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15/11/2017 | FRANCE | N°16PA03452

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 15 novembre 2017, 16PA03452


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Bora 2006 B a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de lui rembourser la somme de 1 566 238 francs CFP au titre de son crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour le troisième trimestre de l'année 2015 assortie des intérêts de retard à compter du 11 juillet 2011.

Par un jugement n° 1600020 du 27 septembre 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête enregistrée le 27 novembre 2016 sous le n° 16PA03452, la SNC Bora 2006 B, représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Bora 2006 B a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de lui rembourser la somme de 1 566 238 francs CFP au titre de son crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour le troisième trimestre de l'année 2015 assortie des intérêts de retard à compter du 11 juillet 2011.

Par un jugement n° 1600020 du 27 septembre 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2016 sous le n° 16PA03452, la SNC Bora 2006 B, représentée par la SARL Domigestion, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui accorder le remboursement de la somme de 1 566 238 francs CFP au titre de son crédit de taxe sur la valeur ajoutée pour le troisième trimestre de l'année 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 230 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

- les factures en litige ne sont pas fictives et la réalité de l'opération commerciale n'est pas sérieusement contestée ni même contestable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2017, la Polynésie française, représentée par Me B...et Me D...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SNC Bora 2006 B le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La Polynésie française soutient que les moyens soulevés par la SNC Bora 2006 B ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française ; ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers,

- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

1. Considérant que dans le cadre d'une opération de défiscalisation des investissements outre-mer, en application des dispositions de la loi dite " loi Girardin ", la société en nom collectif (SNC) Bora 2006 B a procédé à l'acquisition d'un véhicule automobile de la marque " Kiamotors " auprès de la Société Tahitienne d'Automobiles, le 22 février 2006 ; que ce véhicule était destiné à être utilisé par M. A..., exploitant dans la culture fruitière et immatriculé à Papeete ; qu'à cette fin, un contrat de location du véhicule a été conclu entre la SNC Bora 2006 B et M. A..., le 28 février 2006 ; que le financement de l'opération reposait, d'une part, sur un apport de la SNC Bora 2006 B d'un montant de 539 379 francs CFP correspondant à 25 % du montant hors taxes du véhicule acquis, et d'autre part, sur un crédit vendeur consenti par M. A... à la SNC Bora 2006 B d'un montant de 1 935 621 francs CFP, moyennant des mensualités payables par compensation avec les loyers dus ; que l'Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée (EURL) " Les Fare Pilot " a acquis, le 22 février 2006 deux véhicules automobiles de la marques " Kiamotors ", auprès de la Société Tahitienne d'Automobiles ; que, par un contrat de vente signé le 8 mars 2006, la société Les Fare Pilot a cédé les véhicules à la SNC Bora 2006 B pour un montant hors taxes de 8 474 690 francs CFP et un montant toutes taxes comprises de 9 718 672 francs CFP ; qu'afin d'utiliser les véhicules pour les besoins de son exploitation, la société Les Fare Pilot a conclu un contrat de location avec la SNC Bora 2006 B le 8 mars 2006 pour une durée de cinq ans ; que s'agissant du financement de l'opération, la SNC Bora 2006 B s'engageait à verser une quote-part du prix, soit un montant toutes taxes comprises de 2 118 673 francs CFP, représentant 25 % de la valeur hors taxes des véhicules acquis neufs ; que le paiement du solde du prix devait s'effectuer par un crédit vendeur consenti par la société Les Fare Pilot à la SNC Bora 2006 B, moyennant des mensualités payables par compensation avec les loyers dus ; que suite à ces opérations, la SNC Bora 2006 B a sollicité, le 12 octobre 2015, le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du troisième trimestre 2015 pour un montant de 1 566 238 francs CFP ; que cette demande a été rejetée expressément le 23 novembre 2015 ; que la SNC Bora 2006 B relève appel du jugement du 27 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant au remboursement de ce crédit de TVA ;

Sur la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée relatif au 3ème trimestre 2015 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 345-4 du code des impôts de la Polynésie française " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation (...) " ; qu'aux termes de l'article 345-10 du même code " la taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures " ; qu'aux termes de l'article 345-15 de ce code : " La déduction initialement opérée fait l'objet d'une régularisation, par imputation ou remboursement, lorsque la déduction s'avère supérieure ou inférieure à celle que l'assujetti était en droit d'opérer ou lorsque des modifications des éléments ayant servi à déterminer le montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment : / (...) lorsqu'une facture ou le document en tenant lieu ne correspond pas effectivement à la livraison d'un bien ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur (...) " ; qu'aux termes de l'article 345-20-1 du même code : " Le droit à déduction de la taxe qui a grevé l'acquisition, la construction ou la création en Polynésie française de biens mobiliers ou immobiliers ouvrant droit à défiscalisation métropolitaine ne peut s'exercer que par cinquième au cours de la période de 60 mois durant laquelle les investisseurs métropolitains sont tenus de maintenir l'investissement correspondant dans le territoire. / Le montant de la déduction opérée annuellement est à ajuster au prorata temporis de la date de début d'exploitation " ; qu'aux termes de l'article 345-22 de ce code : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut intervenir sur demande de l'assujetti ou de son représentant fiscal dûment accrédité. La demande peut porter sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de l'année civile précédente, sous réserve d'atteindre un montant minimal de 20 000 F CFP. Sous peine de forclusion, la demande doit être déposée au plus tard le 31 janvier pour les entreprises placées sous le régime réel d'imposition et au plus tard le 31 mars pour les entreprises placées sous le régime simplifié d'imposition " ; qu'aux termes de l'article 345-24 du même code : " Les demandes de remboursement sont formulées sur un imprimé dont le modèle est fixé par arrêté pris en conseil des ministres. / S'il s'agit de la première demande en restitution et en tout état de cause à toute réquisition de la direction des impôts et des contributions publiques, le demandeur est tenu de produire le relevé des documents d'importation et des factures d'achat justifiant de la taxe déductible " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

