

9. Considérant que la société Blue Jetcost n'ayant fait l'objet d'aucun redressement de taxe sur la valeur ajoutée, la société Tradedoubler ne saurait soutenir qu'elle fait l'objet d'un traitement moins favorable que le client d'un redevable faisant l'objet d'un rappel, lequel client serait en droit d'opérer la déduction du complément de taxe facturé par le redevable jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la facturation rectificative ; que la société Tradedoubler ne faisant l'objet d'aucune discrimination, elle ne saurait en tout état de cause soutenir que le droit positif français, en tant qu'il prévoit des forclusions du droit à déduction, est incompatible avec le droit communautaire ;

10. Considérant que le refus de l'administration d'autoriser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse ne saurait être regardé comme un enrichissement sans cause au profit de l'Etat, dès lors qu'il résulte de l'application des dispositions légales relatives au délai imparti pour réparer une omission de déclaration de la taxe déductible ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par la société Tradedoubler devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1514720/1-3 du 5 octobre 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Tradedoubler devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tradedoubler et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 novembre 2017.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03741
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-06 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS HEDEOS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-30;16pa03741 ?
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