4. Considérant que pour refuser à la SNC Bora 2006 B le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures établies par la société Tahitienne d'Automobiles, société régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés de Tahiti, et assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, et refuser le remboursement du crédit correspondant, l'administration fiscale fait valoir que l'article 344-5 du code des impôts de la Polynésie française n'est pas respecté ; que s'agissant de la facture d'achat établie par la société Tahitienne d'Automobiles au nom de la société " Les Fare Pilot ", en date du 22 février 2006, elle n'est pas numérotée ; que sur la facture établie par la société Les Fare Pilot au nom de la SNC Bora 2006 B, outre qu'aucun numéro n'y figure, la dénomination des véhicules vendus est imprécise ; que s'agissant de la facture d'achat établie par la société Tahitienne d'Automobiles au nom de la SNC Bora 2006 B, en date du 22 février 2006, qui n'est pas davantage numérotée, les coordonnées de la SNC Bora 2006 n'y figurent pas ; qu'il est par ailleurs impossible d'identifier les véhicules vendus et de dater précisément les opérations ; qu'au vu de tous ces éléments, qui sont vérifiés au dossier, l'administration fiscale apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture litigieuse ne correspond pas à une opération réelle ;

5. Considérant qu'un véhicule est éligible au montage de défiscalisation pour les investissements outre-mer s'il est démontré qu'il est strictement indispensable à l'activité du locataire ; que pour refuser le remboursement de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale fait valoir que les documents produits par la SNC Bora 2006 B ne permettent pas de contrôler l'utilisation professionnelle des véhicules par les locataires exploitants et qu'il est impossible de s'assurer que les biens mentionnés sur les factures sont ceux figurant dans les contrats de financement ou dans les contrats de location ; que s'agissant du contrat de location conclu entre la SNC Bora 2006 B et M. A..., la marque " Kia K2700 4x2 2,7 L diesel plateau " et l'usage du véhicule " transport de matériels, production " sont mentionnés en annexe ; qu'aucun numéro d'identification du véhicule n'est inscrit, et que l'usage est imprécis ; que s'agissant du contrat de financement conclu entre la SNC Bora 2006 B et M. A..., le véhicule est désigné par " le matériel " et l'annexe au contrat n'est pas produite au dossier ; que s'agissant du contrat de location conclu entre la SNC Bora 2006 et la société Les Fare Pilot, si, la marque " 2 Sorento 2,5 TD boite séquentielle 4x4 " et l'usage du véhicule " transport de matériels " sont mentionnés en annexe, aucun numéro d'identification du véhicule n'est toutefois précisé ni d'ailleurs son usage ; qu'ainsi, il est impossible d'identifier les véhicules et leur destination ; que si des procès-verbaux de livraison ont été produits au dossier , celui du 8 mars 2006 pour la livraison des véhicules à la société Les Fare Pilot, ne fournit aucune indication sur les véhicules livrés ni le lieu de livraison ; que s'agissant du procès-verbal en date du 28 février 2006 pour la livraison du véhicule à M. A..., aucune indication n'est donnée sur le véhicule livré ni le lieu de livraison ; que les procès-verbaux prévoient par ailleurs la délivrance d'attestations de financement qui ne figurent pas au dossier ; qu'aucune attestation d'assurance pour les véhicules des locataires exploitants n'est produite ; que rien au dossier ne permet de déterminer l'utilisation précise des véhicules ; que ces éléments ne permettent pas de démontrer que les locataires exploitants sont utilisateurs des véhicules pour leurs besoins professionnels ; que ces éléments, avancés par l'administration et vérifiés au dossier, sont suffisants pour permettre de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle ;

7. Considérant que si la SNC Bora 2006 B produit les factures et les extraits de compte bancaire détenus par la société " Domigestion " auprès de la Fortis banque, le délai écoulé entre l'établissement des factures et l'ordre de virement est anormalement long ; que s'agissant de la société Les Fare Pilot, l'établissement de la facture date du 22 février 2006 alors que le virement effectif est intervenu le 21 mars 2006 ; que s'agissant de M. A..., l'établissement de la facture date du 22 février 2006 alors que le virement effectif est intervenu le 6 avril 2006 ; qu'ainsi la SNC n'apporte pas de justifications suffisantes concernant la réalité de l'opération figurant sur la facture en litige ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère fictif, que la société ne pouvait ignorer compte tenu du dispositif contractuel évoqué ci-dessus, de l'opération commerciale en cause ; que, par suite, l'administration était fondée à refuser le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Bora 2006 B n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SNC Bora 2006 B demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la Polynésie française sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SNC Bora 2006 B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêté sera notifié à la SNC Bora 2006 B et à la Polynésie française. Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président,

- M. Auvray, président-assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 15 novembre 2017.

Le président-rapporteur,

M. HEERSL'assesseur le plus ancien,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03452


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03452
Date de la décision : 15/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : CERES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-15;16pa03452 ?
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